Enderi

Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable


Pipelines et matières premières : la guerre souterraine qui redessine le pouvoir mondial




Publié par La Rédaction le 8 Décembre 2025

Le tracé d’un pipeline vaut parfois autant qu’un traité. Derrière ces conduites d’acier se jouent l’accès aux matières premières, la dépendance énergétique, les alliances, parfois même la paix ou la guerre. Du pétrole des steppes aux réseaux gaziers eurasiens, les pipelines sont devenus des instruments de puissance structurants dans un monde fragmenté.



Pipelines : les artères d’un système énergétique devenu géopolitique

Turkmenistan-Afghanistan-Pakistan-India (TAPI) natural gas pipeline - Wikimédia Commons
Turkmenistan-Afghanistan-Pakistan-India (TAPI) natural gas pipeline - Wikimédia Commons

Les pipelines transportent avant tout des matières premières stratégiques, principalement le pétrole et le gaz. Leur importance tient à la nature même de ces ressources : elles conditionnent la croissance des États, leurs industries, leur sécurité énergétique. Dans ses ouvrages, l’économiste Alessandro Giraudo rappelle qu’à travers l’histoire, les matières premières ont déclenché des conquêtes, financé des empires et renversé des équilibres. Aujourd’hui, les pipelines en prolongent la logique : ils concentrent la puissance et révèlent les fragilités.
 

Les hydrocarbures n’alimentent pas seulement les moteurs ; ils alimentent le rapport de force. Celui qui contrôle le flux contrôle souvent la diplomatie. Sylvain Tesson, en parcourant l’Asie centrale sur les traces de « l’or noir des steppes », l’a montré : les routes anciennes des caravanes ont laissé place aux couloirs modernes de l’énergie, où chaque tronçon devient un enjeu stratégique.
 

L’Europe l’a expérimenté avec acuité. Sa dépendance aux gazoducs russes a fait de ces conduites un levier d’influence pour Moscou. Les tensions autour de Nord Stream, les ruptures de flux et les sabotages ont révélé que les pipelines peuvent devenir des instruments de pression, capables d’interrompre des économies entières. À l’inverse, des projets alternatifs comme TANAP ou TAP cherchent à redessiner la carte énergétique et à réduire la vulnérabilité stratégique du continent.


Des routes d’hydrocarbures qui façonnent alliances, tensions et zones d’influence

Au Moyen-Orient, où se concentrent certaines des principales réserves mondiales, les pipelines sont au centre des rivalités régionales. Leur tracé peut contourner un adversaire, isoler un pays, ou au contraire le transformer en plateforme énergétique. Les décisions d’acheminement engagent directement les relations entre Riyad, Téhéran, Doha, Bagdad ou Ankara. Dans cette région, chaque projet de pipeline est une déclaration implicite d’alliance ou de défi.
 

En Afrique, les oléoducs projetés du Nigeria jusqu’au Niger, du Tchad vers Port-Soudan ou dans le bassin du Mozambique démontrent que l’accès à la ressource crée des zones d’intérêt pour les puissances extérieures. Les investissements chinois, américains ou européens s’y ajoutent aux tensions locales, transformant ces infrastructures en outils d’influence à long terme.
 

La « guerre des pipelines » n’est donc pas un conflit ouvert, mais une compétition continue pour le contrôle des flux, donc pour le contrôle des dépendances. Les matières premières ;pétrole, gaz, condensats,  ne sont plus des produits passifs : elles sont devenues des leviers diplomatiques intégrés.
 

Comprendre ces conduites enfouies sous la terre, c’est comprendre les lignes de force du pouvoir mondial. Invisibles, silencieuses, mais décisives, elles dessinent la géopolitique réelle du XXIᵉ siècle.




Nouveau commentaire :

ENDERI promeut la liberté d'expression, dans le respect des personnes et des opinions. La rédaction d'ENDERI se réserve le droit de supprimer, sans préavis, tout commentaire à caractère insultant, diffamatoire, péremptoire, ou commercial.