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Crise du recrutement militaire en Occident. Le cas américain, miroir d'un malaise plus large




Publié par La Rédaction le 25 Septembre 2025

En Occident, les armées peinent à attirer et retenir leurs soldats. Le problème n’est pas nouveau, mais il a pris une ampleur inquiétante ces dernières années, en particulier aux États-Unis, dont l’expérience éclaire aussi les difficultés européennes.



Un vivier qui se rétrécit

Le rapport QMA 2020 du Pentagone est sans appel : seuls 23 % des Américains de 17 à 24 ans remplissent les critères de base pour s’enrôler sans dérogation. Si l’on retire ceux engagés dans des études ou indisponibles, la proportion tombe à 12 %, et à peine 7 % sont considérés comme des recrues de “haute qualité académique”.
Autrement dit, la base de recrutement s’est effondrée en dix ans. Les causes sont multiples : surpoids, problèmes de santé mentale, consommation de substances, antécédents judiciaires. La démographie elle-même n’aide pas : moins de jeunes, et plus fragiles.
 
Des objectifs manqués, des solutions d’urgence

L’US Army a manqué ses objectifs de recrutement de près de 15 000 soldats en 2022 et 2023, du jamais vu depuis la fin du Vietnam. En 2024, le Pentagone a affiché un rebond (+12 %), mais il repose largement sur deux artifices :
  • le “Future Soldier Prep Course”, une remise à niveau de 90 jours pour des candidats jugés trop faibles physiquement ou scolairement ;
  • l’extension des waivers (dérogations) permettant d’intégrer des profils auparavant exclus.
Ces ajustements donnent un souffle, mais posent un problème de fond : abaisser les seuils peut garantir des chiffres à court terme, mais fragilise la cohésion et l’efficacité des forces sur le long terme.
 
Le désintérêt des jeunes générations

Même parmi les jeunes éligibles, peu veulent tenter l’aventure. Les sondages montrent qu’à peine 1 sur 10 se dit prêt à s’engager. Les raisons invoquées sont claires :
  • peur des blessures, du PTSD (Post-Traumatic Stress Disorder) ou de la mort 
  • crainte de la séparation familiale 
  • perception d’une carrière contraignante et peu compatible avec un projet de vie moderne.
Le lien “naturel” entre société et armée s’érode. Autrefois, le service militaire touchait une grande partie de la population ; aujourd’hui, la plupart des familles n’ont aucun lien direct avec les forces armées.
 
Un problème occidental, pas seulement américain

Les États-Unis sont le cas le plus documenté, mais le problème est partagé :
  • Allemagne : la Bundeswehr stagne autour de 180 000 militaires, loin de son objectif de 203 000, et un quart des nouvelles recrues quittent dès les six premiers mois.
  • Royaume-Uni : les effectifs actifs diminuent régulièrement, l’armée de terre est la plus touchée.
  • France : la Loi de programmation militaire fixe des ambitions élevées, mais les rapports publics alertent déjà sur les tensions de recrutement et de fidélisation.
  • Canada : la préparation opérationnelle plafonne à 60 %, le gouvernement a même dû ouvrir le recrutement aux résidents permanents.
 
Plus qu’une crise RH : un malaise de société

Cette crise n’est pas seulement une question de salaires ou de communication. Elle révèle un décalage structurel :
  • des sociétés vieillissantes, en meilleure santé économique, mais en moins bonne santé physique ;
  • des jeunes générations qui valorisent la liberté, la mobilité, la sécurité personnelle, bien plus que l’engagement collectif ;
  • des armées qui réclament discipline, disponibilité, endurance — tout le contraire.
Certaines nations explorent des réponses radicales : le Danemark a réintroduit la conscription pour les femmes, l’Allemagne envisage une forme de service obligatoire, les pays nordiques renforcent leurs réserves.
 
Conclusion 

La crise du recrutement en Occident n’est pas un accident conjoncturel : c’est le signe d’un fossé grandissant entre les armées et leurs sociétés. Les États-Unis en donnent l’exemple le plus net : malgré leurs budgets colossaux, ils ne parviennent plus à attirer suffisamment de jeunes aptes et motivés. À court terme, les armées bricolent (primes, dérogations, cours de rattrapage). À long terme, elles devront choisir : soit réinventer le contrat social armée-nation (via la réserve, le service obligatoire, de meilleures conditions de vie), soit accepter un affaiblissement durable de leur puissance militaire.
 


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