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De génération mutilée à génération engagée, n’y a-t-il qu’un pas ?




Publié par Lauria Zenou le 12 Mai 2021

Grégoire Cazcarra est le Président du mouvement citoyen apartisan "Les Engagés" qu'il a fondé. Attaché à la participation des jeunes à la politique et au débat public, il œuvre pour leur engagement. Co-auteur de l'ouvrage "Génération Engagée" paru chez VA Editions, il nous interroge sur la place qui est donnée à la génération Z en France. Comment cette génération envisage-t-elle l'avenir du monde politique? Décryptage…



Les jeunes français, passées de simple génération Y ou Z à « génération Bataclan », deviendront-ils, indubitablement, la « génération engagée » ?

Ce qui est certain, c’est que des épisodes comme le Bataclan et les autres attentats terroristes ont contribué à forger l’identité collective de notre génération. Ces moments de drame - je pense aussi, notamment, à l’incendie de Notre-Dame - contribuent paradoxalement à « souder » notre génération, puisqu’ils rassemblent de façon éphémère et exceptionnelle tous les jeunes derrière une même bannière. Face à l’hyperindividualisme de nos sociétés contemporaines, ces parenthèses de communion nationale constituent une respiration précieuse et nous rappellent qu’au-delà de nos intérêts et particularismes propres, nous avons en partage des valeurs et des idéaux communs.

Est-ce que cela suffit à construire une « génération engagée » ? Sans doute pas, et beaucoup reste à faire. Transformer ces prises de position ponctuelles, dans la rue ou sur les réseaux sociaux, en engagements durables sur le long-terme n’est pas simple. Mais je suis convaincu que notre génération est, en réalité, beaucoup plus engagée qu’on ne le croit ou que les médias ne le disent. Elle s’engage simplement à sa manière, avec des outils et canaux différents des générations précédentes, que nous avons essayé, avec ce livre, de décrypter.

Dans votre ouvrage, vous évoquez les drames que votre génération a traversés. Ils semblent la rendre plus forte. Alors tout repose-t-il sur les épaules de cette ancienne « génération du vide » ?

Ce que nous appelons dans le livre la « génération du vide », en reprenant une terminologie que l’on doit notamment au philosophe Gilles Lipotevsky et à son excellent livre « L’ère du vide », c’est l’idée que face à l’affaiblissement des structures traditionnelles qui modelaient la société d’hier - Eglises, partis, syndicats, corps intermédiaires… -, notre génération se retrouve confrontée à une perte de repères. En l’absence de grandes idéologies structurantes comme pouvaient l’être autrefois le gaullisme, le socialisme ou encore le communisme, il faut inventer de nouveaux modèles et de nouvelles formes d’engagement. C’est un défi aussi colossal qu’enthousiasmant. Les acteurs politiques et économiques détiennent évidemment une partie de la réponse. Mais je crois que celle-ci viendra aussi - et peut-être surtout - des initiatives citoyennes et du tissu associatif. 

Quel sera, selon vous, l’impact de la quête d’éthique dont vous parlez sur le monde que votre génération devra construire ?

La « quête d’éthique », que l’on appelle aussi souvent « quête de sens », c’est l’idée que chaque champ d’engagement, chaque secteur, chaque domaine d’activité doit contribuer à construire une société plus éthique, plus vertueuse et, entre autres, plus respectueuse de l’environnement. Dans le livre, nous parlons notamment du monde de l’entreprise qui, j’en suis convaincu, ne doit pas être imperméable à ces évolutions et transformations. L’entreprise de demain devra être engagée et on voit déjà, avec la naissance des « entreprises à mission » permises par la Loi Pacte par exemple, ou la popularité du made in France et des circuits courts, que le secteur privé est en train de se réinventer face à la nouvelle donne sociale, sociétale et climatique. Il faut aller plus loin et c’est tout le défi qui attend notre génération : faire de la quête de sens, y compris en entreprise, une priorité absolue. 

Croyez-vous à une collaboration intergénérationnelle, loin du clivage classique et presque caricatural des jeunes face aux plus vieux ?

Oui, complètement ! Opposer les générations n’a jamais fait avancer les choses, bien au contraire. Aussi, de la même manière que je m’oppose aux caricatures et aux raccourcis que l’on entend souvent sur la jeunesse dans les médias, je ne crois pas non plus aux discours se revendiquant du « jeunisme », qui rime souvent avec une forme de démagogie. L’âge n’est ni un argument en soi, ni un handicap : il ne devrait pas être un critère de compétence. J’ajoute que la crise sanitaire a montré la force du dialogue intergénérationnel, avec la multiplication d’initiatives citoyennes lancées par des jeunes pour venir en aide à nos aînés, pendant les phases de confinement notamment. Je pense par exemple aux jeunes de l’ANDMJFR, à Toulouse, qui distribuaient des plateaux repas pour les personnes âgées. C’est une illustration, parmi beaucoup d’autres, de cette « société de l’engagement » que nous pouvons et devons collectivement créer !
 


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