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Brève histoire du Tropicalismo brésilien




Publié par Thomas Péan le 4 Octobre 2019

Le 31 mars 1964, les militaires brésiliens renversèrent le gouvernement de Joao Goulart, soupçonné d’avoir des liens avec le régime communiste cubain.



En 1968, la vague mondiale de contestation étudiante et populaire née dans les pays développés s’est traduite au Brésil par la revendication d’une plus grande démocratie face à la radicalisation autoritaire du régime militaire. Dans cette période politique difficile, le Tropicalismo est né en tant que contestation politique et avant-garde musicale.

Acte (s) de naissance

En 1967, le Festival de Música Popular organisé par TV Record fut l’acte de naissance du Tropicalismo. En 1968, le deuxième événement de ce mouvement fut la publication de la chanson Tropicalia par Tom Zé, Caetano Veloso et Gal Costa. Ces événements se sont produits dans un contexte international de lutte étudiante et de contestation de l’ordre international d’après-guerre.  Au Brésil, la contestation s’exprimait contre le coup d’État militaire précédent le 31 mars 1964, lorsque les militaires ont renversé la Nova Republika sous le mandat présidentiel de João Goulart.

Les soupçons de rapprochement entre le Brésil et le régime castriste cubain poussent alors les militaires à agir au nom de l’intérêt national. Né au cours de ces années de contestation mondiale et nationale, le mouvement a également été défini par des labels emblématiques parmi lesquelles se trouvaient les titres suivants : Alegrîa, Alegrîa de Caetano Veloso (1968), Panis et Circensis de Gilberto Gil (1968), Cade Teresa (Jorge Ben Jor, 1969) et Aquele Abraço de Gilberto Gil (1969).
Coup d’Etat de 1964 : char déployé à Brasilia, la nouvelle capitale
Coup d’Etat de 1964 : char déployé à Brasilia, la nouvelle capitale



Ses principaux représentants

 Ainsi, le tropicalisme au cours de ses années d’existence se distinguait par ses artistes et ses titres emblématiques. Parmi eux figuraient Gilberto Gil, Chico Buarque, Caetano Veloso, Tom Zé, Jorge Ben Jor, Elis Regina, Gal Costa, Maria Bethânia, Milton Nascimento. Parmi ces titres, certains méritent plus d’attention. Dans Meu Caro Amigo, le chanteur célèbre Chico Buarque, raconte la vie quotidienne de ses amis paulistes -de la ville de Sao Paulo- ou cariocas -de la ville de Rio de Janeiro- composée de matchs de football, de visites chez lui, des hauts et des bas de la vie des jeunes. Mais celui qui s’appelait vraiment Sergio Buarque da Holanda, fils de l’historien Sergio Buarque da Holanda, est devenu célèbre avec plusieurs titres liés à la dénonciation de la dictature militaire.

Dans Apesar de Voce et Vai passar, il critique indirectement les abus et les politiques liberticides de la junte militaire depuis 1964. Sa chanson Calice, chantée avec l’artiste afro-brésilien Milton Nascimento, est une critique masquée de la violence d’État de la dictature. Ils comptaient sur le peuple brésilien, fatigué de toute cette violence et de toute cette répression, pour manifester contre les actes de la junte au pouvoir. Ses dénonciations ne provoquèrent pas de répression directe du gouvernement militaire en raison des soutiens élevés dont bénéficiait Chico Buarque parmi l’élite de São Paulo. Néanmoins, il dut quitter le Brésil pour l’exil pendant quelques années avant de pouvoir rentrer après la loi d’amnistie générale de 1979. Une autre chanteuse importante, Elis Regina, a chanté avec l’artiste Tom Jobim, icône de la Bossa Nova, la chanson Aguas de Março. Le duo musical s’est distingué par son dynamisme, la qualité vocale des deux artistes et la complicité qui s’est manifestée entre Elis et Tom. Malheureusement, elle est morte d’une overdose.
L’artiste brésilien Caetano Veloso en 2015
L’artiste brésilien Caetano Veloso en 2015



Quels furent les traits essentiels du Tropicalismo ?

Tout d’abord, il est apparu comme un mouvement de contestation né dans un pays sous dictature depuis l’âge de quatre ans. Par ailleurs, il s’est inscrit dans un phénomène international de contestation du pouvoir, il prétendait dénoncer et critiquer les abus du gouvernement par ses chansons. Il se rattachait ainsi à d’autres formes musicales sud-américaines comme la Nueva Canción Chilena contemporaine du gouvernement de l’Unión Popular de Salvador Allende (1970-1973). Inti Illimani et Victor Jara sont devenus les porte-parole des classes ouvrières et populaires.

En Argentine, la chanteuse Mercedes Sosa évoquait également des thèmes sociaux ou révolutionnaires. Si le Tropicalismo se distinguait par ses thèmes, son esthétique propre apparut également novatrice. Après l’âge d’or de la Bossa Nova, le Tropicalismo naît comme elle à Sao Paulo, un État majeur du pays. Il repésente  un syncrétisme entre les influences étrangères, y compris la musique hippie américaine (San Francisco de Scott Mackenzie) et les influences brésiliennes. Ainsi, il bénéficie de mouvements musicaux antérieurs comme la musique bahianaise, le boléro, la samba, la bossa nova ou d’autres courants extérieurs : le rock, la pop. Les rythmes afro-brésiliens, la culture nationale, le passé culturel ont également influencé les productions du Tropicalismo.  Ainsi, l’esthétique innovante est associée à des thèmes d’avant-garde.

 
Le groupe Inti Illimani à la campagne pour le référendum au Chili en 1988. Il défendait le « Non » à Augusto Pinochet au pouvoir depuis 1973.
Le groupe Inti Illimani à la campagne pour le référendum au Chili en 1988. Il défendait le « Non » à Augusto Pinochet au pouvoir depuis 1973.



Fin et postérité du Tropicalismo

L’âge d’or du tropicalisme a suivi l’essor de la contestation politique  internationale et nationale. Mais avec la montée de la répression dans le pays,  les Actos Institucionales et la fin des manifestations d’opposition au pouvoir, le Tropicalismo a suivi les voies de la clandestinité et de l’exil. Ses représentants sont devenus moins visibles pour éviter la censure du gouvernement ou des peines d’emprisonnement. L’originalité initiale de ce mouvement fut l’association entre l’avant-garde artistique (suivant ainsi la Bossa Nova) et la contestation politique. Tout au long de leur existence, les critiques du Tropicalismo dénoncèrent le manque d’engagement politique ou l’hypocrisie attribuée au mouvement. Son impact politique semble finalement limité face au pouvoir de la junte militaire. Après une période de répression brutale, elle devient moins répressive envers l’opposition nationale dans les années 1970.

À la fin des années 1970 et au début des années 1980, le disco avec de nouveaux rythmes musicaux s’installe au Brésil après avoir conquis les discothèques américaines. Certains titres au début de la nouvelle décennie, les années 1980, marquèrent la fin de l’ère du Tropicalismo : Lança Perfume de Rita Lee (1980), Fullgas de Marina Lima (1984) et Fixação de Kid Abelha (1984). Comme aux États-Unis, l’échec des idées avant-gardistes ou révolutionnaires s’est traduit par de nouvelles mélodies valorisant la joie et la fête dans une dernière tentative d’oublier des rêves devenus décevants.

L’ère disco, aux États-Unis comme au Brésil, a été une échappatoire pour une génération marquée par les déceptions révolutionnaires.


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