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Fonds verts : quand les banques financent indirectement l'industrie de l'armement




Publié par Jean-Baptiste Le Roux le 18 Décembre 2025

L’essor des fonds verts en Europe a façonné une nouvelle réalité : une partie de ces capitaux alimente aujourd’hui l’industrie de l’armement. Ce tournant, autorisé par la réglementation européenne, accompagne la restructuration du secteur terrestre de la Défense. Entre investissements massifs, choix stratégiques des banques et montée en puissance des industriels, un nouveau paysage se dessine, loin des idées reçues sur la finance durable.



Fonds verts : un outil devenu stratégique pour la Défense européenne

En 2025, des fonds verts issus de banques françaises et européennes participent au financement de l’industrie de la Défense. Cette dynamique révèle une restructuration majeure du secteur terrestre militaire, entre stratégies financières, enjeux industriels et évolution réglementaire.
En 2025, des fonds verts issus de banques françaises et européennes participent au financement de l’industrie de la Défense. Cette dynamique révèle une restructuration majeure du secteur terrestre militaire, entre stratégies financières, enjeux industriels et évolution réglementaire.

L’univers des fonds verts a longtemps été associé au climat, aux énergies renouvelables et à la transition écologique. Pourtant, la finance durable connaît une transformation profonde. En 2025, ces fonds ne se limitent plus aux projets environnementaux classiques. Ils participent désormais, de manière assumée, au financement d’entreprises liées à l’industrie militaire. C'est ce qui ressort d'une enquête publiée par Mediapart.

Cette orientation repose sur un cadre réglementaire précis. Les banques européennes ont la possibilité de qualifier elles-mêmes leurs investissements verts si elles démontrent leur caractère social, environnemental ou durable. Le label vert ne se limite donc pas au secteur écologique. La Défense s’y insère progressivement, portée par l’idée que la sécurité et la souveraineté constituent des biens publics essentiels. Ce principe ouvre la voie à une redéfinition de la notion même de durabilité.

Les montants mobilisés sont considérables. Plusieurs dizaines de milliards d’euros issus de fonds verts soutiennent aujourd’hui des sociétés actives dans la fabrication de drones, de moteurs militaires, de systèmes de guidage, de blindés ou d’équipements terrestres. Une centaine d’entreprises bénéficient de ces capitaux, majoritairement européennes. Parmi elles, Safran occupe une place centrale. L’entreprise française, spécialisée dans l’aviation militaire et les technologies de précision, capte une part significative de ce financement.

Cette dynamique reflète une évolution stratégique. L’industrie terrestre de l’armement voit ses besoins croître face aux tensions géopolitiques, à la modernisation des équipements et à l’autonomie technologique recherchée par l’Union européenne. Les fonds verts deviennent ainsi des leviers financiers utiles à la restructuration du secteur et à sa capacité de production.

Mais ce mouvement interroge. Beaucoup d’épargnants voient dans les fonds verts un moyen d’agir en faveur du climat. Ils découvrent que leurs placements contribuent aussi à l’armement terrestre et aérien. La transparence, bien que réglementairement encadrée, reste source de confusion pour le grand public.


Banques européennes : entre choix assumés, marché porteur et besoins industriels

La réorientation des fonds verts vers la Défense émane avant tout des établissements bancaires. En Europe comme en France, plusieurs banques sont devenues des acteurs majeurs de ce financement indirect. Leur logique est avant tout financière : soutenir des secteurs jugés stratégiques, rentables et indispensables au fonctionnement des États.

Parmi les institutions les plus engagées figurent des groupes français. Le Crédit agricole et Amundi se placent en tête, suivis par d’autres acteurs majeurs comme Eleva Capital, le Crédit mutuel ou encore les banques populaires régionales. Leur rôle ne tient pas du hasard. Le secteur européen de la Défense connaît une croissance forte liée à la demande en armements terrestres, à la production de véhicules blindés, à la modernisation des troupes au sol et à l’augmentation des stocks d’équipements militaires. Les fonds verts permettent de soutenir ces transformations sans mobiliser directement les budgets publics.

Les banques justifient cette démarche par une logique de cohérence interne. Pour elles, la Défense fait partie intégrante de la stabilité environnementale. Sans sécurité, aucun projet écologique ne peut se développer durablement. Ce raisonnement s’impose progressivement au sein des comités d’investissement, tout en restant conforme au droit européen. Seuls les fabricants d’armes controversées restent exclus, comme ceux spécialisés dans les mines antipersonnel.

Cette situation met en lumière un marché financier européen qui change d’échelle. Les fonds verts, autrefois cantonnés au paysage énergétique, deviennent multifonctionnels. Ils servent à construire des infrastructures, soutenir la souveraineté et sécuriser des filières industrielles. Cette évolution accompagne la restructuration en cours dans l’industrie terrestre de l’armement : montée en gamme technologique, coopération européenne renforcée et augmentation des chaînes de production.

Ce phénomène illustre aussi un basculement culturel. La Défense, longtemps considérée comme un secteur à part, se rapproche du monde entrepreneurial classique. Les banques l’intègrent dans leurs stratégies de rentabilité. Les entreprises militaires adoptent des logiques de développement durable sur leurs chaînes de production. Et les fonds verts deviennent un outil de plus pour garantir l’indépendance industrielle de l’Europe.




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