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Japon : l'armée au secours des villages – quand les ours deviennent une question de sécurité nationale




Publié par La Rédaction le 6 Novembre 2025

Face à une série d'attaques d'ours sans précédent ayant causé la mort de treize personnes, le Japon a pris une décision inédite : déployer ses forces d'autodéfense dans les zones rurales du nord. Derrière cette opération d'apparence locale, c'est toute la question de la sécurité intérieure, du dérèglement climatique et du déclin démographique qui s'invite dans le débat stratégique japonais.



Crédit : Pixabay
Crédit : Pixabay
Pendant des décennies, le Japon a vécu en relative harmonie avec ses ours, entre crainte respectueuse et fascination folklorique. Mais cette année, cette coexistence a tourné à la tragédie. Depuis le printemps, les attaques se sont multipliées dans le nord du pays, en particulier dans la préfecture d'Akita. Treize morts, plus d'une centaine de blessés : jamais le pays n'avait connu une telle série d'incidents. Dans la ville de Kazuno, les autorités locales ont dû reconnaître qu'elles ne pouvaient plus gérer la situation seules.

La raison de cette explosion d'agressivité animale est multiple. La raréfaction de la nourriture dans les forêts — glands, noix, baies — pousse les ours à s'aventurer de plus en plus près des zones habitées. Les changements climatiques, avec des étés plus secs et des automnes plus pauvres en ressources, aggravent le phénomène. À cela s'ajoute un autre facteur typiquement japonais : le dépeuplement rural. Dans les montagnes du nord, les habitants sont de plus en plus âgés, et le nombre de chasseurs capables d'abattre ou d'effrayer les ours s'est effondré. Là où autrefois on surveillait les lisières, les villages sont aujourd'hui sans défense.

Devant l'urgence, le gouvernement a autorisé le déploiement de la Japan Self-Defense Force (JSDF) dans plusieurs communes d'Akita. Les militaires n'ont pas pour mission de tuer les ours, mais d'appuyer les autorités locales : poser des pièges, transporter des chasseurs, surveiller les forêts par drones, sécuriser les zones résidentielles et épauler les secours. Une aide logistique avant tout, mais qui marque une évolution majeure dans la conception japonaise de la défense.

Le Japon, pays pacifiste par sa Constitution, n'emploie presque jamais ses forces armées pour des opérations intérieures. Leur présence dans cette crise environnementale traduit la montée d'une nouvelle forme de menace : la menace écologique et démographique, où les catastrophes naturelles, les dérèglements climatiques et les déséquilibres de population deviennent des enjeux de sécurité.

Plus largement, cette crise interroge la capacité de l'État japonais à protéger ses marges rurales. L'armée intervient là où les structures civiles s'effondrent — un scénario qui pourrait se répéter dans d'autres contextes : inondations, séismes, pandémies. À travers cette mission, Tokyo ne fait pas qu'envoyer des soldats ; elle envoie un message : la sécurité du pays ne se joue plus seulement sur ses frontières, mais au cœur même de ses territoires désertés.

À long terme, les experts appellent à repenser la gestion de la faune sauvage et à réinvestir dans les zones rurales. Former de nouveaux chasseurs, restaurer les forêts nourricières, réhabiliter les villages isolés — autant de mesures de prévention plus durables que la militarisation ponctuelle de la crise. Car si l'armée peut protéger, elle ne peut pas remplacer le tissu vivant des campagnes japonaises.

L'affaire des ours d'Akita n'est donc pas une anecdote exotique : c'est le signe avant-coureur d'un changement d'ère sécuritaire. Le Japon découvre, à ses dépens, que la guerre du XXIᵉ siècle n'est pas seulement celle des missiles, mais aussi celle des équilibres naturels rompus.
 



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