Depuis le début de l’année 2025, les heurts entre les deux pays se multiplient dans cette zone stratégique, revendiquée presque intégralement par la Chine mais partiellement occupée par plusieurs États riverains – Philippines, Vietnam, Malaisie, Brunei et Taïwan. Le récif de Second Thomas Shoal, situé à environ 200 km de l’île philippine de Palawan, est tenu par une poignée de militaires philippins retranchés à bord d’un ancien navire de guerre échoué volontairement, le BRP Sierra Madre.
C’est précisément pour ravitailler cette garnison isolée qu’un navire philippin a tenté mardi de franchir le blocus chinois. Des vidéos diffusées par l’armée philippine montrent des manœuvres d’intimidation, des jets de canons à eau et plusieurs collisions mineures entre les coques des bâtiments adverses. Aucun blessé grave n’a été signalé, mais l’incident relance les tensions dans l’un des points chauds les plus explosifs d’Asie.
Les États-Unis, alliés de Manille par un traité de défense mutuelle signé en 1951, ont condamné « les actions coercitives de la Chine » et annoncé le renforcement de leur présence navale dans la région. Le porte-avions USS Theodore Roosevelt, actuellement en patrouille dans le Pacifique occidental, a reçu l’ordre de se rapprocher de la zone. Washington affirme vouloir « prévenir toute tentative d’escalade militaire ».
La 7e flotte américaine, basée à Yokosuka (Japon), multiplie depuis plusieurs mois les opérations dites de “freedom of navigation”, visant à contester les revendications maritimes excessives de la Chine. Pékin dénonce ces patrouilles comme des provocations destinées à « internationaliser » un différend qu’elle considère comme interne à l’Asie.
Pour la Chine, le contrôle de la mer de Chine méridionale représente bien plus qu’un enjeu territorial : c’est un levier de puissance, un moyen de sécuriser ses routes commerciales et ses approvisionnements énergétiques. Pour les Philippines, soutenues par Washington et Tokyo, la question est celle de la liberté de navigation et du respect du droit international, notamment de la Convention de Montego Bay (1982) sur le droit de la mer, qui reconnaît leur zone économique exclusive sur les Spratleys.
Au-delà du face-à-face sino-philippin, cette confrontation illustre la nouvelle centralité géopolitique de l’Indo-Pacifique. Les incidents se succèdent : collisions, survols, brouillages électroniques, mise en garde de pêcheurs. Chacun de ces épisodes teste les lignes rouges américaines et la détermination chinoise à imposer sa “souveraineté historique”.
L’incident du 15 octobre confirme la militarisation progressive du conflit maritime en Asie du Sud-Est. La Chine continue d’étendre ses avant-postes et de moderniser sa flotte de garde-côtes, désormais quasi militaire. Les Philippines, de leur côté, cherchent à consolider leurs capacités de surveillance et à renforcer leurs alliances, notamment avec le Japon et l’Australie.
Le risque d’un incident incontrôlé demeure élevé. Un accrochage plus grave pourrait provoquer une réaction en chaîne, engageant Washington au titre du traité de défense mutuelle. Dans cette équation tendue, chaque manœuvre compte. La mer de Chine méridionale reste, plus que jamais, l’un des points d’inflammation majeurs du XXIe siècle — un théâtre où la stratégie, la dissuasion et la communication militaire se confondent désormais.