Obus biélorusses, technologie chinoise : le nouvel arrière-front de Moscou



Publié par Paul-Gabriel LANTZ le 21 Novembre 2025

Le 17 novembre 2025 lors d’un forum en Ukraine, Matviy Kupreychik, représentant de l’ONG BelPo qui regroupe d’anciens membres des forces de l’ordre biélorusses, affirme que la Chine a aidé Minsk à installer des lignes de production capables de fournir environ 500 000 obus par an à la Russie. Dans le même temps, à Helsinki, le ministre finlandais de la Défense Antti Häkkänen accuse Pékin de « financer massivement » l’effort de guerre russe. Deux signaux convergents qui éclairent le rôle discret mais central de la Chine dans la guerre d’usure en Ukraine.



Une sous-traitance biélorusse pour l’artillerie russe

Image ENDERI
Selon Kupreychik, la Chine a vendu au régime d’Alexandre Loukachenko des lignes d’assemblage permettant de produire chaque année 240 000 corps d’obus de 152 mm et 240 000 roquettes de 122 mm destinées aux lance-roquettes multiples GRAD. Ces «corps» métalliques, livrées sans explosif, sont ensuite intégrées à la chaîne d’armement russe.
BelPol précise qu’une dizaine d’ingénieurs chinois ont été dépêchés pour installer puis superviser ces lignes au sein d’au moins deux entreprises d’État biélorusses, dans un tissu industriel déjà partiellement reconverti vers la production de guerre. Faute de capacités locales pour fabriquer les charges explosives, Minsk se concentre sur la fonderie et l’usinage des corps d’obus, laissant à la Russie les étapes finales d’assemblage et de remplissage.
Surtout, Kupreychik insiste sur le fait que ces «corps d’obus» sont produits exclusivement dans le cadre de commandes publiques russes : Moscou est l’unique client, ce qui enferme l’industrie biélorusse dans une dépendance quasi totale au complexe militaro-industriel russe.

Pékin, fournisseur discret mais devenu indispensable pour Moscou

Le rôle chinois est double : fournitures d’équipements industriels (lignes de production, contrôles qualité, ingénierie) et accompagnement technique continu via des équipes dédiées sur le sol biélorusse. Ce schéma permet à Pékin de rester officiellement en-deçà de la livraison directe d’armes, tout en contribuant à la montée en puissance de stocks d’artillerie indispensables à la stratégie russe de guerre d’attrition.
Ce mécanisme s’inscrit dans un faisceau d’indices plus large sur le soutien chinois à Moscou : Kiev affirme depuis plusieurs mois que la Russie reçoit des composants critiques – poudres propulsives, éléments d’artillerie, matériels à double usage – en provenance directe ou indirecte de Chine. Ce sont précisément ces flux que visent les propos d’Antti Häkkänen, qui accuse Pékin de « financer massivement » la machine de guerre russe via la fourniture de composants militaires, la coopération industrielle de défense et des activités conjointes de plus en plus visibles en Arctique, en Indo-Pacifique et en Europe.


Un signal d’alarme pour l’Europe et pour l’OTAN

Pour Helsinki, qui partage une longue frontière avec la Russie et a rejoint l’OTAN en 2023, la dénonciation publique du rôle chinois n’est pas seulement politique : elle accompagne une stratégie de réarmement accéléré et de renforcement de la base industrielle de défense nordique, notamment dans la production de munitions d’artillerie.
Le ministre finlandais de la Défense, Antti Häkkänen, cherche à faire prendre conscience aux alliés que l’équation stratégique ne se joue plus uniquement entre Moscou et Kiev, mais dans un triangle Russie, Chine, États européens.
En externalisant une partie de sa production d’artillerie vers un allié dépendant, Moscou sécurise ses flux de munitions ; en investissant dans ces capacités, la Chine s’offre un levier stratégique sur l’équilibre militaire européen.
L’Union européenne et l’OTAN seront-elles capables de relever ce défi, qui se joue désormais sur le terrain industriel, logistique et technologique ?

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