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McLaren, l’arroseur arrosé




Publié par Chiara Perrin le 21 Juillet 2023

En 2007, Ferrari, géant de la Formule 1, accuse son rival anglais McLaren d’avoir mené une opération d’espionnage industriel pour lui voler des informations concernant son nouveau modèle F2007. L’investigation qui est menée révélera bon nombre de surprises pour l’écurie italienne…



Deux équipes et un seul homme

Formule 1, 2007 : Schumacher prend sa retraite, Fernando Alonso, double champion du monde, est recruté par McLaren, et y rejoint un rookie, Lewis Hamilton, qui s’apprête à surprendre tout le monde.
 
Mais l’année 2007, en Formule 1, est aussi marquée par un scandale d’espionnage qui va redistribuer toutes les cartes….
 
Avant de parler des faits, commençons par parler d’un homme. Nigel Stepney. 

Mécanicien de formation, Nigel est recruté par la Scuderia Ferrari début 1993, et devient rapidement manager technique des équipes de course et de test. Suite à la promotion d’un nouveau directeur technique, pendant l’intersaison 2006-2007, Nigel n’apprécie pas le nouvel organigramme et exprime très clairement son mécontentement et son désir de quitter l’équipe. Il est alors transféré dans un autre service au sein de Ferrari, mais dans un poste qui ne lui permet plus de se rendre aux Grands Prix.
C’est à partir de là que l’histoire se complique…
 
29 septembre 2010 : le même Nigel Stepney est condamné à 20 mois de prison et 600 euros d’amende par la cour de Sassuolo, dans la région de l’Emilie-Romagne en Italie.
 

Un espionnage bien ficelé

Que s’est-il passé ?
 
Peu avant le Grand Prix de Monaco qui se déroulait alors en mai 2007, une mystérieuse poudre blanche est retrouvée aux abords des réservoirs de la Ferrari F2007, le tout nouveau modèle de Formule 1 de l’écurie italienne. Au même moment, les responsables de l’intelligence économique de Ferrari mettent en place une veille stratégique qui vise à surveiller les faits et gestes de son rival McLaren, et découvrent que l’écurie serait en possession d’informations confidentielles concernant le nouveau modèle F2007.

Comment la Scuderia le découvre-t-elle?
 
Pour répondre à cette question, il est indispensable d’évoquer à nouveau Nigel Stepney. Toujours frustré par son nouveau poste, et obsédé par l’idée de revenir sur les circuits au sein d’une équipe, Nigel aurait décidé de séduire l’écurie McLaren en proposant des informations confidentielles qui l’encourageraient à l’embaucher.

Nigel aurait alors décidé de contacter un certain Mike Coughlan, l’ingénieur en chef de l’équipe McLaren, pour lui fournir des documents comportant notamment des détails sur les systèmes de freinage et de suspension de la F2007. Mike confie alors à sa femme, Trudy, le soin de faire des photocopies des documents, et celle-ci se rend alors dans un magasin proche de l’usine Mclaren.

L’un des employés, intrigué par le logo Ferrari sur les photocopies, décide de prévenir l’écurie. La Scuderia, déjà alertée par ses équipes d’intelligence économique, prend l’affaire très au sérieux et demande à ces derniers de lancer immédiatement une surveillance informatique sur ses propres systèmes dans le but de repérer toute activité douteuse ou fuite d’informations, et décide de porter plainte contre McLaren auprès de la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA), l’organisme régulateur de la Formule 1, qui a par la suite ouvert une enquête.
 
 
Les enquêteurs vont alors contacter tous les membres de l’équipe Ferrari ayant travaillé directement à la conception de la F2007 et vont collaborer avec l’équipe d’intelligence économique de Ferrari qui lance une investigation interne de grande ampleur, et examine minutieusement toutes les données informatiques, les courriels, et les documents papiers pour identifier qui est à l’origine de cette fuite. Ces deux investigations révèlent que Nigel Stepney a communiqué et pris rendez-vous avec des membres de McLaren, et vont donc conduire les enquêteurs à son domicile où des traces de la même poudre blanche repérée près de la F2007 sont retrouvées sur des vêtements lui appartenant.
 

Une écurie de mauvaise foi et le coup de grâce

Malgré tous ces éléments accablants, McLaren continue d’affirmer que Nigel et Mike ont agi dans leur propre intérêt, et non pas dans celui de l’écurie britannique qui n’aurait été au courant de rien. Malheureusement pour McLaren, à peine quelques jours plus tard, le 11 juillet, dans le cadre de la procédure engagée par Ferrari à l’encontre de Mike et sa femme, ces derniers témoignent devant la Haute Cour de Justice de Londres et affirment que d’autres membres de l’équipe étaient au courant de cette affaire. Suite à cette déclaration, Ferrari laisse Mike et Trudy tranquille.
 
Mais pas Nigel Stepney, le traître de l’équipe, ni McLaren, le cruel rival.
 
Après un premier verdict décevant le 26 juillet devant un Conseil Mondial extraordinaire (la juridiction de première instance de la FIA) à l’encontre de McLaren, ce dernier ne reçoit aucune condamnation pour faute de preuves d’utilisation des documents confidentiels.
Un deuxième Conseil Mondial extraordinaire s’organise le 13 septembre, durant lequel la FIA met en avant des preuves qui accablent McLaren et prouvent l’utilisation des informations récoltées grâce à la complicité de Fernando Alonso et Pedro de la Rosa qui ont accepté de témoigner contre leur propre équipe pour éviter des poursuites. En effet, les équipes d’intelligence économique de Ferrari ayant retrouvé des communications entre Nigel et les deux pilotes, ils auraient pu perdre leur licence pour piloter en Formule 1 s’ils avaient été reconnus coupables dans cette affaire.

Le Conseil Mondial reconnaît alors McLaren coupable de tricherie, d’espionnage industriel et de violation de la propriété intellectuelle et le condamne à payer une amende record de $100 millions. L’écurie est également exclue du championnat du monde des constructeurs, qui sera remporté par Ferrari avec Kimi Räikkönen.
 
La punition ne s’arrête pas là pour McLaren puisqu’au moment de sa condamnation, son président Ron Dennis révèle que l’écurie serait elle-même victime d’espionnage industriel par son concurrent Renault F1 Team, qui a été, en effet, reconnu coupable par la suite. Une situation ironique, au point qu’on ne peut s’empêcher de reprendre la fameuse expression « l’arroseur arrosé », un peu moqueuse, mais assez justifiable.
 
Cependant, une question demeure : à quoi la poudre blanche a-t-elle bien pu servir ?
 
 



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