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Accord de défense entre le Pakistan et l'Arabie saoudite : l'émergence d'un parapluie nucléaire implicite au Moyen-Orient




Publié par La Rédaction le 29 Septembre 2025

Le 17 septembre 2025, le Pakistan et l’Arabie saoudite ont signé un accord de défense mutuelle marquant un tournant stratégique dans la géopolitique du Moyen-Orient. Le pacte, qualifié de "stratégique", engage les deux États à se soutenir mutuellement en cas d’agression. Si l’accord en lui-même reste relativement classique dans sa formulation, les signaux politiques et médiatiques qui l’accompagnent laissent entrevoir une dimension bien plus lourde de conséquences : la possible extension d’un parapluie nucléaire pakistanais à l’Arabie saoudite.



Les deux pays ont depuis longtemps tissé des liens solides en matière de défense, d’assistance militaire et de coopération stratégique. L’armée pakistanaise forme régulièrement des officiers saoudiens, et des militaires pakistanais ont été déployés à plusieurs reprises sur le sol saoudien à des fins de protection ou de conseil. Mais jamais jusqu’à présent cette coopération n’avait été formalisée par un pacte de défense mutuelle aussi explicite. À l’arrière-plan de cet accord, un élément domine : la puissance nucléaire du Pakistan. État officiellement doté de l’arme atomique depuis les essais de 1998, le Pakistan est aujourd’hui considéré comme l’un des pays les plus actifs en matière de modernisation de son arsenal, avec une doctrine d’emploi ambiguë mais résolument dissuasive.

Dans le contexte actuel de tensions régionales, l’idée que Riyad puisse bénéficier de la dissuasion nucléaire pakistanaise n’a rien d’anodin. L’accord survient après une série d’incidents et de frappes ayant touché le Qatar, provoquant un émoi dans les monarchies du Golfe et une inquiétude croissante quant à la capacité des États-Unis à continuer de garantir leur sécurité comme par le passé. Le retrait progressif de Washington de certains théâtres d’opération, conjugué aux priorités changeantes de sa politique étrangère, a poussé les acteurs régionaux à rechercher des partenariats alternatifs pour assurer leur défense à long terme.

Officiellement, le texte de l’accord n’évoque pas la question nucléaire. Toutefois, plusieurs déclarations d’officiels pakistanais ont laissé entendre que cette alliance pourrait inclure une dimension dissuasive. Un haut responsable militaire a ainsi déclaré que "toute attaque significative contre l’Arabie saoudite serait perçue comme une attaque contre nous-mêmes", dans une formule qui évoque le langage habituellement utilisé par les États dotés d’armes nucléaires pour protéger leurs alliés. Certains médias régionaux ont également rapporté que des consultations stratégiques entre les deux pays portaient sur les scénarios d’ultime recours, sans que ces allégations n’aient été formellement confirmées.

Pour l’Arabie saoudite, l’intérêt de cette alliance est évident. Depuis plusieurs années, le royaume tente de renforcer ses capacités de défense et de se positionner comme un acteur de poids sur la scène régionale. L’hypothèse d’un développement autonome d’un programme nucléaire militaire a parfois été évoquée à demi-mot par des responsables saoudiens, mais elle se heurterait à des obstacles techniques, diplomatiques et juridiques importants. S’appuyer sur un partenaire déjà doté de l’arme nucléaire, comme le Pakistan, offre une solution alternative plus rapide, discrète, et moins coûteuse sur le plan politique international.

Pour Islamabad, cet accord représente une opportunité de renforcer son poids stratégique et de s’imposer comme une puissance incontournable du monde musulman. Il offre aussi au Pakistan des perspectives de coopération renforcée en matière de défense, d’investissements saoudiens et d’assistance économique, dans un contexte où son économie reste fragile. Ce rapprochement pourrait également servir les intérêts pakistanais en matière de diplomatie régionale, en lui offrant un levier supplémentaire dans ses relations avec l’Iran ou avec l’Occident.

Cependant, cette alliance soulève des inquiétudes majeures. Du point de vue du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), dont l’Arabie saoudite est signataire, toute forme de protection nucléaire par procuration pourrait être perçue comme une violation de l’esprit, sinon de la lettre, du traité. La question se pose aussi de la crédibilité réelle d’une dissuasion nucléaire partagée : en l’absence de bases permanentes, de commandement intégré ou de vecteurs déployés, peut-on réellement parler de parapluie nucléaire opérationnel ? La dissuasion implicite repose ici sur l’ambiguïté et sur la volonté d’influencer les calculs stratégiques adverses, notamment ceux de l’Iran et d’Israël.

Les réactions internationales à cet accord restent prudentes. Les États-Unis n’ont pas publiquement critiqué l’initiative, mais leur silence traduit une certaine gêne. Quant à Israël, qui voit se dessiner un axe nucléaire islamique informel, l’accord est perçu comme un élément potentiellement déstabilisateur. L’Iran, de son côté, a dénoncé ce qu’il appelle "une provocation dangereuse", tout en renforçant sa propre posture militaire dans le Golfe.

L’accord entre le Pakistan et l’Arabie saoudite ouvre donc une nouvelle phase dans la sécurisation du Moyen-Orient. Il formalise une alliance de fait, mais introduit surtout une dimension stratégique inédite : la dissuasion nucléaire implicite dans une région historiquement marquée par l’asymétrie et les conflits de haute intensité. Sans dire son nom, le parapluie nucléaire pakistanais pourrait bien devenir l’élément clé d’un nouvel équilibre régional, précaire, incertain, mais déjà en train de s’imposer.



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