Une libération entre soulagement et soupçons
Arrêtés en mai 2022 pour « espionnage », Cécile Kohler et Jacques Paris ont passé 1 277 jours en détention avant d’être libérés début novembre 2025. Le communiqué d'E. Macron sur X précise qu'ils se trouvent désormais à l’ambassade de France à Téhéran, en attente de leur retour. Paris dénonce depuis le début une détention « arbitraire » utilisée comme levier politique.
Cette libération intervient peu après celle de Mahdieh Esfandiari, une ressortissante iranienne détenue en France depuis 2023 pour apologie du terrorisme, après avoir publiquement justifié les attaques du Hamas du 7 octobre 2023. Si les autorités françaises n'ont pas communiqué sur cet échange, la concomitance des deux événements nourrit les spéculations sur un arrangement discret entre Paris et Téhéran.
À l’Assemblée nationale, les réactions sont partagées. Le député socialiste Arthur Delaporte avertit : « La règle est claire : il n’y a pas de contrepartie. Cela pose des problèmes éthiques, car cela encourage d’éventuels preneurs d’otages étatiques. » Pour la députée macroniste Laure Miller, la priorité reste humaine : « Leur vie n’a pas de prix. Il faut toujours peser le pour et le contre, mais l’essentiel est qu’ils reviennent. » Le député RN Jean-Philippe Tanguy appelle, lui, à distinguer les situations : « S’il s’agit d’échanges diplomatiques, pourquoi pas ; si c’est verser des rançons, c’est autre chose. »
Evin, le symbole du contrôle sécuritaire iranien
Les deux Français ont été détenus dans la prison d’Evin, au nord de Téhéran, tristement célèbre pour la brutalité de ses conditions de détention. Construite dans les années 1970, elle abrite la section 209, contrôlée par le ministère du Renseignement (VEVAK). On y enferme opposants politiques, journalistes et étrangers accusés d’espionnage.
Selon Amnesty International, Evin est le théâtre de tortures, d’isolements prolongés et d’aveux forcés. En 2022, un incendie y avait causé plusieurs morts, révélant la surpopulation et les mauvais traitements. Cécile Kohler et Jacques Paris y ont été maintenus plusieurs mois à l’isolement, sans contact régulier avec leurs avocats. Leur dossier a été suivi de près par la DGSE, qui a mené de discrètes négociations via les partenaires européens.
La diplomatie des otages, un outil de pouvoir
Cette affaire illustre la « diplomatie des otages » que Téhéran pratique depuis des années. L’Iran détient régulièrement des ressortissants étrangers pour en faire des leviers de négociation face aux sanctions économiques et aux pressions internationales. Cette stratégie lui permet d’obtenir des concessions politiques ou la libération de citoyens iraniens détenus à l’étranger.
Des cas similaires ont concerné des Suédois, des Allemands et la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah, libérée en 2023. En usant de ces détentions arbitraires, le régime iranien cherche à projeter une image de puissance et de résistance face à l’Occident.
La libération de Cécile Kohler et Jacques Paris marque donc un succès diplomatique fragile : un soulagement pour Paris, mais aussi la confirmation que Téhéran continue d’utiliser les otages comme instruments de négociation dans sa politique extérieure.

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