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Les gaz de schiste vont-ils révolutionner le marché du pétrole ?




Publié par La Rédaction le 4 Avril 2013

Total a annoncé fin mars 2013 son retrait d’un projet canadien de traitement de sables bitumeux. En cause : la rentabilité économique d’un projet dans un contexte du boom pétrolier en Amérique du Nord (1) .



Les sites d'extraction de gaz de schiste dans le Dakota du Nord, vus de la Station Spatiale Internationale
Les sites d'extraction de gaz de schiste dans le Dakota du Nord, vus de la Station Spatiale Internationale

L’explosion des gaz de schiste américain et des pétroles non-conventionnels.

Certains voudraient déjà parler de révolution, mais les plus modérés parlent seulement de renaissance. Mais dans les yeux de tous brille d’un même éclat noir la nouvelle manne des Etats-Unis : le pétrole n’est plus un symbole du Proche-Orient. Il ne serait pas surprenant de voir un jour l’aigle américain avec dans un de ses serres un baril de pétrole, mais la symbolique serait un peu forte et rappellerait les heures sombres des motifs de la guerre avec l’Irak. Tout cela se fait très discrètement aujourd’hui, alors que les annonces chocs ne manquent pourtant pas : les Etats-Unis pourraient devenir la première puissance pétrolière du monde avant 5 ans (2), en passant devant l’Arabie Saoudite. D’ici 10 ou 15 ans, les Etats-Unis pourraient atteindre l’indépendance énergétique, mais ils devraient avant cela être en mesure de se passer du pétrole du Moyen-Orient ou sud-américain.

Responsables de ces bouleversements : l’exploitation des gaz de schiste qui ont provoqué une chute de 60% des tarifs du gaz aux USA et celle des pétroles non-conventionnels, dont l’exploitation était jusqu’à lors soit trop complexe, soit trop coûteuse. La fracturation hydraulique et les forages horizontaux ont permis de venir à bout des obstacles techniques, un baril de pétrole au dessus de 100$ permet de rentabiliser n’importe quel forage ou presque. Ce sont les mêmes champs qu’avant, mais on croyait impossible d’en tirer une goutte de plus ; la technique a prouvé le contraire, et les premières estimations dépassent tous les pronostics. Les Etats-Unis sortent aujourd’hui de terre 6,7 millions de barils par jour et en importent environ 6,5 millions, avec des réserves estimées à au moins une centaine de milliards de barils. Avec une croissance annuelle de la production de près d’un million de baril par jour, l’indépendance énergétique n’est vraiment pas très loin.

Des conséquences pour l’instant insensibles

Les Etats-Unis sont les grands gagnants de cette manne sortie de terre, mais il n’y a pas véritablement de perdants, juste une redistribution des rôles à l’échelle mondiale. Le boom de la production américaine ne va pas faire chuter les cours car la demande reste en forte. Elle devrait continuer d’augmenter pour atteindre environ 100 millions de barils par jour en 2035 (3) selon l’Agence Internationale de l’Energie, avec un baril autour des 125 dollars constants. La Chine va continuer de tirer la croissance mondiale de la demande de pétrole et va conforter sa place de destination première des exportations du Moyen-Orient, à la place des Etats-Unis.

Par contre, cela risque de modifier l’équilibre des alliances dans le Golfe. Les Etats-Unis, désespérément à la recherche d’économies, ne vont se priver de l’occasion d’alléger leur présence militaire dans le Golfe, où leurs intérêts auront disparus. Privés du parapluie américain, les monarchies du Golfe devront se débrouiller seule pour assurer la sécurité régionale, dans un contexte d’incertitudes politiques et militaires autour de l’Iran, de l’Irak, du Yémen et même de la Syrie. Ce n’est pas l’Europe qui pourra combler le vide potentiel laissé par les Américains.
Le boom du pétrole américain redonne aux Etats-Unis un optimisme qu’ils avaient perdu depuis longtemps, car les perspectives de croissance et d’emploi sont réelles, en plus de la perspective d’être assis sur plusieurs décennies de réserves de pétrole. L’Europe dispose des mêmes atouts, bien que dans des proportions moindres, mais traverse une crise au moins aussi grave que celle qu’ont connu les Etats-Unis. Jusqu’à quand allons-nous résister à la tentation d’exploiter cette opportunité ?



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