Les entreprises familiales, entre passion et durabilité



Publié par La Rédaction le 2 Octobre 2013

On pouvait croire le modèle économique de l’entreprise dite « familiale » passé de mode, inadapté aux exigences du siècle. On pouvait imaginer que l’entreprenariat moderne ne se fonde que sur des montages financiers ultra-élaborés et des gouvernances anonymisées. Ce serait toutefois ignorer une réalité bien vivace qui est l’un des marqueurs du tissu des PME françaises : jeunes créateurs, repreneurs ou héritiers, la société familiale a plutôt le vent en poupe. Comme si, pour les chefs d’entreprise, la rudesse de la tâche était allégée par la dimension presqu’affective, en tout cas ressentie comme rassurante, que ce type de société instille.



(credit : freedigitalphoto.net)
Travailler en famille c’est, avant tout, travailler en confiance.
 
Qu’ils soient héritiers ou fondateurs de leurs structures, la valeur « confiance » arrive en tête des motivations des entrepreneurs. Les dirigeants ont le sentiment de travailler dans un périmètre sécurisé, avec des espaces d’échanges où même les plus vives confrontations n’altèrent pas les liens et ne se transforment à aucun moment en facteur de fragilisation de leur société.  
 
En témoigne par exemple l’aventure chaleureuse des sœurs Fabre, Marie et Julie, qui incarnent la quatrième génération à la tête de la savonnerie Marius Fabre : installée à la direction de la société en 2010, les duettistes du savon de Marseille se connaissent par cœur. Adossées à cette complicité inoxydable, après avoir mené leurs chemins professionnels chacune de leur côté, elles ont boosté en quelques années l’entreprise, ont décroché le label « patrimoine vivant », mais surtout ont développé l’export qui représente maintenant un quart du chiffre d’affaire.
 
Même entente productive chez Bertile Burel et James Blouzard, qui partagent à la ville comme dans la vie les mêmes passions. Tous deux jeunes diplômés, ils se rencontrent au cours d’une soirée qui regroupent des expatriés et se découvrent une passion commune pour les voyages. Au cours d’un de leur périple, l’idée germe de fonder une entreprise dédiée aux loisirs et au partages de leurs expérience : Wonderbox est née.  Une entreprise aujourd’hui leader sur le marché français des coffrets cadeau. Leurs passions partagées, celles des voyages et du sport, a été le ferment de la création. Leur duo soudé par l’engagement autour de valeurs communes leur a permis d’assumer la montée en puissance de l’entreprise et de faire au moment opportun les choix stratégiques décisifs, plus clairvoyants, audacieux et co-décidés. « Nous nous répartissons les tâches tout en travaillant ensemble. Nous sommes complètement interchangeables, ce qui offre un vrai avantage : quand un dossier pose difficulté à l’un, il peut le confier à l’autre », observent-ils d’une même voix.
 
Le lien familial quel qu’il soit permet de franchir plus vite certaines étapes, de s’affranchir de certains blocages. Par capillarité, presque mécaniquement, un certain type de management s’organise au sein de l’entreprise, à l’image de la cellule familiale : tous les chefs d’entreprises, qu’ils soient héritiers ou fondateurs insistent spontanément sur une certaine particularité d’organisation, sur la priorité accordée à la qualité des relations humaines. Comme le note Bertile Burel, la co-fondatrice de Wonder Box, « les collaborateurs qui arrivent au travail avec le sourire le matin, mettent le cœur à l’ouvrage. Je considère qu’au-delà de la seule qualité du quotidien, l’ambiance de travail contribue à la satisfaction de nos clients ».
 
Autre binôme, fraternel, celui-là, celui formé par Nicolas et Mickaël Dumont, installés dans la région Rhône-Alpes. Le premier jeune ingénieur, a fondé Illico Travaux qui regroupe 130 courtiers en travaux avant d’en confier la direction, dix ans plus tard,  à son cadet et pouvoir ainsi développer en toute sérénité d’autres projets d’entreprises. « Nous partageons beaucoup avant de lancer un nouveau projet. Il existe un instinct de protection entre nous », concède volontiers Nicolas Daumont.
 
Travailler en couple ou en fratrie, pour des dirigeants de société, c’est aussi se donner une chance supplémentaire de capitaliser sur l’image. L’entreprise familiale a quelque chose de rassurant aux yeux des clients comme aux yeux des partenaires. Elle sous-entend des circuits-courts de communication, un dialogue fluide et une écoute permanente. Elle casse l’image de l’anonymat capitaliste et de l’interchangeabilité des dirigeants. Bref, elle donne un petit supplément d’âme à l’entreprise, dans un période où la quête de sens des travailleurs et des consommateurs se heurte parfois à la dure réalité d’une économie sans visage. « Le monde des affaires n’est pas différent de la société en général, analyse Bertile Burel, de Wonderbox, qui duplique au sein de son entreprise les principes intangibles qu’elle applique à sa couple ou à sa famille. L’écoute est le meilleur moyen de garder toujours éloigné le spectre de l’entreprise kafkaïenne et bureaucratique. La seule exigence que nous avons en retour vis-à-vis de nos collaborateurs est le respect des valeurs qui nous sont chères : l’excellence, on en a parlé, mais aussi l’initiative et l’intégrité. »
 
Une analyse que reprend globalement Didier Blaise, fondateur et dirigeant avec ses deux fils du numéro un français de ventes de pneumatiques par Internet, Allopneus. Il attribue son leadership sur le marché en grande partie à l’image de confiance que véhicule une entreprise montée et valorisée dans un périmètre strictement familial et qui impulse une image de confiance dans un milieu difficile et hyper-concurrentiel.
 
La dimension familiale rend également moins douloureux des choix parfois audacieux. Quand, à peine installées à la tête de leur savonnerie familiale, Julie et Marie Fabre décident de faire peser leurs efforts sur l’export, la stratégie peut sembler osée pour une entreprise de taille modeste. Il faut l’énergie cumulée de la mère, Marie-Hélène puis de ses filles pour dépasser les inquiétudes et les blocages. Pari gagné haut la main puisque leur société, Marius Fabre réalise trois plus tard près du quart de son chiffre d’affaire à l’étranger, présent dans une quinzaine de pays. Et la saga Fabre va se poursuivre, portée par le développement des produits bio : « quand on possède un produit miracle comme le savon, il suffit de revenir à la base pour séduire », observent le trio de choc.
 
Dernière vertu –et non des moindres– sur laquelle les entreprises familiales peuvent rebondir utilement en termes d’image : la relation à l’argent, au profit est identifiée de façon plus positive et plus saine par l’ensemble des acteurs du monde économique. Lorsque James Blouzard observe que « Wonderbox gère sa trésorerie en bon père de famille », il impulse une vision plus responsable de l’entreprenariat, plus efficace que n’importe quel plaidoyer théorique : « Nous opérons en matière financière avec beaucoup de rigueur, de précaution, et en gardant à l’esprit que l’argent que nous manipulons ne nous appartient pas. »

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