Une croissance revue à la hausse
Le FMI explique que cette hausse reflète plusieurs facteurs de soutien : pour les pays exportateurs de pétrole, une production plus élevée et des investissements publics plus soutenus contribuent à l’activité. Pour les pays importateurs, un rebond du secteur touristique, des transferts de travailleurs plus robustes et une inflation modérée jouent un rôle. En d’autres termes, l’économie de la région MENA semble tirer profit tant d’une amélioration des conditions extérieures que d’une dynamique interne plus favorable.
Cette révision montre que la région n’est pas dans un marasme complet : après des années de croissance décevante, l’accélération attendue à 3,3 % est un motif de soulagement pour nombre de gouvernements. Il s’agit d’un contraste avec des prévisions plus sombres il y a quelques mois, et cela peut aider à restaurer un peu de confiance dans les perspectives économiques régionales.
Le revers de la médaille : les risques « penchés à la baisse »
Mais le FMI est très clair : malgré la révision à la hausse, les risques restent orientés à la baisse. Cela signifie que le scénario optimiste à 3,3 % n’est pas garanti ; il existe davantage de probabilités que la croissance soit inférieure que supérieure à cette estimation.
Parmi les risques identifiés :
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Une baisse soudaine du prix du pétrole, qui pourrait fragiliser les pays exportateurs.
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Une escalade des tensions commerciales ou géopolitiques dans ou autour de la région.
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Une inflation persistante ou des conditions financières mondiales plus strictes qui grèveraient les marges des pays importateurs.
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Le renforcement des vulnérabilités internes : dette élevée, arrêts de réformes, dépendance à un nombre limité de secteurs.
En somme, même si les chiffres sont meilleurs que prévus, l’environnement reste instable : la reprise est plus fragile qu’elle n’en a l’air.
Le contexte spécifique de la région MENA
La région MENA est très hétérogène : elle comporte à la fois des pays riches en hydrocarbures (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Koweït…) et des États importateurs de pétrole aux marges budgétaires plus étroites (Égypte, Tunisie, Maroc…). Cette diversité rend l’analyse plus complexe.
Pour les exportateurs, la remontée de la production et des recettes permet une certaine relance. Mais même là, l’enjeu est de diversifier l’économie, car une dépendance trop forte au pétrole reste un handicap face aux chocs externes. Pour les importateurs, la faiblesse des marges budgétaires rend les économies plus vulnérables à une remontée des taux d’intérêt ou à une contraction de la demande mondiale.
On doit également souligner que la région est sujette à des risques géopolitiques et sécuritaires accrus (conflits, instabilité politique, perturbations logistiques) qui peuvent freiner brutalement la reprise économique. Dans ce cadre, les réformes structurelles (réduction des subventions, modernisation, amélioration de la gouvernance) sont plus que jamais nécessaires pour soutenir la croissance à moyen terme.
Pourquoi cette hausse maintenant ?
Plusieurs éléments conjoncturels expliquent pourquoi le FMI a pu revoir ses chiffres à la hausse :
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Le rebond du tourisme après les restrictions liées à la pandémie et aux tensions géopolitiques.
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Des transferts de fonds plus importants des travailleurs expatriés vers leurs pays d’origine, qui stimulent la consommation.
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Une inflation qui se modère dans plusieurs pays, augmentant ainsi le pouvoir d’achat et les marges de manœuvre.
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Une production et un prix du pétrole qui, bien que instables, ont été plus favorables que redouté dans certaines zones.
Ces effets conjugués ont permis de doper (temporairement) la croissance. Toutefois, ils ne changent pas le fait que la fondation de cette croissance reste fragile, d’où la prudence exprimée par le FMI.
Les grands enjeux à surveiller
Plusieurs enjeux stratégiques se dégagent :
Réformes structurelles : Pour que la croissance soit durable, il ne suffit pas de profiter d’un effet conjoncturel. Les pays doivent moderniser l’économie, diversifier, renforcer l’innovation, améliorer la gouvernance. Sans cela, la croissance risque de retomber.
Dépendance aux hydrocarbures : Les exportateurs ont aujourd’hui une bouffée d’oxygène, mais cette dépendance reste un talon d’Achille. Une baisse des prix ou de la production peut rapidement inverser la dynamique.Vulnérabilité des pays importateurs : Ceux qui ne disposent pas de marges budgétaires ou politiques fortes subissent encore les effets des tensions mondiales, du renchérissement des matières premières ou des disruptions externes.
Dynamique géopolitique et sécurité : L’instabilité peut gâcher la reprise en perturbant l’investissement, le commerce, le tourisme ou même en déclenchant des coûts sociaux imposants.
Endettement et politique macroéconomique : La région doit veiller à ce que la relance ne se fasse pas au prix d’un endettement excessif ou d’une inflation incontrôlée. Le FMI rappelle l’importance de combiner croissance et stabilité.
Une vision pour l’avenir
Si tout se passe bien, une croissance autour de 3,3 % voire plus pourrait offrir une bonne base pour rebâtir les économies de la région et améliorer les conditions de vie. Mais l’essentiel est dans la durée : la croissance soutenue ne viendra pas uniquement d’un cycle favorable, mais de changements profonds.
Le message du FMI est clair : la reprise est là, mais la route reste semée d’embûches. Les décideurs doivent faire preuve de vigilance, de rigueur et de courage réformatif. Sans cela, le rebond pourrait être de courte durée — et les anciens défis revenir. L’objectif ne doit pas être seulement de « croître après une crise », mais de construire une économie plus résiliente, moins dépendante, plus inclusive.