Une base navale comme pivot stratégique en mer Rouge
Le projet de base navale proposé à la Russie par les autorités soudanaises repose sur plusieurs paramètres qui soulignent son importance géopolitique. Selon le Wall Street Journal « le Soudan propose à la Russie sa première base navale en Afrique », une déclaration qui éclaire la portée hautement stratégique de l’offre. De fait, Khartoum envisage un accord de 25 ans, donnant à Moscou des droits élargis sur une portion du littoral.
Dans ce cadre, la présence russe pourrait compter 300 soldats, appuyés par quatre navires de guerre, y compris des bâtiments à propulsion nucléaire, comme l’a confirmé La Nouvelle Tribune. Ce format militaire offrirait à la Russie une capacité d’action constante, tandis que le Soudan gagnerait un puissant soutien extérieur. Par ailleurs, cet accord « pourrait donner à Moscou un accès stratégique aux principales routes commerciales internationales », alors que 12 % du commerce mondial passe par le canal de Suez.
Cette base navale potentielle ouvrirait aussi un débouché permanent sur la mer Rouge, une région où transitent aussi bien le trafic pétrolier que les flux militaires internationaux. Moscou pourrait ainsi projeter des moyens vers la Méditerranée ou l’océan Indien, grâce à une profondeur stratégique encore absente de son dispositif africain. Le Soudan, lui, chercherait à renforcer son appareil sécuritaire dans une période de grande instabilité, conséquence directe du conflit interne déclenché en 2023. Les autorités militaires soudanaises sont en quête de nouveaux partenaires pour consolider leur survie politique. Dans ce contexte, l’offre faite à la Russie apparaît également comme un moyen d’obtenir des armements à tarifs préférentiels et un soutien militaire durable.
Un accord militaire aux dimensions économiques assumées
Au-delà du volet militaire, la proposition soudanaise comporte une dimension économique significative. Selon La Nouvelle Tribune, Khartoum espérerait en échange des livraisons d’armements russes à coûts réduits ainsi qu’un accès privilégié à des technologies et à des équipements aujourd’hui hors de portée financière. Cette demande s’inscrit dans une logique de réarmement accéléré, indispensable au régime pour conserver l’avantage face aux groupes rivaux.
Les autorités militaires cherchent également à attirer des investissements russes dans le secteur extractif. Selon cette même source, le Soudan proposerait d’ouvrir des concessions minières, notamment aurifères, à des entreprises russes. Ce mécanisme, conçu pour renforcer le flux de devises, viendrait compenser la dégradation rapide de l’économie nationale. L’opération permettrait aussi à Moscou d’étendre son influence dans un secteur stratégique, après des tentatives déjà observées dans plusieurs États africains.
D’un point de vue financier, la coopération autour d’une base navale pourrait offrir au Soudan un levier pour remédier aux profondes difficultés qu’il traverse. Depuis 2023, le pays est en proie à un effondrement institutionnel, aggravé par les combats entre factions armées. L’apport russe, qu’il soit militaire ou minier, pourrait donc intervenir comme une source de stabilité relative, même si le risque d’une dépendance accrue reste présent. Par ailleurs, cette présence renforcerait la posture russe sur une zone maritime essentielle, déjà convoitée par des acteurs régionaux comme l’Égypte, l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis.
Une implantation militaire aux implications géopolitiques sensibles
L’installation d’une base navale russe au Soudan modifierait durablement la cartographie militaire de la mer Rouge. Moscou y verrait l’opportunité d’observer et de sécuriser les grands flux maritimes, une fonction essentielle alors que les tensions régionales se multiplient. La présence de navires à propulsion nucléaire accroîtrait par ailleurs la capacité russe à mener des opérations de longue durée sans dépendre des ports alliés.
Toutefois, cette implantation soulève des inquiétudes chez plusieurs puissances occidentales et régionales. Les États-Unis et plusieurs capitales européennes redoutent un renforcement du dispositif russe à proximité immédiate de la péninsule Arabique, ce qui pourrait complexifier les opérations de sécurisation des points de passage stratégiques. Dans ce contexte, le projet soudanais s’inscrit dans une dynamique de compétition navale, où chaque accès maritime devient un multiplicateur d’influence.
En réaction, plusieurs diplomaties envisageaient déjà des mesures de pression ou des incitations destinées à dissuader Khartoum d’entériner l’accord. Pour le Soudan, cet enjeu place le pays au centre d’un jeu d’équilibriste, entre recherche de soutien extérieur et maintien d’une relative neutralité vis-à-vis des grandes puissances. L’offre adressée à la Russie, très structurée et assortie d’un bail de 25 ans, souligne cependant la volonté du régime militaire de s’inscrire dans une coopération durable, potentiellement irréversible. Dans un environnement régional instable, le choix soudanais pourrait ainsi redessiner les rapports de force en mer Rouge pour plusieurs décennies.

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