Programme Orka : Varsovie choisit les sous-marins suédois A26, au détriment de Naval Group



Publié par La Rédaction le 28 Novembre 2025

La Pologne a tranché pour renouveler sa flotte sous-marine. Varsovie a sélectionné le design A26 Blekinge du suédois Saab pour le programme Orka, au terme d’une compétition internationale très disputée. Cette décision répond à des besoins opérationnels urgents en mer Baltique et constitue un revers politique et commercial pour Naval Group.



Pourquoi la Pologne a retenu l’A26 de Saab

Image Pixabay

Le ministère polonais de la Défense a annoncé avoir choisi le sous-marin A26 Blekinge de Saab comme base du programme Orka. La Pologne prévoit l’acquisition de trois sous-marins et vise la signature du contrat d’ici la fin de l’année. Le ministre de la Défense a présenté cette décision comme un grand jour pour la sécurité de l’État et pour la marine polonaise, en expliquant qu’elle participe à la construction d’une nouvelle architecture de sécurité en mer Baltique.
 

Ce choix intervient à l’issue d’une compétition intense entre six pays européens et asiatiques. Des délégations polonaises se sont rendues en Suède, en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, ainsi qu’en Corée du Sud pour examiner les offres. Un élément déterminant a été la capacité des industriels à coopérer avec l’industrie de défense polonaise. Saab devra ainsi travailler avec le chantier PGZ Naval Shipyard et intégrer les acteurs polonais dans la chaîne du programme.
 

L’A26 est un sous-marin conçu dès l’origine pour les conditions particulières de la mer Baltique, avec des signatures acoustique et magnétique très faibles. La Pologne veut renforcer ses capacités de dissuasion et de surveillance dans cette zone, en équipant ses futurs sous-marins de missiles de croisière. Varsovie souhaite disposer d’un premier bâtiment en 2030. Pour éviter un trou capacitaire d’ici là, un sous-marin dit de transition doit être mis à disposition de la marine polonaise dès 2027, afin de former les équipages. Le programme est jugé urgent, la Pologne n’ayant aujourd’hui plus qu’un seul sous-marin en service, l’ORP Orzeł, un bâtiment de conception soviétique en fin de vie.


Le programme Orka : un saut capacitaire pour une marine longtemps sous-dotée

Le programme Orka vise à doter la Pologne de trois sous-marins modernes capables de défendre les intérêts polonais en mer Baltique, de répondre aux menaces hybrides, et d’assurer l’interopérabilité avec les autres forces armées polonaises et les alliés. La marine polonaise est historiquement le maillon le plus faible de ses forces armées. Elle repose aujourd’hui sur deux frégates de type Oliver Hazard Perry et sur l’unique sous-marin Orzeł. Varsovie a déjà lancé la modernisation de ses moyens de surface avec la commande de frégates Arrowhead, livrables à l’horizon 2029. Orka doit compléter ce mouvement sur le segment sous-marin.
 

Six constructeurs étaient en compétition pour ce programme. L’allemand ThyssenKrupp Marine Systems avec son 212CD, le suédois Saab avec l’A26 Blekinge, l’italien Fincantieri avec une variante du 212NFS, le français Naval Group avec des sous-marins de classe Scorpène, l’espagnol Navantia avec le S-80+, et le sud-coréen Hanwha Ocean avec le KSS-III Batch 2. Varsovie avait fixé des critères précis, portant sur l’acquisition de capacités de maintenance et de réparation, le transfert de technologies et l’intégration des usines polonaises dans la chaîne d’approvisionnement mondiale du fournisseur.
 

Avant la décision finale, certains observateurs estimaient que l’offre sud-coréenne pouvait l’emporter, en raison des nombreux contrats déjà conclus entre Varsovie et Séoul dans les domaines des chars, de l’artillerie, des avions de combat et des lance-roquettes. La sélection du design suédois consacre finalement un autre choix stratégique, centré sur l’environnement baltique, la coopération industrielle avec un voisin nordique et l’intégration au sein d’un ensemble de défense régional renforcé.


Un revers symbolique pour Naval Group, malgré des atouts techniques intacts

Pour Naval Group, le résultat d’Orka constitue un nouvel échec sur un grand appel d’offres allié. L’industriel français proposait des sous-marins de type Scorpène et avait déjà noué un accord avec le groupe polonais PGZ afin d’impliquer largement l’industrie locale dans la construction et le soutien. Sur le papier, la France avançait un projet de coopération substantielle, dans la continuité de programmes export réussis et de références comme Barracuda ou les frégates de défense et d’intervention.
 

Les analyses publiées à la suite de l’annonce polonaise soulignent toutefois que Varsovie a privilégié un acteur perçu comme moins exposé au risque de dérive de calendrier, dans un contexte où les chantiers de Naval Group sont déjà très chargés. Le constructeur français reste techniquement solide, mais il souffre d’une série de revers sur des marchés alliés majeurs. Certains observateurs parlent d’une perte d’attractivité politique, plus que d’un déficit de compétence, au profit d’autres industriels européens comme Saab ou d’acteurs asiatiques.
 

Le programme Orka raconte donc deux histoires parallèles. Vue de Varsovie, celle d’un rattrapage massif de capacités et d’un ancrage renforcé dans une posture de défense en mer Baltique. Vue de Paris, celle d’un signal d’alerte supplémentaire sur la place de la France dans les grands arbitrages navals d’une Europe qui se réarme vite, mais pas toujours avec des solutions françaises.


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