Ukraine : Les batteries rechargeables, nouvelles munitions du champ de bataille



Publié par Paul-Gabriel LANTZ le 8 Décembre 2025

Sur les lignes de front ukrainiennes, les stations de recharge portables alimentent silencieusement drones, systèmes Starlink, radios et équipements de vision nocturne. Une batterie déchargée peut isoler une unité entière ou rendre inopérants des drones essentiels. Depuis 2023, ces solutions — de la station civile EcoFlow aux modules tactiques développés par Temerland — se sont imposées comme un outil aussi indispensable que les munitions.



L’émergence d’une logistique électrique de première ligne

Au fil des offensives et des replis, l’armée ukrainienne a intégré l’énergie portable comme une nouvelle contrainte opérationnelle. Les stations EcoFlow Delta, River ou Delta Pro, financées dès 2022 par des ONG et des municipalités, ont fourni des capacités de 500 Wh à plus de 3,6 kWh, permettant d’alimenter simultanément drones, optiques et terminaux satellitaires. Des organisations comme People’s Project ou le European Resilience Initiative Center ont documenté l’achat massif de ces équipements, devenus rapidement un standard logistique pour les brigades frontales.

Les fabricants civils au service de l’effort militaire

EcoFlow a dominé les dons et achats civils, mais d’autres acteurs se sont imposés. Bluetti, avec son modèle EB70 (716 Wh / 1 000 W), est utilisé dans plusieurs unités. En parallèle, l’industrie ukrainienne a réagi : le groupe Temerland, connu pour ses UGV, a développé des stations blindées destinées aux opérateurs drones, conçues pour résister aux chocs, à la poussière et aux variations de température. La combinaison d’équipements commerciaux et de solutions nationales illustre la rapidité d’adaptation d’un front où chaque watt compte. Les besoins croissants en transmissions sécurisées, vols FPV répétés et observation thermique ont transformé la gestion énergétique en compétence essentielle du combattant moderne.

Les limites d’un outil devenu indispensable

Si ces stations renforcent la mobilité et la résilience des unités, elles introduisent aussi des fragilités. Les capacités de recharge restent limitées en période d’activité intense, et l’usage de panneaux solaires dépend de la météo comme de la discrétion tactique. L’usure, humidité, poussière, chocs répétés, réduit progressivement la fiabilité des batteries civiles, tandis que les stations volumineuses peuvent exposer une position à l’observation thermique ennemie. La dépendance énergétique des unités, inversement proportionnelle à leur autonomie tactique, impose une hiérarchisation stricte entre drones, communications et systèmes d’assistance nocturne. La maintenance régulière est désormais intégrée aux routines opérationnelles, au même titre que la vérification des armes et des optiques.
 
L’énergie portable est devenue un pilier de la guerre moderne en Ukraine : elle conditionne la capacité de voir, de communiquer et de frapper. Si ces stations apportent une agilité décisive, elles créent aussi une dépendance nouvelle, obligeant armée et industrie à développer des solutions plus robustes, silencieuses et autonomes. Sur un champ de bataille dominé par les drones et l’électronique, la maîtrise du kilowatt est désormais un facteur de supériorité tactique.


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