L’affaiblissement des États en crise chronique – Syrie, Yémen, Irak, Liban – a laissé un vide de souveraineté rapidement comblé par des acteurs non-étatiques. Ces groupes bénéficient du soutien de puissances régionales, qui y voient un moyen de projeter leur influence à moindre coût. Leur montée en puissance est aussi le fruit d’un facteur technologique : l’usage de drones et de missiles bon marché a donné à ces organisations des capacités autrefois réservées aux armées régulières.
Les Houthis illustrent cette mutation. En frappant la navigation commerciale en mer Rouge, ils ont perturbé une artère vitale du commerce mondial et forcé des coalitions navales entières à réagir. Un mouvement insurgé local a ainsi imposé un coût stratégique global, marquant l’échec des logiques classiques de dissuasion.
Au Levant, le Hezbollah, les factions chiites irakiennes ou encore les Forces démocratiques syriennes (FDS) administrent de vastes territoires, exerçant des fonctions de police, de justice et de fiscalité. La Syrie et l’Irak sont devenus des mosaïques de souverainetés concurrentes, où les États centraux ont perdu le monopole de la violence légitime.
Les limites de la réponse étatique
Les stratégies traditionnelles – frappes aériennes, sanctions, opérations navales – montrent leurs limites face à des adversaires diffus, enracinés dans le tissu social et économique local. Détruire militairement une faction ne garantit pas le retour de l’autorité étatique. Au contraire, l’absence d’alternative crédible en matière de gouvernance favorise la résilience de ces acteurs et nourrit leur légitimité.
La réalité régionale est celle d’un ordre hybride, où États et groupes armés coexistent et se concurrencent. Ces derniers contrôlent désormais des territoires, négocient avec des puissances étrangères et influencent directement les dynamiques internationales.
Les ignorer serait une erreur stratégique. Les gérer impose d’aller au-delà de la seule logique militaire : il faut combiner pression ciblée, offre de gouvernance et compréhension fine de leurs logiques sociales et économiques. Car ce sont désormais eux qui dictent une partie des règles du jeu au Moyen-Orient.