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ArcelorMittal : Faut-il nationaliser la sidérurgie française aujourd’hui ?




Publié par La Rédaction le 27 Novembre 2025

Alors que le projet de loi visant à nationaliser ArcelorMittal France est examiné à l’Assemblée nationale, le débat fait rage entre ceux qui y voient la condition de la souveraineté industrielle et ceux qui craignent les risques économiques. Voici un tour d’horizon clair et factuel des enjeux en présence.



Les faits récents : vers un tournant industriel et social

Wikimédia Commons
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ArcelorMittal est aujourd’hui le principal acteur de la sidérurgie en France. Mais le groupe traverse une période particulièrement difficile. En 2025, il a annoncé la suppression de 636 postes sur l’Hexagone, dont près de 300 sur le seul site de Dunkerque.

Face à cette crise, plusieurs forces politiques et sociales ont proposé de nationaliser les sites français du groupe. Une proposition de loi portée par La France insoumise (LFI), cosignée par une partie de la gauche, vise à transférer la propriété des actifs sidérurgiques à l’État. Le texte a été adopté en commission des Finances de l’Assemblée nationale avant d’être programmé en séance publique le 27 novembre 2025.

Les partisans estiment que la nationalisation est nécessaire pour garantir la survie de l’industrie sidérurgique, maintenir des emplois, assurer la transition écologique et préserver la souveraineté nationale.

Ce débat s’inscrit dans un contexte plus large de désindustrialisation et de crise de la sidérurgie en Europe. Depuis les années 1980, le secteur sidérurgique en France et dans le bassin lorrain a été marqué par des fermetures d’usines, des suppressions massives d’emplois et une perte de compétitivité face à des concurrents mondiaux.


Arguments pour la nationalisation : souveraineté, emplois et transition écologique

Une des premières justifications avancées est la préservation de la souveraineté industrielle. L’acier est un matériau stratégique, essentiel pour l’automobile, le nucléaire, la construction navale, le ferroviaire, le bâtiment. Perdre ou affaiblir cette capacité de production nationale, c’est rendre le pays dépendant d’importations extérieures, potentiellement soumises à des chocs géopolitiques, des ruptures d’approvisionnement ou des hausses de prix.

Ensuite, la question de l’emploi pèse lourdement. Des milliers d’emplois directs et indirects pourraient disparaître si les sites ferment ou si la production est réduite drastiquement. Pour les syndicats et les salariés, nationaliser c’est garantir la préservation de ces emplois, loin des logiques de profit à court terme.

Enfin, la transition vers une sidérurgie décarbonée, c’est-à-dire un « acier vert », est souvent présentée comme une condition de survie de l’industrie sidérurgique en Europe. Or, selon les défenseurs de la nationalisation, ArcelorMittal n’aurait pas suffisamment investi pour assurer cette transition. Mettre l’État aux commandes pourrait permettre un plan de modernisation ambitieux, aligné avec les objectifs climatiques et industriels.

Pour ces partisans, la nationalisation apparaît comme le seul levier politique et légitime capable de conjuguer protection de l’emploi, souveraineté industrielle et exigence écologique.


Arguments contre la nationalisation : risques économiques et efficacité incertaine

Pour ses opposants, nationaliser ne suffit pas à résoudre les maux structurels de la sidérurgie européenne. Le secteur souffre d’une baisse de la demande au sein de l’industrie automobile européenne, des importations massives d’acier subventionné de pays extérieurs, et d’une concurrence internationale féroce. Même avec l’État aux commandes, ces facteurs externes pourraient continuer à fragiliser la production.

Le coût de l’opération représente un obstacle majeur. Selon certaines estimations, reprendre les actifs français du groupe pourrait coûter de l’ordre de plusieurs milliards d’euros — un montant important pour les finances publiques, surtout en période de contraintes budgétaires.

Il y a aussi la question de l’efficacité. Le président d’ArcelorMittal France lui-même a averti que changer l’actionnaire ne suffirait pas à garantir la viabilité des sites face aux défis structurels de l’industrie. Sans une stratégie commerciale claire, des débouchés durables et une adaptation aux évolutions du marché mondial, la nationalisation pourrait ne servir qu’à retarder l’inévitable.

Enfin, certains estiment que d’autres solutions — entrée partielle de l’État au capital, aides conditionnées à des investissements, accords européens de protection — pourraient offrir des compromis moins risqués que la nationalisation pure et simple, tout en encourageant la transition écologique.


Le débat sur la nationalisation d’ArcelorMittal France cristallise des enjeux majeurs pour l’industrie, l’emploi, l’environnement et la souveraineté nationale. D’un côté, la nationalisation apparaît comme une option pour sauver l’industrie sidérurgique, défendre les emplois, et engager une transition écologique stratégique. De l’autre, les défis structurels de la sidérurgie européenne et les incertitudes économiques rendent cette option risquée, coûteuse et potentiellement inefficace sur le long terme.

La décision qui sera prise le 27 novembre 2025 à l’Assemblée nationale aura des conséquences profondes, non seulement pour les salariés concernés, mais pour l’ensemble de la filière industrielle française.




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