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Une Libye désunie de nouveau déchirée par les conflits




Publié par Henri Poisot le 25 Avril 2019

La situation politique et militaire libyenne est un cas de balkanisation très large. La chute de Kadhafi en 2011 a détruit la cohésion nationale. Dans ce pays failli, les milices et le gouvernement autoproclamé s’affrontent et s’allient.



La situation actuelle résulte des évènements de l’année 2014. Pendant cet été a eu lieu une élection législative qui a abouti à une assemblée plus « civile » que l’ancien parlement alors appelé Congrès général national (CGN) dominé par une tendance islamiste.
Le nouveau parlement appelé Chambre des représentants perdit le soutien populaire après avoir demandé une intervention étrangère pour régler le problème des milices islamistes. Le CGN continua ainsi à siéger, refusant le résultat des élections. La majorité du parlement nouvellement élu partit à Tobrouk, la Libye étant désormais dirigée par deux entités étatiques qui se disputent toujours chacune leur légitimité.
 
Les acteurs en présence :

Le gouvernement d’entente nationale (GNA en anglais)

Fayez al Sarraj est le Premier ministre du GNA, le seul gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale, fruit de l’accord interlibyen signé sous l’égide de l’ONU au Maroc à la fin 2015. Il est entré en fonction en mars 2016, mais n’a pu établir son autorité que sur une fraction du pays. Fayez est un homme d’affaires, député depuis 2012 au Congrès général national puis à la Chambre des représentants.
Le GNA est soutenu par plusieurs milices fortement armées et entraînées qui ont notamment combattu Daech dans la ville de Syrte en 2016. Les plus importantes sont les milices de Misrata et les Brigades de défense de Benghazi. Les Brigades ont dû fuir la ville dont elles portent le nom chassé par le général Haftar. Ces groupes armés à tendance islamiste sont très proches des frères musulmans aux pouvoir à Tripoli.
Khalid al-Mishri est le président du Haut Conseil d’État libyen (la chambre haute) situé à Tripoli. Le Haut Conseil d’État regroupe de nombreux anciens du CGN qui refusent la légitimité du parlement de Tobrouk et se sont attribué le pouvoir législatif depuis 2016. Khalid al-Mishri est membre du parti Justice et Construction qui est la branche locale des frères musulmans. Il est très hostile au général Haftar et à ses soutiens, en particulier le président égyptien al-Sissi qui a fortement combattu les frères musulmans dans son pays.
 
L’armée nationale libyenne (LNA en anglais)

Dirigée par le « maréchal » auto proclamé Khalifa Haftar, général de l’armée libyenne, il est capturé au Tchad en 1987, se réfugie aux États-Unis et revient en Libye au début de l’insurrection en 2011. L’ANL est un assemblage précaire de nombreuses milices et tribus, sa cohésion est assurée par la présence du charismatique général. Il est lui-même soutenu par le parlement élu en 2014 et qui siège à Tobrouk. Son président, Aguila Salah Issa apporte une légitimité politique et démocratique à Haftar, il est aussi membre d’une des plus puissantes tribus de l’est, les al-Obeidat.
Le général a réussi à assumer le contrôle de la plus grande partie de la Libye, notamment la Cyrénaïque et le Fezzan soit l’est et le sud-ouest.
Grâce à la stabilité qu’il représente et à son offensive contre Daech à Derna, il a gagné le soutien de nombreux pays occidentaux et de la région. Si les pays occidentaux se trouvent embarrassés par la soudaine offensive de ce général sur Tripoli, celui-ci bénéficie toujours plus de l’aide de nombreux acteurs de la région dont l’Égypte.
Malgré son nom, l’ANL est un agencement complexe de soldats professionnels et de nombreuses milices. Sur les 25 000 hommes qu’elle comporte, seulement 1/3 sont des troupes régulières, le reste environ 18 000 hommes, est réparti entre milices salafistes, kadhafistes, rebelles soudanais et tchadiens et tribus touaregs et arabes.
Il reçoit aussi l’appui des milices de Zenten, hostiles aux islamistes, une ville située non loin de la frontière tunisienne.
 
Les milices non alignées

Les bordures sud et est du pays sont contrôlées par plusieurs milices ethniques.
Dans le sud, le long de la frontière avec le Tchad, le Niger et le Soudan se trouvent les Tubus. Le long du Niger et de l’Algérie, les Tubus laissent place aux Touareg. Il reste un troisième groupe à la frontière de la Tunisie, les Amazighs. Ces trois ethnies vivent des trafics qui résultent des frontières ouvertes de ce pays failli. Trafic humain en premier lieu de migrants venant du sud.
 
Djihadistes & Co

Daech a été chassé des villes de Derna et de Syrte par d’autres milices. Le groupe semble avoir prévu cette défaite en constituant des cellules dormantes et en reconstituant une zone de contrôle dans le désert proche de la frontière algérienne. Ils seraient soutenus par les tribus arabes locales qui étaient auparavant pro Kadhafi. Daech réalise désormais des coups d’éclat, privilégie des assauts rapides suivis de replis. Leurs actions se caractérisent par des check points improvisés, des raids sur des forces isolées et des attaques suicides.
 
Les influences étrangères

De nombreux pays sont impliqués directement ou indirectement dans la zone. On compte d’abord de nombreuses forces spéciales occidentales (française, américaines, italiennes et anglaise) soutenant différentes milices contre les groupes terroristes.
Le général Haftar quant à lui est soutenu par l’Égypte, les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite. Ce soutien est constitué d’armements (véhicules, munitions) d’outils de renseignement (drones) et parfois d’appui aérien.
Le GNA reçoit l’appui du Qatar et de la Turquie du fait de leur proximité politique, traduite par le soutien aux frères musulmans.
La stratégie des différents pays occidentaux rentre actuellement en collision. Alors que l’Italie mise sur le GNA pour stabiliser le pays, la France a de son côté appuyé le général Haftar, jouant sur « l’homme fort » de l’Est libyen. Ces divergences s’expliquent par des priorités stratégiques différentes. La France se focalise sur l’anéantissement des groupes terroristes dans la région sahélo-saharienne et notamment la sécurisation de la frontière libyenne, pour que le pays cesse d’être un refuge. L’Italie veut retrouver une stabilité politique en Libye pour pouvoir mieux lutter contre la migration depuis ce pays.
 
 


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