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Corée du Nord : Et si la première victime était le Chine ?




Publié par Pierre-Marie Meunier le 15 Mars 2013

Forte de la réussite de son lancement d’une fusée spatiale en décembre 2012, et de son essai nucléaire souterrain en il y a environ un mois, la Corée du Nord se sent suffisamment en confiance pour renchérir à nouveau dans le domaine des provocations militaires, dont elle est coutumière depuis des décennies. Mais cela pourrait de se retourner rapidement contre elle si elle continue à mettre en porte-à-faux son seul et unique mais puissant allié : la Chine.



Kim Jong-Un en inspection sur la "ligne de front"
Kim Jong-Un en inspection sur la "ligne de front"
Entre des manœuvres aériennes et terrestres d’une ampleur rarement vue et des déplacements du dirigeant nord-coréen sur la « ligne de front », savamment filmés et orchestrés par la propagande du régime, on pourrait se croire à l’aube d’un nouveau conflit dans la péninsule, tant les bruits de bottes résonnent des deux côtés. Pour autant, rien ne laisse supposer que cette nouvelle bouffée de chaleur sur un conflit mal refroidi depuis 60 ans ne va avoir plus de conséquence que les précédentes.
 
Quelle crédibilité militaire ?
 
Assistons-nous à des manœuvres politiques à seules fins de politique intérieure ? Le régime nord-coréen nouvelle version est probablement en train de mettre à sa main l’appareil militaire et diplomatique du régime, après les purges de la haute administration de l’armée ces derniers mois. Le nouveau dirigeant absolu, Kim Jong-Un, est en position de force depuis le lancement de la fusée Unha-3 (dérivé des missiles Taepodong-2) le 12 décembre 2012, et la réussite d’un essai nucléaire sous-terrain de faible puissance le 12 février 2013. Mais en dépit de ces succès relatifs (la charge utile de la fusée semble ne pas fonctionner, et l’explosion nucléaire reste d’une puissance très faible), la Corée du Nord est encore très loin d’avoir la capacité de menacer le monde d’une guerre nucléaire. Mais il est vrai que depuis son essai réussi, elle a un peu gagné en crédibilité de ce côté, en comparaison avec des forces conventionnelles, qui, bien que nombreuses et puissamment équipées, ne sortent pas des cadres tactiques de la seconde guerre mondiale. Sans présager des dégâts causés par l’artillerie nord-coréennes sur le Sud, un conflit conventionnel entre les deux Corées tournerait immanquablement à l’avantage du Sud, parce qu’il y a au bas mot quarante années de fossé technologique entre les deux camps, sachant que l’un des deux est massivement soutenu par les Etats-Unis. L’inconnue se situe du côté de la Chine. Si les Américains sont très probablement prêts à entre en guerre contre la Corée du Nord, en cas d’agression de la Corée du Sud ou du Japon, la Chine est-elle prête à affronter les Etats-Unis pour aider la Corée du Nord ? Rien n’est moins sûr.
 
Un soutien qui perd peu à peu de son intérêt.
 
Que gagne la Chine à soutenir la Corée du Nord ? La Chine constitue quasiment le seul partenaire commercial de la Corée du Nord. En cela la Chine dispose d’un débouché économique dans cette région proche de la Russie, mais elle a aussi la capacité d’asphyxier instantanément l’économie nord-coréenne. La Corée du Nord constitue également une zone tampon avec les influences du Japon et de la Corée du Sud, pays ralliés de fait aux Etats-Unis. Le territoire de Corée du Nord sert de profondeur stratégique à la Chine, mais à la condition que la Chine puisse exercer un contrôle, même indirect sur ce territoire. Or la Corée du Nord est un pays de moins de moins docile, la Chine lui ayant notamment interdite la poursuite de ses essais nucléaires. On sait désormais ce qu’elle fait des recommandations de son dernier allié dans la région. Or il y a là un important motif de mécontentement pour la Chine, très soucieuse de son influence régionale. Cet état de fait a justifié pour la Chine le vote des sanctions de l’ONU contre la Corée du Nord, la Chine étant désormais plus soucieuse de prendre ses responsabilités dans le concert des nations, plutôt que de défendre un pays qui n’écoute rien. De plus l’attitude de la Corée du Nord a pour principale conséquence un renforcement de la présence américaine en Corée du Sud, présence que dénonce la Chine depuis des années. Les Etats-Unis ont de leur côté tout intérêt à profiter de la situation pour renforcer leurs bases dans le Pacifique, au plus près des futures zones de tensions en mer de Chine. Ce mouvement général est en cohérence avec la réorientation stratégique des Etats-Unis vers la zone Asie-Pacifique.
 
Les semaines qui viennent vont probablement être décisives, et bien que le régime de Pyongyang ait pour principal objectif sa survie, la question de sa rationalité n’a pas encore été tranchée. La probabilité d’une guerre, bien que faible (car ce que nous observons aujourd’hui n’est pas une première) n’est pas nulle, particulièrement dans un contexte général de raidissement des relations entre toutes les parties. La question n’est pas tant le pouvoir de nuisance de la Corée du Nord, ou la réalité de son potentiel militaire, que la position qu’adoptera la Chine dans cette évantualité.



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