Mozambique LNG : la plainte qui expose les limites du modèle sécuritaire de TotalEnergies



Publié par Adélaïde Motte le 18 Novembre 2025

La plainte pour complicité de crimes de guerre visant TotalEnergies autour du projet Mozambique LNG met en cause l’un des modèles les plus couramment utilisés dans l’industrie : l’externalisation de la protection des infrastructures à des forces locales soutenues logistiquement par l’opérateur.



Mozambique LNG : un modèle de sécurité basé sur des forces locales qui montre ses limites

Pour sécuriser Mozambique LNG, un investissement majeur évalué à près de 20 milliards de dollars, TotalEnergies s’est appuyé sur la Joint Task Force (JTF), unité créée en 2020 avec l’État mozambicain. Ce modèle présentait des atouts classiques : présence étatique renforcée, continuité territoriale, dispositif légalement intégré aux structures nationales. En contrepartie, l’entreprise apportait un soutien logistique complet : hébergement, alimentation, équipements et primes de terrain. Mais la plainte déposée le 17 novembre 2025 révèle l’un des points faibles structurels de cette architecture : l’industriel dépend totalement de la chaîne de commandement locale, sans contrôle direct sur la doctrine d’emploi ni sur les règles d’engagement de la JTF.

Selon la plainte, cette unité aurait commis entre juillet et septembre 2021 des actes qualifiables de crimes de guerre : détention de civils dans des conteneurs métalliques, mauvais traitements, disparitions forcées. Indépendamment de l’issue judiciaire, le dossier montre qu’une force partenaire insuffisamment supervisée peut devenir un facteur de vulnérabilité stratégique. Cela confirme qu’un dispositif de “force protection” délégué doit désormais intégrer des mécanismes de surveillance en continu, d’audit doctrinal et de traçabilité opérationnelle pour éviter que l’industriel soit considéré comme facilitateur d’exactions.

Supervision, doctrine et contrôle : la sécurisation devient une fonction industrielle à part entière

L’affaire TotalEnergies renforce une tendance déjà perceptible : les opérateurs d’infrastructures critiques ne peuvent plus se limiter à financer et appuyer logiquement des forces locales. La pression judiciaire impose désormais un niveau plus élevé de gouvernance sécuritaire : documentation systématique, formation des unités partenaires, intégration de systèmes ISR autonomes et protocoles stricts de remontée d’incidents. Sans souveraineté opérationnelle, un industriel doit au minimum démontrer qu’il exerce une supervision active et conforme aux standards internationaux. Cela ouvre un marché en expansion pour les solutions de sûreté hybrides mêlant forces locales, prestataires spécialisés et technologies de surveillance avancées.

Dans cette configuration, la plainte contre TotalEnergies pourrait devenir un précédent structurant. Si la justice retient que le soutien logistique apporté à la JTF constitue une forme d’assistance, même indirecte, cela obligera les industriels à revoir leurs modes de contractualisation avec les États partenaires. L’intégration plus formelle de clauses comportementales, l’audit externe des forces déployées et la traçabilité complète des actions sécuritaires pourraient devenir la norme. À mesure que les infrastructures énergétiques s’implantent dans des zones instables, l’affaire Mozambique LNG est déjà analysée dans le secteur comme un jalon stratégique : elle signale que la sécurité n’est plus seulement un impératif opérationnel, mais un espace de responsabilité pénale que les industriels doivent maîtriser avec la même rigueur qu’un risque technique ou financier.

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