Diplomatie
L’Europe numérique en ligne de mire : SAP dévoile son plan
SAP, poids lourd allemand de l’édition de logiciels, a annoncé un investissement de 20 milliards d’euros sur dix ans pour développer une infrastructure cloud souveraine en Europe. Objectif : proposer une alternative crédible aux plateformes américaines comme Amazon Web Services, Microsoft Azure ou Google Cloud, tout en garantissant la sécurité, la localisation et le contrôle des données.
Un investissement colossal pour une souveraineté numérique intégrale
Ce plan d’investissement, dévoilé à la fin du mois d’août par SAP, marque une inflection stratégique majeure dans la trajectoire du groupe. Le montant alloué — 20 milliards d’euros, soit dix fois plus que les enveloppes antérieures — sera réparti sur une décennie. Il vise à consolider plusieurs briques technologiques :
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SAP Cloud Infrastructure : une offre IaaS (Infrastructure as a Service) hébergée exclusivement en Europe, basée sur des composants open source, conçue pour garantir la conformité avec le RGPD.
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SAP Sovereign Cloud On-Site : nouvelle option radicale, permettant à des administrations ou entreprises stratégiques d’installer les infrastructures cloud directement sur leur site, tout en bénéficiant d’une gestion assurée par SAP.
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Delos Cloud : solution dédiée au secteur public allemand, développée avec le concours des autorités fédérales pour garantir une autonomie technologique totale.
Dans un entretien relayé par Le Monde Informatique, SAP souligne que les entreprises garderont un « contrôle sur le destin de leurs données ». Cette ambition se traduit par une architecture excluant toute entité non européenne, renforcée par l’usage du SAP Data Custodian, outil de surveillance des accès et de transparence.
SAP contre les hyperscalers : une bataille géopolitique et industrielle
Derrière ce plan massif, SAP entend répondre à une exigence géopolitique européenne : reprendre la main sur les données, dans un monde où les « hyperscalers » américains imposent leurs standards. Cette ambition rejoint celle des projets GAIA‑X et des espaces de données sectoriels impulsés par la Commission européenne.
Le contexte est sensible. L’Europe cherche à sortir de sa dépendance technologique et à faire émerger une filière souveraine en matière de cloud et d’intelligence artificielle. SAP ambitionne de porter cette dynamique, en y intégrant des briques comme les modèles IA européens (par exemple Mistral AI) ou des outils d’analytique avancée.
Intelligence artificielle, centres de données et croissance ciblée
L’investissement couvre également l’ouverture de nouveaux centres de données en Europe, en particulier en Allemagne, France, Autriche, Suède et Espagne. Ces sites hébergeront les données dans le respect absolu des juridictions nationales, mais aussi des normes européennes à venir, comme le règlement européen sur l’IA (AI Act).
SAP souhaite ainsi renforcer la confiance des PME, ETI et organisations publiques, trop souvent dissuadées de migrer vers le cloud en raison de l'opacité ou de l'extraterritorialité juridique des offres américaines.
Le groupe prévoit également de doubler ses effectifs spécialisés dans le cloud souverain, avec 2 000 ingénieurs mobilisés à l’horizon 2027, selon les estimations d’analystes sectoriels rapportées par Computing.co.uk.
Une stratégie offensive alignée sur les valeurs européennes
SAP ne cache pas son ambition : devenir l’acteur de référence du cloud souverain en Europe, en s’appuyant sur une infrastructure opérable, traçable, résiliente et ouverte. Ce modèle vise à réconcilier performance technologique et souveraineté, deux notions longtemps jugées incompatibles.
Ce choix stratégique inscrit SAP dans une trajectoire inédite : celle d’un concurrent frontal aux hyperscalers américains, mais opérant sur un modèle d’ingénierie conforme aux valeurs, aux lois et aux besoins du continent européen.
