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Méditerranée : l’Ukraine frappe la flotte fantôme russe à plus de 2 000 km de ses frontières




Publié par Paul-Gabriel LANTZ le 22 Décembre 2025

Les 18 et 19 décembre 2025, une opération attribuée aux services de renseignement ukrainiens a visé le pétrolier Qendil, identifié comme appartenant à la flotte clandestine russe opérant sous sanctions. Menée en Méditerranée, à très longue distance du théâtre de la mer Noire, cette attaque marque une inflexion stratégique majeure : Kyiv démontre désormais une capacité crédible de projection de puissance navale et clandestine hors de son environnement opérationnel immédiat, en s’appuyant sur des drones de surface ou aériens associés au Service de sécurité d’Ukraine (SBU).



Une signature opérationnelle sans ambiguïté

Mediterranean Sea political map-en.svg - Wikimedia Commons
Mediterranean Sea political map-en.svg - Wikimedia Commons
Selon les premiers éléments disponibles, le Qendil aurait été frappé par des drones navals ou aériens, potentiellement lancés depuis des bases non identifiées. La précision de l’attaque, la sélection de la cible et la distance parcourue suggèrent une planification relevant du renseignement stratégique et non d’une action tactique opportuniste. Cette opération s’inscrit dans la continuité doctrinale observée depuis 2024, lorsque l’Ukraine a progressivement étendu l’emploi de drones navals contre la flotte russe en mer Noire, avant d’élargir le spectre géographique de ses actions.
Le bilan humain, encore partiel, fait état de deux morts et sept blessés, chiffres relayés par Alexandre Nevzorov, journaliste d’opposition russe disposant d’accès à des canaux Telegram non officiels liés aux milieux sécuritaires. Si ces informations restent à confirmer par des sources primaires, elles sont cohérentes avec les retours fragmentaires observés sur plusieurs réseaux russes dissidents.

La rumeur Averyanov : signal stratégique ou brouillard informationnel ?

Un second niveau d’information, beaucoup plus sensible, circule depuis le 19 décembre. Selon plusieurs médias d’opposition russes, le général Andrei Averyanov aurait pu se trouver à bord du pétrolier au moment de l’attaque. Averyanov dirige l’unité n° 29155 du GRU, structure spécialisée dans les opérations clandestines extérieures. Cette unité est régulièrement citée dans des affaires majeures, de l’empoisonnement de Skripal à Salisbury aux explosions de Vrbětice en République tchèque, ainsi que dans les opérations plus récentes liées aux structures para-militaires russes en Afrique.
Aucune confirmation officielle, ni ukrainienne ni russe, ne permet à ce stade d’établir sa présence ni, a fortiori, son éventuelle mort. L’information repose exclusivement sur des sources humaines issues de l’opposition et sur des canaux Telegram, un écosystème connu pour mêler renseignement brut, rumeurs et opérations psychologiques. Cette zone grise informationnelle impose une prudence analytique maximale.

Deux hypothèses, un même constat stratégique

Trois hypothèses structurent aujourd’hui l’analyse. L’hypothèse de l’opération stratégique réussie supposerait qu’Averyanov ait effectivement été éliminé, Kyiv choisissant de ne pas officialiser le succès afin de maintenir un climat d’incertitude au sommet de l’appareil sécuritaire russe. L’attaque est réelle, mais la mort du général ne l’est pas : la cible est bien la flotte fantôme, la rumeur Averyanov servant avant tout d’amplificateur médiatique.
Quel que soit le scénario retenu, l’effet principal est atteint : la flotte clandestine russe apparaît désormais vulnérable bien au-delà de la mer Noire, et l’appareil sécuritaire du Kremlin est contraint de gérer une incertitude interne qu’il maîtrise historiquement mal.
Cette attaque contre le Qendil constitue un signal stratégique clair. L’Ukraine confirme sa montée en gamme opérationnelle, combinant renseignement, drones et guerre psychologique sur un théâtre élargi. Pour Moscou, les implications sont lourdes : sécuriser la logistique énergétique sous sanctions devient plus coûteux, plus complexe et plus risqué, tandis que la simple rumeur d’une perte au sommet du GRU suffit à fragiliser la cohésion interne. Pour les services européens, la coopération avec les services ukrainiens est un facteur-clé de succès contre les opérations hybrides russes. Le MI 6 semble l’avoir bien compris. 


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