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Itinéraire d'un officier de marine, Paul AUPHAN




Publié par Solaine Legault le 24 Avril 2018

VA Editions vient de publier un remarquable ouvrage qui décrit le parcours de l’amiral Paul Auphan, qui a terminé sa carrière comme chef d’Etat-major des forces navales de Vichy. Il apporte les premiers éléments d’une biographie en étudiant le parcours exemplaire de cet officier, de sa naissance au début de la Seconde Guerre mondiale en le replaçant dans le contexte des évolutions stratégiques que connaît la marine française durant cette période. Son auteur, Jean Laplane, nous présente ici son livre.



Pourquoi avoir choisi de consacrer un ouvrage à l’Amiral Auphan ?

Amiral Paul Auphan
Amiral Paul Auphan
Plusieurs raisons m’ont conduit à faire ce choix. Dans le cadre de mon master d’histoire, dirigé par Olivier Forcade, je souhaitais avant tout travailler sur une biographie. Ce sont les aventures humaines qui m’ont fait aimer l’histoire durant mon enfance. Et venant d’une famille de marins, j’ai toujours eu un faible pour l’univers maritime.
 J’en suis venu à croiser le nom d’Auphan en réfléchissant à mon sujet de mémoire. Cet homme semblait avoir un parcours intéressant, notamment lorsqu’il s’est retrouvé mêlé aux tragédies de la Seconde Guerre mondiale. Aucun travail historique ne lui avait été consacré. J’ai décidé d’en faire ma mission durant deux ans.
 Je tiens simplement à préciser que mon travail porte sur son parcours depuis sa naissance jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Les périodes de la guerre et de l’après-guerre auraient nécessité un travail de thèse bien plus long pour être étudiées.
 Je souhaite également encourager les personnes intéressées par cette époque à prêter attention aux travaux menés notamment par le Service historique des armées (SHD) dont l’aide m’a été précieuse pour réaliser cet ouvrage.

Pourquoi a-t-il marqué la Marine ?

À mon sens, trois éléments permettent de répondre à cette question.
Le premier point qui me semble important est son commandement de la Jeanne d’Arc durant deux ans, juste avant la Seconde Guerre mondiale, qui lui a permis de former une génération d’officiers qui émergea après la guerre et l’épuration, gardant le souvenir de sa formation.
Le deuxième est sa participation aux gouvernements de Vichy. Protégé de Darlan, il occupa les postes de chef de la marine marchande, rôle important pour une France occupée qui compte beaucoup sur ses colonies pour maintenir son importance géopolitique. Il a été également commandant en chef des Forces navales françaises, puis, après le départ du gouvernement de Darlan, secrétaire d’Etat à la Marine. Il quitta ce poste d’ailleurs peu de temps avant le sabordage de la Flotte à Toulon, en raison de son désaccord avec la politique de Laval.
Enfin le troisième est la vision qu’il a développée de la Marine et de l’Histoire dans plusieurs livres, dont certains en collaboration avec l’écrivain Jacques Mordal (pseudonyme d’Hervé Cras). Ces livres magnifient le rôle de la Marine et ont marqué, je pense, les marins après la guerre, en proposant une vision d’une flotte qui a accompli son devoir tout au long des épreuves traversées durant cette période.

Quelles sont alors les particularités du parcours de Paul Auphan ?

Le parcours de Paul Auphan est un mélange d’éléments classiques et originaux. En ce qui concerne les premiers on peut notamment citer le parcours scolaire avec l’enseignement des jésuites, le passage dans la classe préparatoire Saint-Louis à Paris, qui formait beaucoup de futurs officiers. Et bien sûr, l’École navale ainsi que l’École de guerre, passages nécessaires dans la carrière d’un officier futur amiral.
On peut également citer le passage à l’État-major de la Marine ainsi que le commandement de la Jeanne d’Arc. Ce second point est particulièrement important car il a permis à Auphan de former comme je le disais une génération d’officiers en développant une vision du rôle de l’officier, fortement empreinte de ses croyances politiques, morales et religieuses.
Pour les points plus originaux, il faut d’abord commencer par se pencher sur le début de carrière d’Auphan, durant la Première Guerre mondiale où ce jeune officier alterne entre les sous-marins, arme qui acquiert sa réputation durant ce conflit, et le renseignement. À l’époque du cuirassé, ces deux expériences distinguent déjà sensiblement le parcours d’Auphan, notamment l’expérience sous-marine qu’il abordera de nouveau lors de son passage au ministère.
Un autre point intéressant est celui de ses relations politiques. Lors de ses passages en cabinet et tout au long de sa carrière, Auphan va croiser le chemin de grands hommes de l’époque, Georges Leygues par exemple, grand artisan du renouveau de la flotte durant l’entre-deux-guerres, qui ont influencé son parcours. On peut toutefois estimer que la plus importante collaboration qu’il fera sera avec le futur amiral Darlan, dont il fera partie des protégés et qu’il retrouvera plusieurs fois durant sa carrière, jusqu’à Vichy.
Enfin, un dernier point important que je souhaite signaler rapidement : Auphan n’a jamais eu de grand commandement avant son accession à l’amiralat. Il a commandé des bâtiments prestigieux comme l’Émile Bertin, des contre-torpilleurs récents et rapides type Guépard, ou la Jeanne d’Arc, mais aucun commandement important d’un point de vue stratégique, comme une escadre. Il n’a commandé que des bâtiments isolés, jamais plus importants que des croiseurs. Car la carrière d’Auphan s’est développée de manière atypique, par ses qualités professionnelles, personnelles et relationnelles lors de ses différents postes.

Que retient-on de ce parcours ?

Sous marin de la classe sur laquelle a navigué Auphan
Sous marin de la classe sur laquelle a navigué Auphan
Personnellement, en plus d’une carrière rapide, brillante et menée en passant par des voies originales, je retiens qu’Auphan reste le reflet de la marine de son époque, celle qui voulut se renouveler en se fondant sur certains principes stratégiques qui auront leurs limites plus tard : une marine technologiquement avancée, avec des bâtiments technologiquement puissants, rapides, adaptés à l’empire français et à la protection méditerranéenne. Mais une marine qui a manqué le tournant du sonar et des porte-avions. Auphan a par exemple collaboré sur le sujet de l’aéronavale, souhaitant la voir se développer, mais sans envisager les possibilités que d’autres puissances navales ont étudiées. 
Il incarne également un type d’officier archétypique : l’officier catholique dont la morale et la conception du monde maritime et des rapports que la Marine entretient avec le pays ont été développés par d’autres historiens.

Quel est l’intérêt d’avoir étudié d’un point de vue historique ?

Il s’agissait pour moi avant tout de collaborer à une compréhension plus fine des hommes qui ont fait vichy en étudiant un personnage important de la Marine à l’époque du renouveau de l’entre-deux-guerres et des difficultés de la Seconde Guerre mondiale.
L’une de mes préoccupations constantes, bien que je ne sois pas rentré dans certains détails comme j’aurais pu le faire lors d’une thèse, a été de m’attacher à décrire un peu le contexte de chacune des expériences d’Auphan pour mieux resituer son action. L’évolution du sous-marin lors de la Première Guerre mondiale en est un exemple.
 J’ai conscience de n’avoir pas abordé dans cet ouvrage le cœur, le drame de la carrière d’Auphan, Vichy et l’épuration, mais j’espère que cette étude permettra à celui qui s’y attellera de disposer d’une base que j’espère solide pour y parvenir.

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