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Tragique Pâques 1944




Publié par Solaine Legault le 17 Janvier 2018

L’Histoire des bombardements Alliés – un sujet en général rarement étudié de nos jours partout en Europe – a pu enfin être analysée en Serbie après des décennies de censure et de désinformation que le régime communiste et ceux qui lui ont succédé ont imposé à tout Historien qui s’est intéressé à la Seconde Guerre mondiale en Yougoslavie. A l’occasion de la parution de « Tragiques Pâques 1944 » de Miloslav Samardjic aux éditions Pogledi, l’auteur nous dévoile les aspects méconnus de cette période sur la base de documents de première main, en s’intéressant à cet événement qui a fait de Belgrade la seule capitale européenne bombardée aussi bien par les nazis que par les alliés en quelques années d’intervalle.



Un des paradoxes de la Seconde Guerre mondiale est que ce sont les Etats européens occupés ayant le plus résisté à Hitler qui ont le plus souffert de la part des Alliés : la Pologne, la France et le Royaume de Yougoslavie, plus précisément pour ce dernier, dans ses parties serbes.
En Serbie, du temps du pouvoir communiste, les bombardements Alliés étaient un tabou total, comme si ils n’avaient même pas eu lieu. Ils n’ont commencé à être évoqués qu’après la chute formelle du communisme en 1990. Mais ces voix qui l’évoquaient étaient principalement celles de l’opposition, puisque dans tous les domaines de l'historiographie les mêmes personnes qui s’y trouvaient avant 1990 ont été maintenues à leur poste après. Dis plus précisément, le pouvoir politique est resté dans les mêmes mains, seul le parti au pouvoir a changé son nom: au lieu de « Ligue des communistes de Serbie », il est alors devenu « Parti socialiste de Serbie ». La seule différence a été qu’une minorité des mandats parlementaires a échu à l'opposition. Mais, même les dirigeants de l'opposition avaient un passé communiste et avaient été des membres éminents du Parti communiste. La plupart d'entre eux ne voulaient pas, ou n’étaient pas aptes, à abandonner le discours (communistes) qu’ils tenaient jusqu’alors.

Fondamentalement, le même processus s’est joué après la « Révolution du 5 octobre » de l’an 2000. Quelques années seulement après cette « révolution », le Parti socialiste est revenu au gouvernement, et il est, de fait, de 1990 jusqu’à aujourd’hui, le parti politique qui est depuis le plus longtemps dans les structures dirigeantes du pouvoir en Serbie. Il est, par conséquent, le principal gardien de l’héritage communiste dans l’historiographie, même si ce n’est, bien entendu, pas le seul.
Ce qui gène essentiellement les communistes yougoslaves et leurs sympathisants aujourd'hui, c’est que le plus grand responsable de la destruction des villes serbes était leur chef et idole – Josip Broz Tito. En effet, les Alliés occidentaux ont décidé de cesser de soutenir le gouvernement yougoslave (en exil à Londres) et l'armée yougoslave (les Tchetniks sous le commandement du général Draja Mihaïlovic), pour reporter leurs efforts sur les formations armées du Parti communiste (les Partisans sous le commandement de Tito). De fait, les centres de renseignement et de décision en relation avec les alliés changent de main. Par voie de conséquence les cibles des avions Alliés changent également : au lieu de cibler les armées de l’Axe, Tito et ses associés dirigeaient les avions Alliés sur les villes serbes, qu’ils n’arrivaient pas à conquérir, parce qu'ils ne pouvaient pas vaincre les Tchetniks qui étaient essentiellement composés de Serbes.
A cette époque, le gros des forces des Partisans se trouvait au sud de Zagreb. Pour l’essentiel, il s’agissait de Serbes qui vivaient dans ces régions à l’ouest du Royaume de Yougoslavie, mais ils étaient commandés par des communistes Croates. Ces derniers ignoraient le fait que l'épine dorsale de Hitler dans les Balkans était « l’État Indépendant de Croatie » dont les forces armées étaient composées, jusqu’à la fin de la guerre, de la majorité des Croates aptes au combat. L'une des trois divisions croates de légionnaires s’était aussi battue sur le front de l'Est, et le plus grand camp d’extermination dans « l’État Indépendant de Croatie » – Jasenovac, connu comme « l’Auschwitz croate » où nombre de Serbes, mais aussi des Juifs et des Roms, ont été exterminés – a « fonctionné » pratiquement jusqu'à la fin de la guerre, c'est-à-dire jusqu'en mai 1945.
En dépit de tout cela, les communistes se sont fixé comme objectif principal de percer dans ce qui est aujourd’hui la Serbie. Ils envoyaient leurs exigences au quartier général de Tito, et Tito les transmettait aux Alliés. A l’opposé, Tito donnait des ordres aux communistes croates comme par exemple celui-ci: « Nous interdisons le bombardement même de la périphérie de Zagreb. » Les Alliés ont malgré tout bombardé des cibles militaires dans les environs de Zagreb, ainsi que celles d'autres villes croates. Mais « l'État Indépendant de Croatie» était bombardé comme s'il n’était pas partie intégrante de la machine de guerre du Troisième Reich – puisque les cibles principales des bombardiers étaient militaires.
Le but de cet ouvrage est de déterminer les raisons pour lesquelles plus de belgradois ont péri sous les bombes Alliées en 1944, que sous les bombes allemandes en 1941.

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L'auteur

Miloslav SAMARDJIC
Miloslav SAMARDJIC
Miloslav SAMARDJIC (1963- ) est journaliste, historien, éditeur et réalisateur de films documentaires. Son magazine Pogledi a été le premier hebdomadaire d’opposition dans la Yougoslavie socialiste, publié jusqu’à 200.000 exemplaires au numéro au début des années 1990. Dans les années 2000, les documents concernant la Seconde Guerre mondiale en Yougoslavie détenues essentiellement dans les Archives à Belgrade ont été déclassifiées et Samardjic effectue un immense travail d’historien. « Tragiques Pâques 1944 » est son deuxième ouvrage traduit en français. 


Tags : Serbie

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