Une vue d’ensemble
L’ambition de ces deux publications sur la multipolarité, le tome 1 au titre « La Multipolarité au XXIe siècle » et le tome 2 : « L’Europe, la Multipolarité et le Système international. Âge planétaire et nouvel ordre mondial », a été d’essayé de dresser une vue d’ensemble sur la politique mondiale de l’époque que nous vivons.
Et cela, sous l’angle d’une pluralité de structures de souverainetés et donc d’équilibre des forces, mais également et surtout de l’antagonisme historique entre puissances hégémoniques et puissances montantes et donc d’un certain ordre politique et moral. On y repère ainsi les deux aspects principaux de tout narratif historique, l’acteur et le système, qui se projettent sur la toile de fond de l’action historique.
L’acteur, ou la figure d’Hégémon, y apparaît comme le signifiant universel d’une époque et le système, comme englobant général de tous les antagonismes et de toutes les rivalités, y est le décor.
Ces deux ouvrages couvrent la transition qui va de la fin du système bipolaire à l’unipolarisme américain successif, puis au multipolarisme actuel, en voie de reconfiguration.
Parmi les changements des structures de pouvoir et des ordres internationaux, trois thèmes constituent le fil conducteur de l’antagonisme qui secoue le système, des débats qui animent ses rivalités et ses conflits et, comme tels, l’axe directeur de mes deux ouvrages
Et cela, sous l’angle d’une pluralité de structures de souverainetés et donc d’équilibre des forces, mais également et surtout de l’antagonisme historique entre puissances hégémoniques et puissances montantes et donc d’un certain ordre politique et moral. On y repère ainsi les deux aspects principaux de tout narratif historique, l’acteur et le système, qui se projettent sur la toile de fond de l’action historique.
L’acteur, ou la figure d’Hégémon, y apparaît comme le signifiant universel d’une époque et le système, comme englobant général de tous les antagonismes et de toutes les rivalités, y est le décor.
Ces deux ouvrages couvrent la transition qui va de la fin du système bipolaire à l’unipolarisme américain successif, puis au multipolarisme actuel, en voie de reconfiguration.
Parmi les changements des structures de pouvoir et des ordres internationaux, trois thèmes constituent le fil conducteur de l’antagonisme qui secoue le système, des débats qui animent ses rivalités et ses conflits et, comme tels, l’axe directeur de mes deux ouvrages
- La triade des puissances établies, qui se disputent l’hégémonie de la scène planétaire (États-Unis, Russie et Chine), scène devenue durablement instable ;
- L’environnement stratégique mondial, comme cadre historique, cumulant les trois dimensions de l’action, d’influence, de subversion ou de contrainte ;
- L’Europe, comme acteur géopolitique inachevé et à autonomie incomplète
Dans ce contexte, l’interprétation des stratégies de politique étrangère prises en considération obéit aux critères, jadis dominants, de la Realpolitik, remis à l’ordre du jour par le World Politics anglo-saxon.
L’option réaliste en politique internationale est adoptée non pas pour garantir l’idéal de la puissance ou de l’État-puissance, comme au XIXe siècle, ou encore pour justifier la matrice classique de la discipline, l’anarchie internationale, à la manière de R. Niebuhr, mais pour comprendre les mutations des idées et des rapports de forces, intervenues dans la politique mondiale depuis 1945.
C’est uniquement par l’approche systémique et par conséquent par une vue générale et exhaustive que l’on peut saisir les conditions idéologiques et structurelles de la remise en cause de la souveraineté des États et des Nations et l’apparition d’un univers d’unités politiques interdépendantes et toutefois subalternes à une hégémonie impériale dominante.
Ainsi l’ensemble des essais ici réunis, prétend conférer à ces deux tomes un statut d’éclairage conceptuel pour la compréhension de l’évolution globale de notre conjoncture et pour l’analyse du « Grand Jeu » entre pôles de puissances établies, défiant la stabilité antérieure.
L’option réaliste en politique internationale est adoptée non pas pour garantir l’idéal de la puissance ou de l’État-puissance, comme au XIXe siècle, ou encore pour justifier la matrice classique de la discipline, l’anarchie internationale, à la manière de R. Niebuhr, mais pour comprendre les mutations des idées et des rapports de forces, intervenues dans la politique mondiale depuis 1945.
C’est uniquement par l’approche systémique et par conséquent par une vue générale et exhaustive que l’on peut saisir les conditions idéologiques et structurelles de la remise en cause de la souveraineté des États et des Nations et l’apparition d’un univers d’unités politiques interdépendantes et toutefois subalternes à une hégémonie impériale dominante.
Ainsi l’ensemble des essais ici réunis, prétend conférer à ces deux tomes un statut d’éclairage conceptuel pour la compréhension de l’évolution globale de notre conjoncture et pour l’analyse du « Grand Jeu » entre pôles de puissances établies, défiant la stabilité antérieure.
Alliance anti-hégémonique et nouveau Rimland
Est mise en exergue, dès lors :
- L’alliance anti-hégémonique du pivot géographique de l’histoire, le Heartland, par la Russie, l’Iran et la Chine et, en position d’arbitrage la Turquie ;
- La chaîne politico-diplomatique du « containement » de la masse eurasienne, par la ceinture péninsulaire extérieure du « Rimland » mondial, constituée par la Grande Ile de l’Amérique, le Japon, l’Australie, l’Inde, les pays du Golfe et l’Europe, ou, pour simplifier, l’alliance nouvelle des puissances de la terre contre les puissances de la mer.
Dans cet antagonisme entre acteurs étatiques, l’enjeu est historique, le pari existentiel et l’affrontement sont planétaires.
En soulignant le déplacement de l’axe de gravité du monde vers l’Asie-Pacifique, provoqué par l’émergence surprenante de l’Empire du Milieu, ce livre s’interroge sur le rôle de l’Amérique et de la Russie, ennemies ou partenaires stratégiques de l’Europe de l’Ouest, justifiant par là le deuil définitif de « l’ère atlantiste » qui s’était imposée depuis 1945.
En soulignant le déplacement de l’axe de gravité du monde vers l’Asie-Pacifique, provoqué par l’émergence surprenante de l’Empire du Milieu, ce livre s’interroge sur le rôle de l’Amérique et de la Russie, ennemies ou partenaires stratégiques de l’Europe de l’Ouest, justifiant par là le deuil définitif de « l’ère atlantiste » qui s’était imposée depuis 1945.
Crise de l’atlantisme et transition du système
La crise de l’atlantisme, ou du principe de vassalité est aujourd’hui aggravée par deux phénomènes :
- La démission stratégique du continent européen, en voie de régression vers un sous-système dépendant ;
- Les tentatives de resserrement des alliances militaires permanentes en Europe et en Asie-Pacifique (Otan, Aukus) prélude d’un conflit de grandes dimensions.
Ouvrages didactiques, ces deux tomes prétendent se situer dans la postérité des auteurs classiques du système international, R. Aron, Kaplan, Rosenau, H. Kissinger, K. Waltz, Allison, Brzezinski, Strausz-Hupé, et plus loin, Machiavel et Hobbes, tout aussi bien dans la lecture des changements des équilibres globaux et dans la transition d’un système international à l’autre, que dans la lecture philosophique sur la nature de l’homme, la morphologie du pouvoir et les caractéristiques intellectuelles de la période post-moderne. Ce qui est en cause dans toute transition est le concept de hiérarchie.
Sous ce regard de changement et de mouvement, le retour de la guerre en Europe représente le premier moment d’un remodelage géopolitique de l’ensemble planétaire et une rupture des relations globales entre deux sous-systèmes, euroatlantique, et euroasiatique.
Au sein de ce retournement l’Europe y perd son rôle d’équilibre entre l’Amérique et la Russie et le grand vide de puissance, qui s’instaure dans la partie occidentale du continent est aggravé par l’absence de perspective stratégique, par le particularisme des options diplomatiques des Etats-Membres de l’Union Européenne, par le flottement des relations franco-allemandes jadis structurantes et, in fine par la difficile recherche d’un Leadership commun.
Sous ce regard de changement et de mouvement, le retour de la guerre en Europe représente le premier moment d’un remodelage géopolitique de l’ensemble planétaire et une rupture des relations globales entre deux sous-systèmes, euroatlantique, et euroasiatique.
Au sein de ce retournement l’Europe y perd son rôle d’équilibre entre l’Amérique et la Russie et le grand vide de puissance, qui s’instaure dans la partie occidentale du continent est aggravé par l’absence de perspective stratégique, par le particularisme des options diplomatiques des Etats-Membres de l’Union Européenne, par le flottement des relations franco-allemandes jadis structurantes et, in fine par la difficile recherche d’un Leadership commun.
Les issues du conflit ukrainien
L’issue du conflit ukrainien, comme guerre par procuration menée par l’Amérique contre la Russie, a été présentée au Forum sur la sécurité internationale de Halifax, au Canada, par Lloyd Austin, Secrétaire américain à la défense, comme déterminant de la sécurité et de l’ordre mondial du XXIe siècle fondé, sur des règles. Ce conflit prouve la difficulté de l’Union européenne à assurer une architecture européenne de sécurité « égale et indivisible » car il intervient comme modèle de rupture dans les relations de coopération internationale et préfigure en Asie-Pacifique une relation d’interdépendance stratégique et d’alliances militaires opposées, entre puissances du « Rimland » et puissances du « Heartland », face à l’ouverture prévisible, d’une crise, concernant le « statut » de Taiwan.
Dans la perspective d’une invasion de celle-ci par la Chine s’ouvriraient les portes de la géopolitique planétaire vers le Pacifique et l’Australie et changerait immédiatement le sens du conflit entre Moscou et l’Occident. Seraient particulièrement brouillés les calculs de Washington sur le rôle de la Russie en Europe, en Asie centrale et en Asie-Pacifique, d’où le jeu ambigu de la Turquie et la recherche d’une profondeur stratégique pour l’emporter, qui demeure sans précédent.
Aujourd’hui, l’affrontement Orient et Occident est tout autant géopolitique et stratégique, qu’idéologique et systémique et concerne tous les domaines, bien qu’il soit interprété, dans la plupart des cas, sous le profil de la relation entre économie et politique.
Sous cet angle, en particulier, l’unipolarisme de l’Occident fait jouer à la finance, disjointe de l’économie, un rôle autonome pour contrôler, à travers les institutions multilatérales, le FMI et la Banque Mondiale, l’industrie, la production d’énergie, l’alimentation, les ressources minières et les infrastructures vitales de plusieurs pays.
Dans ce cadre les États qui soutiennent la multipolarité sont aussi des États à gouvernement autocratique, qui résistent au modèle culturel de l’Occident et affirment le respect de vies autonomes de développement, une opposition visant la financiarisation et la privatisation des économies, subordonnant la finance à la production de biens publics.
Dans la perspective d’une invasion de celle-ci par la Chine s’ouvriraient les portes de la géopolitique planétaire vers le Pacifique et l’Australie et changerait immédiatement le sens du conflit entre Moscou et l’Occident. Seraient particulièrement brouillés les calculs de Washington sur le rôle de la Russie en Europe, en Asie centrale et en Asie-Pacifique, d’où le jeu ambigu de la Turquie et la recherche d’une profondeur stratégique pour l’emporter, qui demeure sans précédent.
Aujourd’hui, l’affrontement Orient et Occident est tout autant géopolitique et stratégique, qu’idéologique et systémique et concerne tous les domaines, bien qu’il soit interprété, dans la plupart des cas, sous le profil de la relation entre économie et politique.
Sous cet angle, en particulier, l’unipolarisme de l’Occident fait jouer à la finance, disjointe de l’économie, un rôle autonome pour contrôler, à travers les institutions multilatérales, le FMI et la Banque Mondiale, l’industrie, la production d’énergie, l’alimentation, les ressources minières et les infrastructures vitales de plusieurs pays.
Dans ce cadre les États qui soutiennent la multipolarité sont aussi des États à gouvernement autocratique, qui résistent au modèle culturel de l’Occident et affirment le respect de vies autonomes de développement, une opposition visant la financiarisation et la privatisation des économies, subordonnant la finance à la production de biens publics.
L’hégémonie et le remodelage du système
Or le remodelage du système international pose le problème de l’hégémonie comme nœud capital de notre époque et inscrit ce problème comme la principale question du pouvoir dans le monde. En effet nous allons vers une extension sans limites des conflits régionaux, une politique de resserrement des alliances militaires, occidentales, euroasiatiques et orientales, qui donnent plausibilité à l’hypothèse d’une réorganisation planétaire de l’ordre global, par le biais d’un conflit mondial de haute intensité.
La plausibilité d’un conflit majeur entre pôles insulaires et pôles continentaux crée une incertitude complémentaire sur les scénarios de belligérance multipolaire dans un contexte de bipolarisme sous-jacent (Chine/Etats-Unis).
C’est l’une des préoccupations, d’ordre historique, évoquées dans ces deux tomes sur la multipolarité.
À ce propos, le théâtre européen élargi (en y incluant les crises en chaîne qui vont des zones contestées des pays baltes au Bélarus et à l’Ukraine, jusqu’au Golfe et à l’Iran, en passant par la Syrie et le conflit israélo-palestinien) peut devenir soudainement l’activateur d’un conflit général, à l’épicentre initial dans l’Est du continent.
Ce scénario, qui apparaît comme une crise du politique dans la dimension de l’ordre interétatique, peut être appelé transition hégémonique dans l’ordre de l’histoire en devenir.
Bon nombre d’analystes expriment la conviction que le système international actuel vit une alternance et peut être même une alternative hégémonique et ils identifient les facteurs de ce changement, porteurs de guerres, dans une série de besoins insatisfaits, principalement dans l’exigence de sécurité et dans la transgression déclamatoire du tabou nucléaire, sur le terrain tactique et dans les zones d’influence disputées (en Ukraine, dans les pays baltes, en Biélorussie, ainsi que dans d’autres points de crises parsemées).
L’énumération de ces besoins va de l’instabilité politique interne, sujette à l’intervention de puissances extérieures, à l’usure des systèmes démocratiques, gangrenés en Eurasie par l’inefficacité et par la corruption et en Afrique, par le sous-développement, l’absence d’infrastructures modernes, la santé publique et une démographie sans contrôle.
En effet, sans la capacité d’imposer la stabilité ou la défendre, Hégémon ne peut exercer la suprématie du pouvoir international par la seule diplomatie, l’économie, le multilatéralisme, ou l’appel aux valeurs.
Il lui faut préserver un aspect essentiel du pouvoir international (supériorité militaire, organisation efficace, avancées technologiques, innovation permanente, etc.).
Hégémon doit tenir compte de l’échiquier mondial, de la Balance of Power, de la cohésion et homogénéité des alliances, mais aussi de l’intensité et de la durée de l’effort de guerre. C’est pourquoi les guerres majeures relèvent essentiellement de décisions systémiques (R.Gilpin).
La plausibilité d’un conflit majeur entre pôles insulaires et pôles continentaux crée une incertitude complémentaire sur les scénarios de belligérance multipolaire dans un contexte de bipolarisme sous-jacent (Chine/Etats-Unis).
C’est l’une des préoccupations, d’ordre historique, évoquées dans ces deux tomes sur la multipolarité.
À ce propos, le théâtre européen élargi (en y incluant les crises en chaîne qui vont des zones contestées des pays baltes au Bélarus et à l’Ukraine, jusqu’au Golfe et à l’Iran, en passant par la Syrie et le conflit israélo-palestinien) peut devenir soudainement l’activateur d’un conflit général, à l’épicentre initial dans l’Est du continent.
Ce scénario, qui apparaît comme une crise du politique dans la dimension de l’ordre interétatique, peut être appelé transition hégémonique dans l’ordre de l’histoire en devenir.
Bon nombre d’analystes expriment la conviction que le système international actuel vit une alternance et peut être même une alternative hégémonique et ils identifient les facteurs de ce changement, porteurs de guerres, dans une série de besoins insatisfaits, principalement dans l’exigence de sécurité et dans la transgression déclamatoire du tabou nucléaire, sur le terrain tactique et dans les zones d’influence disputées (en Ukraine, dans les pays baltes, en Biélorussie, ainsi que dans d’autres points de crises parsemées).
L’énumération de ces besoins va de l’instabilité politique interne, sujette à l’intervention de puissances extérieures, à l’usure des systèmes démocratiques, gangrenés en Eurasie par l’inefficacité et par la corruption et en Afrique, par le sous-développement, l’absence d’infrastructures modernes, la santé publique et une démographie sans contrôle.
En effet, sans la capacité d’imposer la stabilité ou la défendre, Hégémon ne peut exercer la suprématie du pouvoir international par la seule diplomatie, l’économie, le multilatéralisme, ou l’appel aux valeurs.
Il lui faut préserver un aspect essentiel du pouvoir international (supériorité militaire, organisation efficace, avancées technologiques, innovation permanente, etc.).
Hégémon doit tenir compte de l’échiquier mondial, de la Balance of Power, de la cohésion et homogénéité des alliances, mais aussi de l’intensité et de la durée de l’effort de guerre. C’est pourquoi les guerres majeures relèvent essentiellement de décisions systémiques (R.Gilpin).
Stabilité et sécurité. Alternance hégémonique ou alternative systémique ?
La question qui émerge du débat actuel sur le rôle des États-Unis dans la conjoncture actuelle est de savoir si la « Stabilité stratégique » assurée pendant soixante ans par l’Amérique (R.Gilpin) est en train de disparaître, entrainant le déclin d’Hégémon et de la civilisation occidentale, ou bien si nous sommes confrontés à une alternative hégémonique et à un monde post-impérial.
L’interrogation qui s’accompagne au déclin supposé des États-Unis et à la transition vers un monde multipolaire articulée, est également centrale et peut être formulée ainsi : « Quelle forme prendra cette transition ? »
La forme déjà connue, d’une série de conflits en chaîne, selon le modèle de R.Aron, calqué sur le XXe siècle, ou la forme plus profonde d’un changement de la civilisation, de l’idée de société et de la figure de l’homme selon le modèle des « révolutions systémiques » de Strausz-Hupé, couvrant l’univers des relations sociopolitiques du monde occidental et les grandes aires de civilisation connues ?
Du point de vue des interrogations connexes, les tensions entretenues entre les Occidentaux et la Russie en Ukraine, sont susceptibles de provoquer une escalade aux incertitudes multiples, y compris nucléaires et des clivages d’instabilités, de crises ouvertes et de conflits gelés, allant des pays baltes à la mer Noire et du Caucase à la Turquie. Ces tensions remettent à l’ordre du jour l’hypothèse d’un affrontement général, comme issue difficilement évitable de formes permanentes d’instabilité régionales, aux foyers multiples, internes et internationaux.
Cette hypothèse alimente une culture de défense hégémonique des États-Unis, dont la projection de puissance manifeste sa dangerosité et sa provocation en Europe, au Moyen-Orient et en Asie.
L’interrogation qui s’accompagne au déclin supposé des États-Unis et à la transition vers un monde multipolaire articulée, est également centrale et peut être formulée ainsi : « Quelle forme prendra cette transition ? »
La forme déjà connue, d’une série de conflits en chaîne, selon le modèle de R.Aron, calqué sur le XXe siècle, ou la forme plus profonde d’un changement de la civilisation, de l’idée de société et de la figure de l’homme selon le modèle des « révolutions systémiques » de Strausz-Hupé, couvrant l’univers des relations sociopolitiques du monde occidental et les grandes aires de civilisation connues ?
Du point de vue des interrogations connexes, les tensions entretenues entre les Occidentaux et la Russie en Ukraine, sont susceptibles de provoquer une escalade aux incertitudes multiples, y compris nucléaires et des clivages d’instabilités, de crises ouvertes et de conflits gelés, allant des pays baltes à la mer Noire et du Caucase à la Turquie. Ces tensions remettent à l’ordre du jour l’hypothèse d’un affrontement général, comme issue difficilement évitable de formes permanentes d’instabilité régionales, aux foyers multiples, internes et internationaux.
Cette hypothèse alimente une culture de défense hégémonique des États-Unis, dont la projection de puissance manifeste sa dangerosité et sa provocation en Europe, au Moyen-Orient et en Asie.
Le conflit USA-Russie et la rupture de la continuité géopolitique Europe-Asie
En ce sens le conflit avec la Russie, par Ukraine interposée, peut être interprété comme une tentative de désarticulation de la continuité géopolitique de l’Europe vers l’Asie (Brzezinski) et de la Chine vers la région de l’Indopacifique. C’est sous l’angle de fracturation et de la vassalité, que s’aggravent les facteurs d’incertitudes et les motifs de préoccupation sur les tendances stratégiques des États-Unis.
En effet la différenciation vis-à-vis du Leader de bloc distingue en Europe les pays d’obédience et d’influence atlantique stricte (GB, pays nordiques, Hollande, Belgique, pays baltes et Pologne) des pays du doute et de la résistance (France, Italie et Allemagne).
Au niveau planétaire font partie des zones à hégémonie disputée et demeurent sujettes à l’influence grandissante de la realpolitik chinoise, la région des Balkans, de la mer Noire, de la Caspienne, du plateau turc, du Golfe, de l’Inde, d’Indonésie, du Japon et d’Australie.
Pariant, sans vraiment à croire sur la « victoire » de Kiev, face à Moscou, l’Amérique entend clairement faire saigner la Russie, en éloignant le plus possible la perspective d’un compromis et d’une sortie de crise.
Par ailleurs la vassalité de l’Europe centrale vis-à-vis de l’Amérique deviendra une nécessité politique et militaire, afin de décourager l’Allemagne, réarmée, de vouloir réunifier demain le continent. Une vassalité semblable pourrait opposer les pays asiatiques à la Chine dans la volonté de restituer de manière unilatérale, l’Asie aux Asiatiques.
En effet la différenciation vis-à-vis du Leader de bloc distingue en Europe les pays d’obédience et d’influence atlantique stricte (GB, pays nordiques, Hollande, Belgique, pays baltes et Pologne) des pays du doute et de la résistance (France, Italie et Allemagne).
Au niveau planétaire font partie des zones à hégémonie disputée et demeurent sujettes à l’influence grandissante de la realpolitik chinoise, la région des Balkans, de la mer Noire, de la Caspienne, du plateau turc, du Golfe, de l’Inde, d’Indonésie, du Japon et d’Australie.
Pariant, sans vraiment à croire sur la « victoire » de Kiev, face à Moscou, l’Amérique entend clairement faire saigner la Russie, en éloignant le plus possible la perspective d’un compromis et d’une sortie de crise.
Par ailleurs la vassalité de l’Europe centrale vis-à-vis de l’Amérique deviendra une nécessité politique et militaire, afin de décourager l’Allemagne, réarmée, de vouloir réunifier demain le continent. Une vassalité semblable pourrait opposer les pays asiatiques à la Chine dans la volonté de restituer de manière unilatérale, l’Asie aux Asiatiques.
Encerclement, politique des alliances et leçons de la crise
Du point de vue des leçons à tirer et de ses répercussions, la crise ukrainienne a mis à l’ordre du jour la réflexion sur la morphologie des systèmes internationaux, stables, instables ou révolutionnaires, et, en particulier la politique des alliances, qui ont fait grands les empires et inéluctables les guerres.
Comme l’Empire allemand avant 1914, la Fédération de Russie a pu se sentir encerclée par l’OTAN et a choisi, en pleine conscience du danger, de passer d’un mode défensif à un mode préventif et offensif, au nom de ses intérêts de sécurité et de la conception commune et incontestable de la « sécurité égale et indivisible » pour tous les membres de la communauté internationale. Une sécurité égale qui était justifiée, avant la Première Guerre mondiale, par une équivalence morale entre les ennemis, comme l’a bien montré Carl Schmitt, contre la diabolisation de l’Allemagne.
Telle est, à mes yeux, la vue d’ensemble de la conjoncture que nous vivons, si profonde et si grave, que j’ai essayé d’en décrire les formes et les enjeux et de la soumettre au jugement de nos contemporains, pour qu’en témoigne l’Histoire et pour qu’en tire profit la décision politique. Et cela dans le but de décrypter les dilemmes de la paix et de la guerre et de percevoir dans la détérioration des systèmes internationaux, un espoir de compatibilité civilisationnelle et stratégique entre acteurs principaux, portant sur la stabilité ou le retour à la stabilité.
Pour rendre moins aléatoire cette recherche, j’ai adopté tour à tour cinq niveaux de compréhension :
Comme l’Empire allemand avant 1914, la Fédération de Russie a pu se sentir encerclée par l’OTAN et a choisi, en pleine conscience du danger, de passer d’un mode défensif à un mode préventif et offensif, au nom de ses intérêts de sécurité et de la conception commune et incontestable de la « sécurité égale et indivisible » pour tous les membres de la communauté internationale. Une sécurité égale qui était justifiée, avant la Première Guerre mondiale, par une équivalence morale entre les ennemis, comme l’a bien montré Carl Schmitt, contre la diabolisation de l’Allemagne.
Telle est, à mes yeux, la vue d’ensemble de la conjoncture que nous vivons, si profonde et si grave, que j’ai essayé d’en décrire les formes et les enjeux et de la soumettre au jugement de nos contemporains, pour qu’en témoigne l’Histoire et pour qu’en tire profit la décision politique. Et cela dans le but de décrypter les dilemmes de la paix et de la guerre et de percevoir dans la détérioration des systèmes internationaux, un espoir de compatibilité civilisationnelle et stratégique entre acteurs principaux, portant sur la stabilité ou le retour à la stabilité.
Pour rendre moins aléatoire cette recherche, j’ai adopté tour à tour cinq niveaux de compréhension :
- Théorique (attributs systémiques, système et sous-systèmes, homogénéité – hétérogénéité, stabilité et sécurité) ;
- Historique (la scène planétaire et sa morphologie, les acteurs et les constellations diplomatiques) ;
- Géopolitique (enjeux globaux, géopolitique continentale et géopolitique mondiale océanique) ;
- Stratégique (la triade, le condominium USA-Chine ou le duel du siècle, hégémonie et compétition hégémonique) ;
- Institutionnel (la crise de l’unipolarisme et de l’atlantisme, l’Europe et la multipolarité).
Et j’en ai conclu pour un indéterminisme probabiliste, qui gouverne le sort de l’homme et des sociétés, dans le sens de la liberté ou de celui de la tyrannie, de la vie ou de la mort.
Ce travail, qui m’a demandé quarante ans, ne m’a consenti aucune certitude et aucune sentence définitive et m’a toujours rappelé que l’histoire reste ouverte au choix du bien ou du mal et à celui de la volonté la plus déterminée, soit-elle terrifiante.
Ce qui se prépare aujourd’hui et qui est conforme à la théorie des grands cycles et à la situation du monde actuel, demeure le duel du siècle entre les États-Unis et la Chine. Mais quid alors de la Russie et avec autant d’inquiétude de l’Europe ?
Les interrogations proposent à l’action les grandes options de demain, mais ne donnent que l’image approximative du possible et jamais la solution accomplie. Celle-ci appartient à l’imprévu, qui est l’enfant naturel du risque et l’appétit le plus cruel de l’aventure humaine.
Ce travail, qui m’a demandé quarante ans, ne m’a consenti aucune certitude et aucune sentence définitive et m’a toujours rappelé que l’histoire reste ouverte au choix du bien ou du mal et à celui de la volonté la plus déterminée, soit-elle terrifiante.
Ce qui se prépare aujourd’hui et qui est conforme à la théorie des grands cycles et à la situation du monde actuel, demeure le duel du siècle entre les États-Unis et la Chine. Mais quid alors de la Russie et avec autant d’inquiétude de l’Europe ?
Les interrogations proposent à l’action les grandes options de demain, mais ne donnent que l’image approximative du possible et jamais la solution accomplie. Celle-ci appartient à l’imprévu, qui est l’enfant naturel du risque et l’appétit le plus cruel de l’aventure humaine.
Irnerio Seminatore est l'auteur de "Multipolarité au XXIe siècle" paru chez VA Éditions.