Réarmement : le marché de la défense séduit près d'une entreprise sur deux



Publié par Jehanne Duplaa le 9 Octobre 2025

Près d’une entreprise sur deux envisage désormais d’intégrer le secteur de la défense, révèle une étude inédite de Bpifrance Le Lab. Ce mouvement traduit l’attrait croissant du tissu économique français pour un domaine stratégique, porteur d’innovation, mais encore freiné par de lourdes contraintes structurelles.



Le 8 octobre 2025, Bpifrance Le Lab a publié une étude nationale baptisée Aux armes, dirigeants ?, réalisée auprès de 1 700 start-up, PME et ETI françaises. Cette dernière révèle une tendance de fond : la défense attire de plus en plus d'entreprisesséduites par un marché en forte expansion dans un contexte de réarmement mondial.

Une étude révélatrice du virage économique vers la défense

Selon Bpifrance Le Lab, 43 % des entreprises encore extérieures au secteur de la défense souhaiteraient s’y développer, tandis que 94 % des sociétés déjà présentes désireraient renforcer leur position. L'étude s’appuie sur un échantillon représentatif de 1 700 structures, réparties sur l’ensemble du territoire, et ces chiffres traduisent une ambition croissante, liée à l’ampleur du plan de réarmement européen et aux perspectives de croissance.

Parmi les entreprises sondées, 45 % opèrent déjà dans la défense, secteur désormais perçu comme moteur de résilience et d’innovation. Cette appétence s’explique par la trajectoire de l’effort militaire : l’OTAN vise à porter les dépenses de défense à 3,5 points du PIB d’ici 2035, contre environ 2 % aujourd’hui. Pour la France, cette montée en puissance suppose une croissance annuelle de 7,6 % hors inflation pour les chiffres d’affaires liés à la défense et un besoin de financement évalué à 15 milliards d’euros, dont 5 milliards de fonds propres et 10 milliards de dette, selon les données de Bpifrance.

Cette perspective attire particulièrement les entreprises technologiques et exportatrices. Comme le souligne l'étude, celles qui souhaitent rejoindre le secteur se distinguent par une croissance supérieure de 10 à 20 points à la moyenne nationale. Les start-up représentent 14 % des entreprises intéressées par la défense, contre 9 % pour celles qui ne visent pas ce marché. Ce profil innovant correspond à la volonté des acteurs publics de stimuler la base industrielle et technologique de défense, pilier du redéploiement stratégique français.


Des ambitions fortes, ralenties par les contraintes du marché de la défense

Toutefois, si la défense suscite un engouement certain, le secteur demeure exigeant, difficile d’accès pour les nouveaux entrants. L'étude relève que 73 % des dirigeants extérieurs à la défense peinent à se faire identifier par les donneurs d’ordre. Ce déficit de visibilité constitue un premier frein.

Viennent ensuite la complexité des appels d’offres (44 % des sondés), la difficulté à nouer des partenariats stratégiques (34 %) et la longueur des cycles de recherche et développement (13 %). L’ampleur des investissements initiaux dissuade également 16 % des entreprises. Ces obstacles traduisent la spécificité du secteur, soumis à des normes strictes de certification, de sécurité et de souveraineté technologique.

Néanmoins, les dirigeants interrogés soulignent les retombées positives : une stabilité des commandes publiques, une visibilité budgétaire à long terme et un potentiel d’exportation renforcé. « Les entreprises qui veulent pénétrer le marché sont plus innovantes, plus exportatrices et plus croissantes », précise l'étude. Cet alliage entre innovation et défense pourrait, à terme, consolider la place des PME et ETI françaises dans les chaînes de valeur stratégiques.


Un écosystème en construction et des soutiens publics renforcés

Pour lever ces freins, l’État et Bpifrance multiplient les instruments de soutien. Le lancement du fonds Bpifrance Défense, doté de 450 millions d’euros, illustre cette volonté d’accélérer le financement des entreprises du secteur. Accessible aux particuliers à partir de 500 euros, ce fonds investira dans des sociétés non cotées spécialisées dans la cybersécurité, les drones, l’aéronautique ou l’imagerie spatiale, d'après les informations de Reuters.

D’autres dispositifs complètent cette architecture : le Prêt DEF’FI, destiné à financer les besoins immatériels et matériels des PME de la défense ; le Diag Cybersécurité Défense, pour évaluer les vulnérabilités numériques ; et l’Accélérateur Défense, programme d’accompagnement stratégique pour les sous-traitants et fournisseurs. Ces initiatives visent à créer un environnement propice au développement des entreprises, à renforcer les liens avec les donneurs d’ordre et à fluidifier les relations industrielles.

La dimension territoriale constitue un autre levier d’avenir. Selon un rapport de la Caisse des Dépôts, la structuration de « clusters de défense régionaux » permettrait de soutenir la montée en cadence des PME et d’ancrer localement la chaîne de production. Dans certaines régions, cette dynamique est déjà visible : à Bourges, par exemple, plusieurs sites industriels liés à la défense ont triplé leurs recrutements en deux ans, relève Le Monde.


Des perspectives prometteuses pour la filière française

L’étude de Bpifrance Le Lab montre que le tissu entrepreneurial français est prêt à s’engager plus massivement dans la défense, perçue comme un secteur d’avenir à la croisée de l’industrie, de la technologie et de la souveraineté nationale. Cependant, la réussite de ce mouvement dépendra de la capacité des acteurs publics à simplifier les accès, renforcer les financements et mieux connecter les PME aux grands maîtres d’œuvre.

Si les ambitions se concrétisent, cette mutation pourrait repositionner la France parmi les nations européennes les plus dynamiques en matière de réarmement industriel. Pour nombre d’entreprises, la défense n’est plus un domaine réservé, mais un véritable accélérateur de transformation économique.


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