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« S'il y a un effort à faire, c'est la létalité » : les chefs d’État-Major appellent à réarmer la nation




Publié par La Rédaction le 23 Octobre 2025

Réunis par la FMES ce mardi 21 octobre, les trois chefs d’État-Major – le général Pierre Schill (Terre), l’amiral Nicolas Vaujour (Marine) et le général Jérôme Bellanger (Air et Espace) – ont livré un constat sans détour : la France doit assumer le retour de la guerre en Europe et repenser sa puissance militaire, technologique et morale. Un discours clair sur l’urgence d’investir dans la létalité, l’audace et la cohésion nationale.



1. Un monde en bascule

La séquence organisée par la Fondation Méditerranéenne d’Études Stratégiques (FMES) a réuni les trois chefs d’état-major autour d’un thème central : les nouvelles conflictualités dans un environnement contesté. Dans un contexte d’incertitude budgétaire et de tensions politiques internes, les militaires rappellent la gravité du moment :
« Nous n’avons jamais connu de préparation à la guerre aussi intense depuis la Seconde Guerre mondiale ».

Le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre, dresse un constat lucide :
« Nous sommes en train de vivre une bascule majeure. Une bascule géopolitique, culturelle, sociale, sociétale et technologique. Dans ce monde en bascule, il faut être visionnaire pour se préparer. Mais il existe des éléments de continuité dont la nécessité de peser sur son destin. »

Cette bascule est mondiale, mais le général Schill le rappelle : le terrain le plus proche reste l’Europe. « L’Europe doit être en mesure d’exprimer cette détermination, cette capacité à peser sur son destin », insiste-t-il. Face à une Russie affaiblie mais toujours menaçante, les armées européennes doivent redéfinir leur périmètre d’action et le sens de leurs alliances.

L’amiral Nicolas Vaujour, chef d’état-major de la Marine nationale, décrit un environnement d’une grande instabilité : multiplication des trafics, explosions des routes maritimes de la drogue, montée des tensions régionales. Dans cette recomposition, la Marine conserve son double ADN : puissance de guerre et force de protection. « Forte de ses savoir-faire, respectée de ses partenaires, redoutée de ses adversaires », résume-t-il, définissant ainsi la ligne stratégique de la marine française : s’adapter, coopérer et dissuader.

2. Investir dans la létalité, la décision et la supériorité informationnelle

 

Les trois chefs militaires partagent la même conviction : il faut renforcer la capacité de frappe et la liberté d’action des armées françaises. Le général Schill met en garde contre la tentation de la prudence excessive :

« S’il y a un effort à faire, c’est la létalité. Il faut pouvoir frapper. La meilleure défense, c’est l’attaque ! Nous serons condamnés si nous ne faisons que nous défendre. »

Pour l’amiral Vaujour, deux priorités s’imposent à la marine : « La létalité du premier coup et la supériorité informationnelle. » La guerre hybride impose de décider vite, dans l’incertitude. Les chefs d’état-major appellent à former des officiers capables d’assumer la prise de risque, à la fois opérationnelle et sociétale :

« Il faut entraîner nos armées à la prise d’audace et de décision aussi dans l’incertitude. Il faut accepter la prise de risque. Et la prise de risque aussi sociétale, et on a un vrai problème là-dessus. »

Le général Bellanger, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace, illustre cette transformation. Les forces aériennes françaises accomplissent désormais des missions inédites :

« On a fait des missions qu’on était incapables de faire il y a trois-quatre ans, dont l’évacuation de ressortissants, le secours à la population, le transport de personnel comme en Nouvelle-Calédonie, où nous avons fait 16 fois le tour du monde pour apporter 4000 passagers. »

Mais c’est désormais l’espace qui devient un nouveau front :

« L’espace devient une réelle zone de conflit. Un conflit sans règles, le ‘far-west’. Il faut développer des moyens pour la très haute altitude, vers la THA, dans la THA. »


3. Gagner la guerre par la nation

 

Au-delà des chiffres et des matériels, les chefs d’état-major rappellent que la guerre reste une affaire de volonté nationale.
Le général Schill l’affirme avec gravité :

« Ce sont les armées qui gagnent les batailles et les nations qui gagnent les guerres. »

L’enjeu, selon lui, est de maintenir la cohésion du pays et la capacité de décision collective dans l’incertitude. « Il faut pouvoir décider dans l’incertitude », insiste-t-il, tout en soulignant la résilience de l’adversaire :

« Les Russes sont en train de perdre 1500 hommes tous les jours sur le front et font une véritable démonstration de résilience. »

Pour l’amiral Vaujour, le lien entre armée et société est essentiel à la puissance.

« Ceux qui se débrouillent le mieux sont ceux qui ont tous les leviers de puissance dans la même main. Notre système est perfectible et, lorsque l’Europe comprendra qu’elle a énormément de leviers de puissance, et qu’elle s’intéressera à la synchronisation de ces leviers, on sera vraiment une puissance qui compte. »

Dans ce monde fragmenté, les armées françaises se préparent à des guerres hybrides, technologiques et informationnelles — mais rappellent que la victoire, elle, reste profondément humaine. Leur message, unanime, vaut avertissement : sans volonté collective, sans audace et sans prise de risque, la France ne pèsera plus sur son destin.




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