Souveraineté aérienne : l’Irlande achète un système de radars français

Depuis plusieurs mois, l’Irlande travaille discrètement à la mise en place d’un dispositif de surveillance aérienne souverain, et, désormais, cette ambition se concrétise par une commande de système de radars auprès de l’industrie française. En effet, selon les informations confirmées par Army Recognition et par les autorités irlandaises, Dublin a approuvé une étude de faisabilité et retenu une approche de négociation de gouvernement à gouvernement avec Paris, sous l’égide de la Direction générale de l’armement française. Ainsi, cette décision vise à doter l’Irlande d’une capacité de détection autonome, alors même que le pays ne dispose actuellement d’aucun radar militaire à longue portée capable d’identifier les aéronefs non coopératifs.

Dans ce contexte, le choix de la France ne relève pas du hasard. D’une part, l’industrie française est reconnue pour son expertise dans les radars de surveillance aérienne et maritime. D’autre part, les discussions s’inscrivent dans une relation bilatérale renforcée, déjà illustrée par la récente livraison à l’Irlande d’un avion Falcon de Dassault Aviation, comme l’a rappelé BFMTV. Par conséquent, cette commande marque une rupture nette avec la tradition de neutralité irlandaise, tout en restant cohérente avec une approche strictement défensive, centrée sur la protection du territoire et non sur la projection de forces.

Le système de radars envisagé par l’Irlande ne se limite pas à un simple équipement isolé, mais repose sur une architecture globale et intégrée. Selon Army Recognition, le projet comprend trois volets distincts mais complémentaires : un radar terrestre à longue portée destiné à la surveillance de l’espace aérien, des systèmes de défense aérienne incluant une capacité de lutte anti-drones, et un radar maritime embarqué au profit du service naval irlandais. Ainsi, l’objectif affiché est de créer une image aérienne reconnue, appelée « Recognised Air Picture », capable d’identifier tous les aéronefs évoluant au-dessus du territoire irlandais, y compris ceux volant sans transpondeur.

Cette capacité est aujourd’hui inexistante en Irlande, qui dépend largement du Royaume-Uni pour le contrôle et la surveillance de son espace aérien. Dès lors, l’installation de ces radars permettra à Dublin de reprendre la main sur une fonction régalienne essentielle. Selon le Department of Defence irlandais, cette capacité est considérée comme prioritaire dans le cadre du plan national de développement des forces armées, un document stratégique qui encadre les investissements de défense à moyen et long terme, selon le communiqué officiel. En outre, la dimension anti-drones répond à l’évolution rapide des menaces, notamment l’utilisation croissante de drones à des fins de renseignement ou de perturbation, y compris au-dessus d’infrastructures critiques.

Sur le plan financier, la commande passée par l’Irlande représente un investissement sans précédent pour les forces de défense du pays. Selon The Irish Times, le montant du système de radars est estimé entre 300 millions et 500 millions d’euros. Ce coût élevé s’explique par la complexité du dispositif, par la multiplicité des capteurs, mais aussi par l’intégration des systèmes de commandement et de contrôle nécessaires à leur exploitation opérationnelle.

Cependant, cette dépense s’inscrit dans un cadre budgétaire plus large. En effet, le programme radar constitue l’un des piliers d’un plan d’investissement global de 1,7 milliard d’euros consacré au développement des capacités militaires irlandaises, comme l’a confirmé la ministre de la Défense, Helen McEntee, dans le communiqué officiel. À cette occasion, elle a déclaré que « le développement d’un programme de radar militaire pour l’Irlande est une action clé du plan national de développement de 1,7 milliard d’euros pour les forces de défense ». Par ailleurs, la ministre a également précisé que la voie de la négociation directe entre gouvernements était la seule jugée réaliste pour atteindre les objectifs opérationnels fixés, selon le même communiqué officiel.

Le calendrier, enfin, souligne l’urgence du projet. Selon les autorités irlandaises, la mise en œuvre complète du système de radars est prévue d’ici à fin 2028, tandis que certaines capacités, notamment la lutte anti-drones, devraient être opérationnelles avant juillet 2026, date à laquelle l’Irlande assurera la présidence du Conseil de l’Union européenne. Dès lors, cette commande dépasse la simple dimension technique et s’inscrit dans une volonté politique affirmée de renforcer la crédibilité sécuritaire de l’Irlande sur la scène européenne.