Des effectifs insuffisants et un matériel à bout de souffle

La Gendarmerie nationale aborde 2026 dans une position fragile. Malgré une enveloppe en hausse d’environ 200 millions d’euros, les besoins dépassent largement les moyens. Les créations de postes annoncées — 400 équivalents temps plein pour renforcer 58 brigades fixes et mobiles — ne compensent pas le retard accumulé depuis plus d’une décennie. Les effectifs restent inférieurs à ceux de 2007, alors que la population en zone gendarmerie a crû de plus de trois millions d’habitants.
Le ratio de gendarmes par habitant, autrefois de 3,2 pour 1.000, est tombé à 2,8. Cette érosion traduit une pression croissante sur le terrain. Les missions se multiplient, notamment en milieu rural et périurbain, sans que les moyens humains suivent. À cela s’ajoute une flotte automobile exsangue : il manque près de 10.000 véhicules pour garantir la rotation normale du parc. Faute de renouvellement suffisant, de nombreux véhicules dépassent leur durée de vie opérationnelle. Le constat est similaire pour les hélicoptères, dont certains dépassent les quarante ans d’âge.
Cette vétusté affecte directement la capacité d’intervention. Plusieurs sections aériennes ont dû fermer temporairement, réduisant la couverture du territoire. Sans une commande rapide de nouveaux appareils, la Gendarmerie risque de devoir choisir quelles zones resteront protégées. Ce scénario, jugé impensable il y a encore quelques années, devient désormais plausible.
Immobilier, loyers et réserve : les fissures d’un modèle à bout de souffle
Au-delà du matériel, l’immobilier représente un autre talon d’Achille. Le budget alloué à ce poste atteindra 352 millions d’euros en 2026, encore loin des 400 millions jugés nécessaires pour entretenir le parc domanial. Les casernes vieillissent, certaines devenant inadaptées aux standards actuels de sécurité et de confort. Le général Bonneau estime qu’un effort annuel équivalent à celui d’avant 2009 serait indispensable pour enrayer la dégradation des infrastructures.
Mais la véritable bombe à retardement réside dans la flambée des loyers. En quinze ans, la facture locative de la Gendarmerie nationale a plus que doublé, passant de 300 millions d’euros à 628 millions. Si rien n’est fait, elle pourrait atteindre un milliard d’euros d’ici dix ans. Pour enrayer cette spirale, le directeur général préconise un système de location avec option d’achat sur le long terme. Cette solution permettrait de réduire la dépendance au marché locatif privé et de stabiliser les dépenses immobilières.
La réserve opérationnelle, pourtant en plein essor, pâtit elle aussi du manque de moyens. En trois ans, les réservistes sont passés de 33.000 à 38.000, mais les crédits ne suivent pas. Faute de budget suffisant, nombre d’entre eux ne peuvent être engagés qu’une vingtaine de jours par an, bien loin du seuil de trente jours nécessaire à une réelle efficacité. Le général Bonneau estime qu’un budget d’au moins 150 millions d’euros serait requis pour exploiter pleinement ce vivier de volontaires.
Enfin, la gendarmerie mobile reste en surchauffe. Les escadrons sont sollicités bien au-delà des seuils d’engagement soutenables, notamment en outre-mer, où la moitié d’entre eux sont déployés en appui des forces locales. À terme, cette surcharge met en péril la formation, le repos et la capacité de réaction des unités.