Le 7 octobre 2025, la Direction générale de l'armement (DGA) a officiellement lancé le Pacte Espace, une initiative stratégique signée quelques mois plus tôt lors du Salon international de l’aéronautique et de l’espace (SIAE). Ce programme constitue un jalon essentiel dans la politique spatiale française, au moment où les enjeux de défense et de souveraineté se redéfinissent face à l’accélération du « New Space ». Selon le ministère des Armées, le Pacte Espace doit permettre de fédérer l’ensemble des acteurs du secteur, civils comme militaires, autour d’une ambition commune : assurer la maîtrise et la résilience de la France dans l’espace.
Un cadre inédit pour unifier la filière spatiale française
Le Pacte Espace n’est pas un simple protocole administratif. Il incarne une volonté politique forte de la part du ministère des Armées, représenté par la DGA, de structurer un partenariat durable avec l’écosystème industriel spatial. Signé le 17 juin 2025 au Bourget par le ministre des Armées, cet accord engage le ministère, le GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) et l’Alliance New Space France (ANF). Ensemble, ils visent à instaurer un dialogue continu et structuré pour anticiper les évolutions technologiques et répondre aux besoins opérationnels des forces.
Selon le communiqué officiel de la DGA, ce pacte associe également le CNES, l’ONERA et d’autres entités étatiques concernées par les enjeux spatiaux. En d’autres termes, il étend la coopération au-delà du cercle strictement militaire pour inclure les expertises civiles et scientifiques. Cette transversalité constitue un levier majeur pour consolider la place de la France dans le domaine spatial européen et mondial.
L’industrie spatiale française compte aujourd’hui plus de 60 000 emplois, répartis sur l’ensemble du territoire, couvrant toutes les étapes de la chaîne de production. Ce tissu industriel dense, fruit de plusieurs décennies d’investissement, bénéficie d’un nouvel élan avec le Pacte Espace. D’après Mer et Marine, ce programme vise à « croiser le besoin opérationnel et l'offre industrielle ». Il ambitionne également de favoriser des acquisitions plus agiles et réactives, tout en maintenant un noyau dur garant de la souveraineté nationale.
Un instrument de souveraineté et d’innovation piloté par la DGA
La DGA, bras armé du ministère des Armées en matière de programmes technologiques, occupe une place centrale dans ce nouveau dispositif. Présente depuis plus de 60 ans au cœur des programmes spatiaux, elle agit pour équiper les forces françaises tout en assurant la cohérence et la soutenabilité des projets. Dans le contexte du Pacte Espace, la DGA devient l’interlocuteur principal de la filière industrielle et des partenaires institutionnels.
Le Pacte Espace réunit d’ores et déjà plus d’une cinquantaine d’entreprises adhérentes, couvrant un large spectre : constructeurs de satellites, opérateurs de lancement, fournisseurs de composants et startups innovantes du New Space. En s’appuyant sur cette diversité, la DGA souhaite créer un cadre d’échanges favorisant la connaissance mutuelle entre l’État et les industriels, notamment sur les sujets d’innovation, de stratégie capacitaire, d’exportation et de coopération internationale.
Lors du lancement du 7 octobre, plusieurs intervenants ont souligné la dimension stratégique du projet. Selon les propos recueillis par Mer et Marine, le Pacte Espace doit permettre à la France d’anticiper les ruptures technologiques tout en consolidant ses capacités souveraines dans un domaine devenu critique pour la sécurité nationale.
Un dialogue pérenne entre l’État, les industriels et les forces
Au-delà de la simple coordination, le Pacte Espace se présente comme un outil de gouvernance et d’émulation. Il doit instaurer des passerelles entre les besoins opérationnels des forces armées et les offres industrielles émergentes. Ce dispositif s’inspire directement du Pacte Drones, lancé quelques années auparavant, dont le modèle de coopération a été salué pour son efficacité.
Comme le rappelle le compte-rendu n°77 de la Commission de la Défense de l'Assemblée nationale, le Pacte Espace favorise le dialogue entre la DGA et les industriels pour accélérer la mise en œuvre des technologies critiques. Cette approche collaborative repose sur des rencontres régulières, destinées à partager les priorités technologiques et à ajuster les trajectoires industrielles en fonction des besoins des forces.
Le programme s’articule aussi avec le Cercle de confiance Espace, piloté par le Commandement de l’espace (CDE) de l’armée de l’Air et de l’Espace. Ce cercle, chargé d’identifier et de formaliser les besoins opérationnels, travaille de concert avec les membres du Pacte pour garantir la cohérence entre la stratégie militaire et les capacités technologiques nationales.
Selon le ministère, cette synergie vise à faire émerger des solutions concrètes, rapides et résilientes, en conjuguant la réactivité du secteur privé et la rigueur institutionnelle de la DGA. Une orientation confirmée par les déclarations du GIFAS, qui estime que le Pacte Espace « renforce la visibilité et la prévisibilité des programmes spatiaux de défense, au bénéfice de toute la filière française ».
L’un des enjeux centraux demeure la souveraineté technologique. Dans un environnement où les infrastructures spatiales sont devenues des leviers stratégiques — communication, observation, navigation —, la maîtrise nationale des technologies critiques apparaît indispensable. Le Pacte Espace entend ainsi préserver cette autonomie tout en développant des coopérations ciblées à l’échelle européenne.
Une dynamique inscrite dans la durée
Le lancement du Pacte Espace intervient dans un contexte de forte accélération du secteur spatial mondial. Les investissements explosent, portés par l’émergence du New Space et par la multiplication des acteurs privés. Pour la France, cette évolution représente à la fois une opportunité et un défi. Grâce à la DGA, la mise en place d’un cadre concerté entre institutions, industriels et opérateurs publics devrait permettre de transformer cette mutation en avantage stratégique.
Comme l’indique le communiqué du ministère des Armées, « l’objectif est d’accompagner la réalisation concrète d’équipements au profit des forces via des acquisitions agiles et réactives ». Ce modèle d’agilité, au cœur du Pacte Espace, marque une rupture avec les schémas traditionnels souvent longs et rigides. En favorisant des circuits décisionnels plus rapides, la DGA souhaite répondre aux besoins opérationnels tout en maintenant l’exigence de souveraineté nationale.
Cette nouvelle gouvernance du spatial de défense, fondée sur la concertation, la transparence et l’innovation, pourrait devenir un modèle de référence pour d’autres secteurs technologiques sensibles. Pour la France, le Pacte Espace incarne à la fois une ambition industrielle, une nécessité stratégique et une réponse souveraine à un monde en mutation rapide.