Vente de F-35 à Riyad : un pari stratégique pour les États-Unis



Publié par Jehanne Duplaa le 6 Novembre 2025

Washington pourrait approuver la vente de chasseurs F-35 à l’Arabie saoudite, une décision lourde de conséquences pour l’équilibre stratégique au Moyen-Orient. Ce contrat potentiel, examiné par le Pentagone, placerait Riyad parmi les puissances aériennes les plus modernes de la région et redessinerait les alliances bâties depuis des décennies autour du parapluie américain.



Le 4 novembre 2025, le dossier a franchi une étape clé : la demande de l’Arabie saoudite visant à acquérir jusqu’à 48 chasseurs-bombardiers F-35 a été jugée « réalisable » par le Pentagone, ce qui active un processus d’approbation, révèle Reuters . Or, l’avion F-35, symbole de supériorité technologique américaine, est au centre d’un débat complexe mêlant géopolitique, économie et droit du travail dans l’industrie de l’armement.

Le dossier F-35 à Riyad : une étape décisive pour Washington et Lockheed Martin

Le F-35 est bien plus qu’un simple avion : c’est une vitrine technologique et un instrument d’influence. L’administration américaine évalue actuellement une demande saoudienne portant sur 48 exemplaires du F-35A, version conventionnelle du chasseur multirôle de cinquième génération. Le contrat, estimé à plusieurs milliards de dollars, impliquerait le constructeur Lockheed Martin et ses sous-traitants américains.

Ce type de vente est soumis à une procédure stricte : validation du Département de la Défense, avis de la Maison-Blanche, puis notification au Congrès. Selon Reuters, aucune autorisation finale n’a encore été accordée, mais les discussions ont franchi une « étape clé ». Pour les industriels américains, ce projet représente un levier de croissance considérable. Lockheed Martin, déjà bénéficiaire d’une forte demande mondiale, a récemment revu à la hausse ses prévisions pour 2025, dopées par la progression de ses ventes d’aéronefs de combat.

Au-delà de l’aspect financier, l’opération renforcerait la présence américaine dans le Golfe et consoliderait les liens stratégiques entre Washington et Riyad, partenaires historiques dans la défense et la sécurité énergétique.


Une vente à hauts risques géopolitiques

La vente des F-35 à l’Arabie saoudite modifierait l’architecture militaro-stratégique du Moyen-Orient. Premièrement, Riyad deviendrait après Israël un des rares pays de la région à disposer de cet appareil furtif. Deuxièmement, ce changement pourrait encourager d’autres acteurs régionaux (Iran, Turquie, Émirats) à réévaluer leurs capacités et alliances.

Du point de vue de l’Arabie saoudite, l’acquisition du F-35 s’inscrit dans le cadre de son plan de modernisation militaire et économique, notamment le programme Vision 2030 porté par le prince héritier Mohammed bin Salman : ce programme vise à réduire la dépendance au pétrole et à renforcer les capacités ‎techniques du royaume, rappelle Reuters.

Ensuite, du côté américain, cette transaction pourrait renforcer l’influence de l’administration Trump au Moyen-Orient en consolidant le partenariat avec Riyad et en contre-balançant l’influence iranienne. Enfin, l’Arabie saoudite pourrait être amenée à normaliser ses relations avec Israël ou à accepter certaines contraintes pour obtenir les F-35, même si ce point reste flou.


Économie, emploi et implications pour la France Travail

Si elle se concrétise, la vente des F-35 à l’Arabie saoudite marquerait un tournant régional majeur. Jamais un pays arabe n’a encore eu accès à cet appareil furtif, symbole de la suprématie aérienne occidentale. Selon La Libre Belgique, Israël observe de près l’évolution du dossier : l’État hébreu craint une remise en cause de sa supériorité militaire qualitative, garantie depuis des décennies par les États-Unis.

Cette transaction pourrait également reconfigurer les rapports de force avec l’Iran et la Turquie, deux puissances régionales aux ambitions militaires croissantes. Pour Riyad, il s’agit d’intégrer le F-35 dans une vision stratégique plus large : moderniser ses forces armées, réduire sa dépendance aux équipements européens et diversifier ses partenaires industriels. Ce projet s’inscrit dans le cadre de la politique Vision 2030, qui vise à développer un complexe militaro-industriel national capable de produire et entretenir une partie du matériel sur place.

Du côté américain, les considérations politiques ne sont pas moins sensibles. L’administration Trump, soucieuse de maintenir l’influence de Washington au Moyen-Orient, cherche un équilibre entre expansion commerciale et stabilité régionale. L’enjeu consiste à répondre aux attentes saoudiennes sans fragiliser les accords sécuritaires conclus avec Israël ni raviver les tensions diplomatiques avec Téhéran.


Enjeux industriels et compétition mondiale dans l’aéronautique de défense

La perspective d’une livraison de F-35 à l’Arabie saoudite s’inscrit dans un contexte de rivalité accrue entre les grands constructeurs d’avions de combat. Le programme F-35, déjà adopté par 17 pays, représente à lui seul plus de 3 000 unités prévues à la production d’ici 2040. Pour Lockheed Martin, l’ouverture du marché saoudien constituerait une opportunité majeure, renforçant sa domination face à Dassault Aviation (Rafale) et au consortium Eurofighter (Typhoon).

Toutefois, les implications dépassent la simple concurrence industrielle. Selon Taghrib News, cette vente serait accompagnée d’un transfert partiel de technologies et d’un plan de formation pour les forces aériennes saoudiennes. Une telle coopération pourrait faire émerger un pôle régional de maintenance et de soutien, réduisant la dépendance du royaume envers les bases américaines.

Pour l’industrie de défense mondiale, ce type de contrat stimule la recherche et l’emploi hautement qualifié, depuis les ingénieries de conception jusqu’à la cybersécurité embarquée. En revanche, il accentue la polarisation du marché autour de quelques géants capables de supporter les coûts colossaux liés à la conception d’appareils de cinquième génération. En filigrane, cette évolution redéfinit la notion même d’autonomie stratégique, aussi bien pour les États clients que pour leurs fournisseurs.


Dans la même rubrique :