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Programme IVAS : quand MICROSOFT prépare le soldat du futur




Publié par La Rédaction le 21 Octobre 2025

Depuis plusieurs années, l’armée américaine investit massivement dans une technologie qui pourrait transformer la manière dont les soldats perçoivent, comprennent et agissent sur le champ de bataille. Baptisé IVAS – Integrated Visual Augmentation System –, ce programme emblématique de la modernisation des forces terrestres vise à créer un lien direct entre la réalité physique et le monde numérique du combat. Il illustre à lui seul la doctrine du « soldat augmenté », cet humain connecté à la donnée en temps réel, au service d’une efficacité opérationnelle accrue.



Conçu à l’origine par Microsoft dans le cadre d’un contrat de plusieurs milliards de dollars avec le Département de la Défense, IVAS combine des technologies de réalité augmentée, de vision nocturne, de navigation, de communication et d’entraînement virtuel. Le casque, basé sur la plateforme HoloLens, projette devant les yeux du combattant une surcouche d’informations : cartographie, repérage d’alliés et d’ennemis, distance des cibles, itinéraires, alertes thermiques ou visuelles. L’objectif doctrinal est clair : raccourcir le cycle “voir-décider-agir” en donnant au soldat une perception totale de son environnement, de jour comme de nuit.
 

Mais si la promesse technologique est immense, la réalité du terrain s’est révélée plus complexe. Les premiers tests menés entre 2021 et 2023 ont mis en lumière des problèmes d’ergonomie, de stabilité logicielle et de confort d’usage. Les soldats se sont plaints de vertiges, de désorientation et de surcharge visuelle, rendant le port du casque difficile sur des durées prolongées. Ces critiques ont conduit l’armée à suspendre certaines livraisons et à exiger une refonte du système. En 2024, Microsoft a livré une version 1.2 plus légère et mieux calibrée, mais les limites restaient perceptibles : trop de chaleur dégagée, autonomie réduite et performances inégales en terrain réel.
 

L’année 2025 marque un tournant. L’armée a ouvert la compétition à d’autres acteurs, dont Anduril Industries, pour repenser IVAS autour d’une approche plus modulaire et centrée sur l’usage. Le projet est désormais intégré à une réflexion plus large sur la guerre augmentée, où le casque n’est plus un simple outil d’affichage mais le cœur d’un écosystème interconnecté reliant capteurs, drones, véhicules et systèmes d’armes. L’enjeu n’est plus seulement technologique : il s’agit de créer un environnement cognitif où chaque soldat devient à la fois capteur, analyste et décideur instantané.
 

Les démonstrations récentes montrent des progrès sensibles. Le nouveau prototype intègre une vision thermique fusionnée avec la réalité augmentée, des communications directes avec les drones de reconnaissance, et une interface vocale pilotée par intelligence artificielle. En manœuvre, le chef de groupe peut suivre sur son affichage la position de ses hommes, les menaces identifiées par des capteurs déportés et les zones de danger mises à jour en temps réel. Ce « cockpit de l’infanterie » rappelle la logique de l’aviation de chasse : concentrer les données critiques dans un affichage unique, pour accélérer la décision sans surcharger le cerveau humain.
 

La doctrine américaine associe étroitement cette innovation à la notion de “multi-domain operations”. Le casque IVAS n’est pas seulement destiné à l’infanterie : il doit s’intégrer dans un réseau global reliant terre, air, cyber et espace. L’ambition est de permettre à un soldat au sol de partager instantanément ses informations avec un drone d’observation, un centre de commandement ou un véhicule blindé voisin. Cette interconnexion crée un maillage de renseignement en temps réel, au cœur de la guerre en réseau que le Pentagone juge indispensable face à la Chine et à la Russie.
 

L’armée américaine expérimente aussi l’usage du système dans le domaine médical et logistique. Des unités de secours l’utilisent pour afficher les constantes physiologiques des blessés, géolocaliser les équipes médicales et guider l’évacuation en milieu hostile. Dans le domaine de l’entraînement, IVAS permet de reproduire virtuellement des scénarios de combat sans quitter la base. Les soldats s’exercent à évoluer dans des environnements numériques immersifs, capables de simuler la météo, la topographie et la réaction ennemie, tout en recueillant des données biométriques pour mesurer le stress ou la performance.

Reste à savoir si le système atteindra la robustesse nécessaire à un déploiement massif. Ses coûts, sa complexité et les contraintes d’énergie constituent encore des freins majeurs. Des voix critiques, notamment au Congrès américain, appellent à une évaluation indépendante pour éviter qu’IVAS ne devienne un programme « techno-symbolique » plutôt qu’un outil réellement opérationnel. Cependant, la récente reprise du projet sous la supervision conjointe d’Anduril et de l’Army Futures Command laisse entrevoir une phase de maturité plus réaliste : un casque plus léger, mieux ventilé, à affichage simplifié et interopérable avec d’autres plateformes.
 

L’enjeu dépasse le simple succès d’un programme. IVAS incarne la mutation culturelle de l’armée américaine, qui passe d’une logique de puissance matérielle à une logique d’intégration informationnelle. Le soldat du futur ne sera pas plus fort ni plus rapide ; il sera mieux informé et mieux connecté. Dans cette vision, l’augmentation n’est pas une transformation du corps, mais une extension de la conscience tactique. Si la promesse de la réalité augmentée tient ses engagements, IVAS pourrait bien devenir le symbole de la nouvelle ère de la guerre numérique — celle où la donnée, plus que la force brute, décide de la victoire.




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