Depuis sa chute, le régime d’Assad ne commande plus Damas. Le basculement de décembre 2024 — lorsqu’il a fui vers la Russie — a engendré une reconfiguration du pouvoir en Syrie, avec la montée d’Ahmed Al-Chareh, ancien responsable rebelle issu de la mouvance Hayat Tahrir al-Cham.
La visite de Chareh à Moscou serait la première à ce niveau depuis la chute du régime, et la demande de remise d’Assad s’inscrit dans un geste fort de légitimation. Certains observateurs estiment que cette démarche vise à couper les ponts avec l’ancien régime, à dissiper les doutes quant à la nouvelle gouvernance et à soustraire la Russie à une position de protecteur inconditionnel.Stratégiquement, la Russie dispose d’intérêts majeurs en Syrie : la présence navale à Tartous, la base aérienne de Hmeimim et une influence dans le Levant. Tout geste brusque pourrait altérer sa posture régionale, pousser Damas vers d’autres partenaires (Turquie, Iran) ou inciter des demandes similaires dans d’autres contextes de conflit.
La France — qui a déjà lancé un mandat d’arrêt contre Assad pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans le bombardement du centre de presse de Baba Amr en 2012 — pourrait relancer la pression diplomatique si la demande syrienne trouve un écho international.
Risques, opportunités et scénarios possibles
Scénario 1 : Moscou accepte la remise
Cela constituerait un renversement spectaculaire : Assad serait exposé à un procès devant les nouvelles autorités syriennes (ou devant des juridictions internationales). Moscou pourrait négocier des immunités ou garanties en échange, mais cela fragiliserait son image.
Scénario 2 : Moscou refuse fermement
La Russie pourrait invoquer le principe de non-extradition pour des raisons de sécurité ou diplomatiques. Cela creuserait un fossé avec Damas, affaiblirait l’influence russe, et pourrait pousser la Syrie vers des alliances alternatives, notamment avec l’Iran ou la Turquie.
Scénario 3 : compromis symbolique
Moscou pourrait proposer une “communication limitée” — la remise de certains biens, archives, ou membres du clan Assad — sans livrer l’ancien président lui-même. Cela permettrait de sauvegarder une façade de coopération tout en protégeant ses intérêts stratégiques.
Pour ENDERI, cette évolution mérite d’être surveillée à plusieurs niveaux :
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Renseignement : la demande de remise est un acte politique fort, révélateur des priorités du nouveau régime et de ses moyens de pression.
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Stratégie militaire : si la Russie accepte, cela pourrait signifier une reconfiguration des alliances militaires syriennes, et un tournant dans la présence russe sur le terrain.
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Diplomatie et justice internationale : Paris et d’autres capitales pourraient relancer des initiatives judiciaires, renforcer la pression sur la Russie et impulser un tribunal spécial pour les crimes commis sous Assad.
Ce mercredi, Damas ne formule pas seulement une requête : il lance un défi à Moscou, interroge la légitimité du passé et cherche à dessiner l’image d’un nouveau régime prêt à rompre définitivement avec les ombres d’Assad.