Rafale au Brésil : fin de l’ascenseur émotionnel ?



Publié par Adrien Morin le 13 Décembre 2013

La Força Aérea Brasileira, l’armée de l’air brésilienne, suscite de nombreux espoir chez Dassault aussi bien qu’au ministère de la Défense depuis 2009. C’est en effet suite à son appel d’offre que le Rafale s’est placé en bonne position pour être exporté, et ce pour la première fois. Mais les négociations piétinent toujours aujourd’hui. Et l’accord tarde à être enfin signé. C'est oui ou c'est non ?



Hors catégorie ?

(crédit : Konstantin von Wedelstaedt)
L’appel d’offre lancé par l’armée de l’air brésilienne, baptisé F-X2, vise à remplacer une flotte vieillissante composée en grande partie d’une quarantaine de F-5 américains. Face aux F-18 Super Hornet et au JAS-39 Gripen, l’avion français avait su en 2009 convaincre les autorités politiques du pays, à tel point que le président Lula avait signé un préaccord. Mais dans un contexte politique brésilien particulier, l’accord est finalement reporté. Au point de s’enliser. Pourtant, pour vendre leur avion, Dassault ainsi que le ministère de la Défense avaient fait des concessions considérables, notamment en termes de transfert de technologique. Mais invoquer le contexte politique et les calculs économiques, qui sont des paramètres certes déterminant dans une négociation de ce type, permet d’éluder trop facilement la question militaire et stratégique. Le Rafale n’a pas séduit les militaires brésiliens. Ce sont pourtant les mêmes qui ont acquis d’occasion en 2005 12 exemplaires du Mirage 2000, à titre de solution temporaire, qui devraient d’ailleurs être retirés du service à la fin de l’année 2013. Mais voilà, le Rafale, chasseur multi-rôle de conception très récente, est d’une autre catégorie, et d’aucuns doutent de sa réelle utilité au sein de l’armée brésilienne. Disproportionné par rapport aux besoins de l’aviation brésilienne et aux aspirations militaires du pays ? Le profil du chasseur multi rôle est-il réellement adapté ? C’est ce que certains cadres de cette armée ont laissé entendre. Par ailleurs, opter pour tel modèle d’avion implique bien plus que le seul avion en lui-même.

Un avion, c’est un système

La question de l’interopérabilité se pose en effet d’ordinaire entre armées de différentes nations. Or, la question de l’interopérabilité pourrait ici faire sens au sein même de l’armée de l’air brésilienne. Le fait est que ce pays n’a pas fait le choix de modèles ou d’avionneurs particuliers. En résumé, en termes de matériel, l’armée brésilienne est protéiforme. Américains, russe, britannique, brésilien, français… Il n’y a pas eu d’orientation, de direction strictement donnée par le pouvoir politique, sous la dictature comme depuis le début de l’ère démocratique. Or, précisément, un avion n’est qu'une composante d’un système complexe : il suppose un armement spécifique, mais aussi un système de ravitaillement et de maintenance. Par conséquent le degré de compatibilité qu’il présente avec les moyens déjà à disposition est capital, en particulier quand il s’agit d’un contrat à 4,5 milliards d’euros. La frilosité brésilienne à propos de ce renouvellement de matériel peut donc en partie s’expliquer par le fait que quel que soit l’appareil sélectionner, cela suppose une orientation déterminante pour l’armée de l’air ainsi qu’un partenariat sur le long terme entre les deux pays concernés. Étant donné le récent rafraichissement des rapports entre le Brésil et les États-Unis, on peut douter que le choix s’oriente vers le F-18. En revanche, le Sukhoi 35, écarté prématurément de la course, pourrait tout aussi bien, au terme d’un énième rebondissement, faire son retour dans la compétition. Le Gripen, moins performant mais bien moins cher peut également encore séduire. 

Le vendre, mais à quel prix ?

Enfin, la question de la vente du Rafale doit également être soumise à la question des concessions que sont en mesure d’effectuer les Français. L’accord de 2009 prévoyait ainsi un transfert de technologie intégral : il comprenait l’accès aux différents codes permettant de configurer l’appareil et ses interfaces. Fait relativement rare dans l’industrie militaire moderne. L’obsession de la vente du Rafale qui anime le gouvernement et Dassault tient au coût initial de l’appareil et au nombre de commande passées initialement par la France qui s’est rétracté. D’ici 2019, 66 nouveaux appareils auront été produits, et seuls 26 seront livrés à l’armée de l’air et à la marine nationale. En outre, si les 40 appareils dont la production est prévue sur les chaines de montage de Dassault ne trouvent pas preneurs, l’État se verra obligé de s’en équiper, à 100 millions d’euro l’unité. Soit environ 4 milliards de dollars à prévoir en plus pour le budget de la défense. Ce qui s’annonce difficile en ces temps de restrictions budgétaires. 

Dans la même rubrique :