Une offensive commune par l’achat militaire
L’idée est simple sur le papier : permettre aux États membres d’emprunter ensemble pour acheter du matériel militaire à grande échelle. La Commission européenne, dotée d’une meilleure note de crédit que nombre de pays, prévoit de lever jusqu’à 150 milliards d’euros sur les marchés. Ces prêts à taux préférentiels devraient être garantis par le budget communautaire, réduisant les coûts pour les bénéficiaires. Le plan SAFE s’inscrit dans une stratégie de soutien massif à l’industrie de défense européenne.
L’objectif est de mutualiser les investissements, d’augmenter les volumes produits et d’accélérer la reconstitution des stocks, souvent à des niveaux historiquement bas depuis les transferts vers l’Ukraine.
Armement européen ou dépendance américaine ?
Derrière cette stratégie se cache une tension majeure : l’Europe peut-elle vraiment acheter européen ? Selon BFMTV, une partie non négligeable des commandes militaires financées via SAFE pourrait « bénéficier aux États-Unis ». En effet, Washington a récemment confirmé que l’Europe s’était engagée à acquérir « des quantités importantes d’équipements militaires américains », sans davantage de précisions. Une situation qui suscite de vives inquiétudes à Bruxelles.
Le mécanisme SAFE prévoit une clause de préférence industrielle : pour qu’un projet soit éligible, « environ deux tiers de la valeur du système d’arme acquis doivent être fabriqués dans un État membre de l’Union, en Ukraine ou dans un pays de l’Espace économique européen/Association européenne de libre-échange », explique EuroNews.
Des prêts pour relancer la base industrielle
L’intérêt de cette démarche dépasse la simple relance d’un secteur. SAFE s’inscrit dans une logique de résilience stratégique. Selon Toute l'Europe, plusieurs pays voudraient accéder à des crédits, dans un calendrier étalé sur cinq ans. La condition fixée par la Commission : intégrer des projets collectifs, favoriser la production intra-européenne, et renforcer l’interopérabilité des forces armées.
Derrière cette dynamique, se joue aussi la volonté de consolider un marché intérieur de la défense, unifié, compétitif, moins fragmenté. Pour cela, des projets communs d’achat militaire devront être validés, évalués, et structurés autour d’objectifs industriels.
La France, l’Allemagne, l’Italie ou encore la Pologne figurent parmi les États moteurs. La Pologne, notamment, s’inquiète de la dépendance croissante à l’égard des industriels non-européens. Quant à la France, elle plaide pour une autonomie stratégique réelle.
Une course contre la montre budgétaire
Mais cette ambition se heurte à une réalité politique. Le financement commun par emprunt suppose un consensus à 27. Si le mécanisme SAFE peut s’appuyer sur la facilité budgétaire existante, sa mise en œuvre dépendra de la rapidité de validation par les institutions.
Autre enjeu : convaincre les opinions publiques. Un tel montant – 127 milliards d’euros – suscite des interrogations. À quoi seront réellement affectés les fonds ? Quels industriels bénéficieront des commandes ? Comment garantir la transparence des projets retenus ? Pour l’instant, peu de détails sont disponibles sur la ventilation précise des fonds.