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Jean-Michel Germa veut « s’inspirer du droit allemand pour aider nos PME à prospérer »




Publié par Romain Lambert le 26 Février 2014

En France, les PME peinent à se développer, souvent victimes des stratégies d’absorption des grands groupes. Contrairement à leurs homologues allemandes, elles ne bénéficient en effet d’aucune protection juridique efficace en cas de comportement préjudiciable de leur actionnaire majoritaire. D’où l’idée de Jean-Michel Germa de faire évoluer le droit français en la matière.



(Credit : freedigitalphotos.net
(Credit : freedigitalphotos.net
A la genèse du projet

Jean-Michel Germa est le fondateur de la Compagnie du Vent, pionnière dans le domaine de l’éolien. En 2007, à la recherche de fonds pour financer son développement, il fait entrer GDF-Suez au capital de son entreprise et signe un accord de partenariat avec l’entreprise de Gérard Mestrallet. La Compagnie du Vent est rapidement victime des décisions prises par son nouvel actionnaire majoritaire. De cette mésaventure, Jean-Michel Germa tire une observation : son cas est loin d’être isolé. Publié en 2010, le rapport Retailleau (1) fait d’ailleurs état du fait que seules 5% des entreprises françaises de plus de 500 salariés sont indépendantes. En cause, toujours selon le rapport : les grandes entreprises qui « veillent à ne pas laisser prospérer des entreprises suffisamment fortes pour leur faire concurrence ».  

Dès lors, et Jean-Michel Germa s’en inquiète, les PME sont dans une impasse : soit elles font entrer des grands groupes dans leur capital et risquent d’en pâtir, soit elles ne le font pas et manquent de fonds pour se développer. Un paradoxe qui est lié à un vide juridique : en France il est très difficile pour une PME ou un actionnaire minoritaire de se défendre face aux décisions contraires à leurs intérêts propres prises par un actionnaire majoritaire, agissant éventuellement dans une logique de groupe, voire de prédation. En effet ni la législation en matière de droit à l’information ou de procédures de recours, ni même les pactes d’actionnaires ne permettent aux PME de se protéger réellement dans un tel cas de figure (2).

Une situation aux conséquences préoccupantes

Or cette situation n’est pas sans conséquences sur l’économie et la compétitivité françaises. Jean-Michel Germa souligne que les ETI, les entreprises de taille intermédiaires, ne sont que 4600 en 2013, en recul par rapport à 2008 où elles étaient 5153. Pourtant PME et ETI sont les moteurs de la croissance : ce sont elles qui créent le plus d’emplois, loin devant toutes les autres catégories d’entreprises. Outre-Rhin en revanche, les ETI sont presque trois fois plus nombreuses (12500), et leur nombre est en progression. Elles représentent 90% de l’excédent commercial du pays - 170 milliards d’euros, quand la France fait face à un déficit record de l’ordre de 70 milliards. Un modèle dont Jean-Michel Germa souhaiterait que la France puisse s’inspirer.

Les rouages d’un capitalisme régulé

Il a ainsi été amené à constater que la législation allemande était beaucoup plus protectrice à l’égard des PME. Le pays permet par exemple déjà aux représentants des salariés de voter aux conseils d’administration, et dispose d’une banque publique d’investissement depuis 1948, quand son homologue français vient seulement d’être créée. Mais surtout, depuis la loi Aktiengesetz du 6 septembre 1965, l’Allemagne consacre la notion de « relation de dépendance » entre entreprises, qui, dès lors qu’elle est établie, implique une série de mesures de protection pour la société dépendante. En l’occurrence, elle interdit à la société dominante de causer un préjudice à la société contrôlée, sauf s’il est compensé, ou, à défaut, réparé auprès d’elle, et de ses actionnaires minoritaires. Pour Jean-Michel Germa, cette loi anti-prédation, qui « sert davantage de prévention que de répression », « explique en partie la réussite des PME et ETI allemandes ». A l’inverse, en France, les ETI « se trouvent confrontées à toutes les difficultés et ne parviennent pas à grandir ». Et cette mesure n’a, bien au contraire, aucune conséquence néfaste sur le niveau des investissements : « de fait, les grands groupes investissent quand même massivement dans les PME, mais les laissent croitre sur leurs territoires respectifs », précise-t-il.

Pour une révision du droit français

C’est pourquoi Jean-Michel Germa milite désormais activement pour que le droit français s’inspire de ces dispositions aux conséquences positives sur la vie économique locale. Il propose donc que soit adoptée une loi obligeant ceux qui contrôlent une société à réparer les dommages des décisions prises à l’encontre des intérêts propres de cette société, auprès d’elle et des autres associés ou actionnaires minoritaires. Il est rejoint dans son action par un ensemble de chefs d’entreprises, et de parlementaires de tous horizons politiques. « Il s’agit de faciliter la croissance de nos PME en attirant des grands groupes mais sans freiner les dynamiques locales au profit des situations internationales, notamment les délocalisations », détaille André Deljarry, président de la CCI de Montpellier, lui aussi porteur du projet.

Car comme ils l’expliquent dans une tribune publiée en juin dernier (3), pour Jean-Michel Germa et ceux qui l’accompagnent dans ce combat, l’objectif est que la France puisse s’appuyer sur son tissu de PME pour renouer avec la compétitivité, autour de « partenariats vertueux »,  gagnant-gagnant,  entre grands groupes et petites entreprises.
 
(1) http://www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/9782110081629/
(2) Voir à ce sujet l’article de Sophie Schiller et Fabrice Patrizio paru dans le recueil Dalloz du 20 décembre 2013 : http://www.dalloz-actualite.fr/revue-de-presse/minoritaires-sacrifies-dans-entreprises-de-taille-intermediaire-20131219#.UrbokuI-ejU  
(3) http://www.lopinion.fr/21-juin-2013/proteger-favoriser-croissance-pme-francaises-1303
 



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