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SuperLopez, l’homme qui emportait les secrets avec lui … dans sa prochaine entreprise




Publié par Fabien Mialon le 18 Mai 2020

Jose Ignacio Lopez de Arriortua, ou SuperLopez comme il fut surnommé pendant un temps, a défrayé la chronique plusieurs années, au début pour ses performances à General Motors (GM), puis pour le scandale qui a lié GM à Volkswagen dans les années 1990. Petits secrets, trahisons, un nom de super-héros : ce n’est pas de la science-fiction, mais bien un des scandales d’espionnage, qui se solda avec une amende de 100 millions de dollars pour la firme allemande.



Lopez fait ses classes en Espagne dans l’ingénierie industrielle. En 1980, il est engagé par la firme américaine General Motors, qui jouit d’une notoriété mondiale. Très compétent, les promotions se succèdent et il est alors nommé le directeur général des ventes de GM. Sa capacité sans égal à réduire les coûts de ses achats et ses talents de négociateur lui valent le surnom de SuperLopez. Un businessman est né. Et rien ne semble pouvoir arrêter la route de cet as. Quand Volkswagen vient le recruter pour être vice-président de l’entreprise, c’est la consécration. Mais les déboires ne font que commencer pour le basque.
 
Nous sommes en mars 1993, et Lopez vient de rejoindre la firme allemande avec d’autres de ses collaborateurs clés dans GM. La justice est saisie une première fois car en Allemagne, il est illégal que plusieurs cadres d’une même entreprise soient débauchés pour rejoindre une autre entreprise. En mai démarre une autre affaire, bien plus préoccupante. On le soupçonne de ne pas être parti les mains vides : il aurait emporté avec lui de nombreux documents secrets. Notamment des informations cruciales sur les prix des concurrents et du groupe GM, un atout pour son futur poste. La justice allemande découvre alors après une perquisition de nombreux documents, et très vite d’anciens collaborateurs confirment l’acte de Lopez. Nous sommes en juillet 1993, et à présent la justice américaine s’immisce dans le dossier. Les politiciens s’en mêlent peu à peu, afin d’apaiser les tensions grandissantes.
 
Lopez démissionne alors en 1996. On parle d’espionnage industriel, et Lopez est inculpé. En 1997, les deux entreprises trouvent un accord : Volkswagen paye 100 millions de dollars à GM, et lui achète des pièces détachées pour un milliards d’euros. La firme allemande évite le pire, mais si ce scandale lui aura fait une mauvaise image. Pour Lopez, l’histoire ne s’arrête pas ici. Si l’Allemagne abandonne les charges contre lui contre une amende onéreuse, tel n’est pas le cas des tribunaux américains. Mais entre temps, un grave accident de véhicule, suivi d’un court coma, est survenu. Aussi, quand les Etats-Unis rouvrent le dossier en 2000, ils ne peuvent extrader josé IgnacioLopez suite au refus de l’Espagne : sa mémoire serait brouillée. 
           
Un leadership en jeu
 
Cette affaire n’aurait pu être qu’un fait divers. Pourtant, elle a pris des proportions énormes, à tel point que les dirigeants des deux pays s’en sont mêlées. En effet, GM et Volkswagen était déjà à cette époque en lutte pour le leadership de l’industrie automobile. Ce qui explique les efforts déployés par l’entreprise allemande pour débaucher Lopez (un salaire dix fois supérieur à celui qu’il avait auparavant). Si la firme allemande n’a jamais été poursuivie en justice après ceci, un léger doute subsiste quant à savoir si Volkswagen a joué un rôle dans ce vol de secrets. La rapide récupération politique de l’affaire démontre des Etats très préoccupés par les défenseurs de leur fleuron industriel, n’hésitant pas à intervenir pour les défendre.
 
Très vite, Volkswagen ne cherche plus à se défendre, mais plutôt à coopérer avec GM et la justice pour conclure. Exemple avec le dépôt de plainte en 1996 pour espionnage industriel de la part des deux entreprises à l’encontre de Lopez. C’est pourquoi les deux firmes ont négocié ensemble pour trouver un accord ensemble. Au final, Volkswagen n’a jamais avoué la culpabilité de l’entreprise ni de ses cadres, sinon évoqué sa possibilité. Dans cette mondialisation où la compétition fait rage, Volkswagen comprend l’intérêt de ne pas faire éterniser ce scandale, pour éviter que cela déstabilise trop l’entreprise. L’intelligence économique dicte comment récupérer de l’information et se défendre des actions de prédations informationnelle, mais apprend aussi à éviter que des scandales ou des procès ne durent pas trop. De nombreuses entreprises ainsi coopèrent pour ne pas que les affaires n’affectent trop leur image.
 
Protéger l’entreprise, c’est se protéger de soi-même
 
Une étude de Booz Allen Hamilton en 2005 parle d’une valse des cadres, avec ce chiffre choc : environ une entreprise sur sept a changé de dirigeant au cours de l’année. Un transfert donc énorme d’informations entre les entreprises. Lopez est un cas parmi tant d’autres. La technologie se développant, on en vient parfois à oublier l’une des premières failles dans les dispositifs d’intelligence économique des entreprises : leurs propres membres. Ils sont la première source d’information. Protéger les serveurs et appareils électroniques ainsi que les locaux, détruire les documents, surveiller les potentielles menaces pour l’entreprises, etc. Tout ceci s’avère inutile, si les cadres et même tous les travailleurs en général, qui changent de plus en plus de postes et d’entreprises au cours de leur carrière, partent dans une autre entreprise avec les savoir-faire et les secrets de leur employeur initial.

Car qu’est-ce qui lie une entreprise et son ancien employé ? Certes le droit inclut des protections pour l’entreprise afin de protéger ses secrets. Un ancien salarié ne peut dévoiler des informations si celles-ci sont déclarées confidentielles, ou s’il existe une clause contractuelle l’obligeant à la confidentialité, même après la rupture dudit contrat. Avant de poser une porte blindée pour éviter qu’un intrus ne rentre, encore faut-il qu’il y ait des murs servant de cadre à cette porte. Sinon, l’effort est vain. Il est indispensable pour les entreprises d’anticiper ces problèmes, tant ces affaires sont délicates.
 
Les salariés et encore plus les cadres sont des sources inépuisables de renseignement. La formation des salariés à ces questions, la segmentation des informations qui circulent, sont primordiales, pour éviter qu’un ancien collaborateur n’emmène avec lui de nombreux secrets.
 
En définitive, le cas General Motors-Volkswagen nous enseigne l’importance significative du service ressources humaines et juridique dans une entreprise, afin de protéger une fuite interne d’informations capitales. Un contrat de travail parfaitement rédigé avec des clauses de confidentialités très encadrées est aussi important que d’avoir des firewall et autres antivirus.


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