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Salaires gelés aux États-Unis : l’Allemagne avance la paie d’octobre sur ses bases américaines




Publié par Jehanne Duplaa le 23 Octobre 2025

Face au blocage budgétaire américain, l’Allemagne sécurise les salaires d’octobre des employés civils des bases des États-Unis sur son sol, par une dépense exceptionnelle et remboursable, afin d’éviter une rupture de paie à Ramstein, Stuttgart, Wiesbaden et ailleurs.



Le 22 octobre 2025, l'Allemagne a officialisé une mesure inédite : avancer les salaires d’environ 11 000 à 12 000 employés civils des forces des États-Unis stationnées en Allemagne. Cette décision, dictée par le contexte du shutdown américain entamé le 1er octobre, répond à une inquiétude concrète : l’absence de liquidités fédérales américaines à la date de paie d’octobre, alors que le droit social allemand s’applique aux « Ortskräfte » (travailleurs civils recrutés localement) et protège la continuité de leur rémunération.

Une avance allemande pour éviter une rupture de salaires

L’architecture du dispositif est simple. D’une part, l'Allemagne engage une « dépense extraordinaire » pour couvrir les salaires d’octobre, avec un mécanisme de remboursement exigé des États-Unis une fois la paralysie budgétaire levée, selon la porte-parole du ministère fédéral des Finances citée par Stern. D’autre part, l'Allemagne cible les « local nationals » employés sur les emprises américaines — personnels administratifs, logistique, restauration, sécurité ou prévention incendie — dont les contrats relèvent intégralement du droit allemand, conformément au SOFA et à ses accords additionnels, relève Die Zeit.

Cette décision est intervenue à l’issue d’échanges soutenus entre Berlin et la Rhénanie-Palatinat, Land qui concentre la communauté militaire américaine la plus importante hors des États-Unis, notamment autour de la base aérienne de Ramstein et de la garnison américaine de Rheinland-Pfalz. Le ministre-président Alexander Schweitzer a rassuré les intéressés — « Les employés n’ont pas à s’inquiéter » —, signe que l'Allemagne entend couvrir l’échéance d’octobre sans latence de salaires, rapporte ZDFheute. À ce stade, l’enveloppe évoquée atteint un « montant à deux chiffres de millions », soit autour de 43 millions d’euros pour la seule paie d’octobre.


Pourquoi l’Allemagne paie : droit du travail, continuité de service et salaires protégés

La clé est juridique autant qu’opérationnelle. En Allemagne, ces personnels ne sont pas des militaires américains mais des salariés régis par les conventions collectives locales. Dès lors, « les interruptions de salaires pour cause de querelles budgétaires ne sont pas permises en droit allemand », explique le syndicat Verdi, cité par Les Échos. Le syndicat a expressément demandé à l'Allemagne de prendre le relais tant que les États-Unis ne peuvent pas payer. L’angle n’est pas idéologique : il vise à éviter des dommages sociaux — loyers, crédits, charges — et à garantir la continuité des services de soutien indispensables au fonctionnement des bases américaines.

Par ailleurs, l'Allemagne préserve un intérêt stratégique : le maintien des salaires empêche des arrêts de services critiques (logistique, mess, sécurité incendie) qui, par ricochet, impacteraient l’entraînement, la maintenance et l’accueil des unités américaines. Or la présence américaine — environ 35 000 militaires et plusieurs dizaines de milliers de familles et personnels associés — structure des bassins d’emploi en Rhénanie-Palatinat, Bavière, Bade-Wurtemberg et Hesse. En évitant une crise de paie, l'Allemagne protège ses territoires et, surtout, les relations opérationnelles avec les États-Unis au moment où les chaînes d’approvisionnement de défense et l’entraînement interarmées restent critiques.
 

La cartographie des salaires et la facture pour l’Allemagne

11 000 à 12 000 salariés locaux concernés, et la Rhénanie-Palatinat en compte environ 6 300, soit plus de la moitié de l’effectif total, constate ZDFHeute. À l’échelle nationale, cela couvre les sites de Ramstein, Kaiserslautern, Wiesbaden, Stuttgart ou encore Grafenwöhr. Pour octobre, la facture provisoire pour l'Allemagne est située aux alentours de 43 millions d’euros, somme à engager sous forme d’avance remboursable.

Enfin, le contexte américain éclaire la manœuvre. Le shutdown a débuté le 1er octobre 2025 et a déjà placé plus de 700 000 agents fédéraux en congé sans solde, selon les informations du Zeit. Lors des précédentes crises budgétaires, les États-Unis avaient en général assuré la continuité des salaires des personnels locaux en Allemagne. En 2025, l’incertitude sur la chaîne de paiement a poussé Berlin à verrouiller l’échéance d’octobre. La ligne rouge posée est claire : l'Allemagne paye pour éviter une rupture, mais l’ardoise revient aux États-Unis dès que la machine fédérale redémarre.




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