Renforcer la dissuasion militaire de Taïwan
Un investissement sans précédent pour moderniser l’armée
Dans son allocution du 26 novembre 2025, le président Lai Ching-te a annoncé un plan colossal de dépenses militaires. Il prévoit 40 milliards de dollars supplémentaires sur huit ans, soit environ 36,8 milliards d’euros, selon les calculs fondés sur les taux de conversion moyens de 2025. Ce dispositif viendrait s’ajouter au budget ordinaire déjà prévu pour 2026, établi à 949,5 milliards de dollars taïwanais, représentant 3,32 % du PIB, d’après les informations rapportées par Le Monde. Selon ce même média, il s’agit du niveau le plus élevé depuis 2009.
Pour justifier cet effort, Lai Ching-te a souligné qu’« il n’y a aucune marge de compromis sur la sécurité nationale », selon les propos rapportés par Reuters. Cette déclaration s’inscrit dans une volonté d’accroître la dissuasion stratégique de Taïwan face à la Chine, alors que l’île considère Pékin comme la principale menace pour sa souveraineté. Le chef de l’État souligne aussi que « Taïwan ne peut se permettre d’être une brèche dans la sécurité régionale », selon les propos rapportés par Le Monde, insistant sur l’importance de l’île dans le premier arc insulaire du Pacifique.
Une transformation doctrinale et technique
Afin de garantir une protection efficace, Taïwan souhaite renforcer ses capacités de défense dites « asymétriques », un concept qui vise à compenser l’infériorité numérique de l’île par des systèmes de haute précision. Les fonds annoncés financeront ainsi l’acquisition de drones, de missiles antiaériens, de systèmes d’interception avancés et de capacités de frappe longue portée, comme l’a confirmé Reuters.
L’un des programmes phares est le système T-Dome, une architecture de défense aérienne multicouche destinée à parer les frappes combinées que la Chine pourrait déployer en cas d’opération militaire. Ce projet ambitieux doit s’intégrer à un ensemble plus vaste destiné à détecter, suivre puis neutraliser des attaques simultanées venues de la mer, de l’air et du cyberespace. Selon France 24, ce dispositif doit être pleinement opérationnel avant 2027, afin de garantir un niveau de préparation « de haut niveau ».
2027 : une année stratégique au cœur des inquiétudes
Une date symbolique, choisie pour son importance géopolitique
Si l’horizon 2027 est autant mis en avant, c’est parce qu’il constitue l’un des jalons identifiés par les analystes militaires pour l’évolution des capacités offensives chinoises. Depuis plusieurs années, la Chine accélère sa modernisation militaire : augmentation du nombre de navires de guerre, renforcement des capacités amphibies et intensification des exercices autour de Taïwan. Dans ce contexte, Lai Ching-te affirme vouloir envoyer un signal fort afin de « renforcer la dissuasion en ajoutant des coûts et des incertitudes plus élevées au processus de décision de Pékin », selon ses propos cités par L’Express.
Cette approche vise clairement à rendre toute opération chinoise plus risquée. En effet, selon les données compilées par TV5Monde, les autorités taïwanaises estiment que l’Armée populaire de libération pourrait disposer à partir de 2027 d’une capacité accrue pour mener une opération coercitive contre l’île. C’est pourquoi Taïwan souhaite que ses propres forces atteignent une posture de combat robuste avant cette échéance.
Un contexte régional marqué par la pression militaire chinoise
Au-delà des considérations budgétaires, le contexte reste tendu. La Chine multiplie les intrusions aériennes dans la zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) de Taïwan et intensifie les manœuvres navales autour de l’île. Les exercices conjoints menés récemment par la marine chinoise illustrent une volonté de tester les réactions taïwanaises. Selon les analyses relayées par France 24, ces opérations visent également à évaluer les capacités de commandement et de coordination de Pékin en vue d’une éventuelle action plus déterminée.
Ces activités militaires chinoises, combinées à une rhétorique politique plus agressive, renforcent la perception d’un danger imminent. Les dirigeants taïwanais, conscients de l’évolution du rapport de force, cherchent à combler rapidement les lacunes de leur dispositif. Le plan de dépenses annoncé se veut ainsi une réponse directe à ce défi sécuritaire.
Une stratégie politique risquée mais assumée
Un vote parlementaire décisif et une opposition vigilante
Malgré l’ambition du projet, la mise en œuvre reste soumise à l’approbation du parlement taïwanais, dominé par l’opposition. Comme le rapporte Le Monde, plusieurs partis exigent une transparence accrue sur la répartition des crédits et la viabilité financière d’un plan étalé sur huit ans. Les députés demandent également des garanties sur le fait que les investissements permettront bel et bien de renforcer la résilience de Taïwan sans créer de dépendance excessive envers les États-Unis.
Alors que les débats s’annoncent vifs, le gouvernement affirme vouloir convaincre grâce à des arguments stratégiques précis. Il estime que, sans vote rapide, la fenêtre de préparation se réduirait dangereusement, compromettant les capacités de l'armée à atteindre le niveau requis en 2027.
Un effort destiné à rassurer les alliés et à envoyer un message à Pékin
Au-delà des contraintes politiques internes, l’objectif est également de rassurer les partenaires régionaux et occidentaux. En effet, Taïwan occupe une position clé dans la sécurité du Pacifique occidental. Pour les États-Unis et le Japon, disposer d’une île capable de se défendre seule dans un premier temps est un élément déterminant pour éviter un conflit majeur.
Lai Ching-te l’a rappelé avec insistance : « Taïwan ne peut se permettre d’être une brèche dans la sécurité régionale ». Cette déclaration traduit la conviction que l’île doit renforcer sa défense pour stabiliser l’ensemble de l’architecture régionale. En investissant massivement, Taïwan cherche également à montrer à la Chine que la voie de la force resterait coûteuse et incertaine.

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