Les chantiers navals de Saint-Nazaire sortent la tête de l’eau



Publié par Roxane Lauley le 16 Décembre 2014

Terre en vue ! Les chantiers navals de Saint-Nazaire STX voient enfin leur horizon s’éclaircir. En effet, STX a annoncé, le 4 décembre dernier, la signature d’une lettre d’intention portant sur une commande record de deux unités de luxe. Alors que les chantiers nazairiens livraient en 1864 « l’Impératrice Eugénie », premier paquebot à roue, la machine semble être relancée en cette fin d’année 2014.



Aperit et nemo claudit

« Elle ouvre et personne ne ferme ». La devise de la ville de Saint-Nazaire semble être de bon augure au vu de la vague de contrats décrochés par les chantiers navals STX France. L’entreprise plus que centenaire des Chantiers de l’Atlantique, désormais STX France, est aujourd’hui détenue à un tiers par l’Etat (via le Fonds stratégique d’investissement) et aux deux-tiers par le conglomérat sud-coréen STX.  Les deux nouvelles commande  s ont donc été accueillies avec soulagement par les quelques 2400 salariés et 4000 sous-traitants qui dépendent des chantiers de Saint-Nazaire :  « c'est une excellente nouvelle dans une période où soufflait le chaud et le froid, entre des commandes pour MSC, les déboires de la SNCM, les tergiversations de l'actionnaire de la Brittany Ferry et la vente de STX par son actionnaire coréen » résume Marie-Odile Bouillé, députée socialiste de la huitième circonscription.

La lettre d’intention de commande à hauteur de 1,2 milliard d'euros a de quoi rassurer STX France. Il s’agit de deux nouveaux navires de luxe livrables à l’automne 2018 et début 2020, qui mesureront 300 mètres de long pour 38 mètres de large et compteront 1450 cabines.  Représentant plus de 11 millions d’heures de travail, il s’agit d’un contrat géant qui sécurise le plan de charge et l’emploi sur le site jusqu’en 2020. En septembre dernier, STX mettait fin à une période de chômage partiel de vingt-huit mois. L’heure est désormais au plein emploi pour tous les corps de métiers des chantiers voire à de nouvelles embauches comme l’espère Philippe Grosvalet, président du Conseil général de Loire-Atlantique, qui compte sur l’impact positif de ces nouveaux contrats sur l’ensemble du tissu économique et industriel du territoire.

Rebondir face aux Mistrals perdants ?

A l'heure de la crise des Mistrals avec la Russie (la France a reporté  « jusqu’à nouvel ordre » la livraison de Mistral à la Russie), ces commandes confirment également le savoir-faire français de Saint-Nazaire. Si les conséquences de la non-livraison des Mistrals entament directement la crédibilité de la France, ce succès prouve la montée en gamme et la stratégie d’innovation que les Chantiers de l’Atlantique ont été capables de poursuive face à une concurrence mondialisée. Marqué par une longue histoire industrielle, où les défis technologiques ont parfois été douloureux à relever,  STX France a pris le pli de l'innovation, ce qui accroit son attractivité. Hugues d’Argentré, délégué général du Groupement des industries de construction et activités navales (Gican) explique ainsi que, « ce succès repose sur trois piliers : un savoir-faire unique à forte valeur ajoutée dans le haut de gamme de la construction navale, une politique d’investissement et d’innovation volontariste ainsi qu’un réseau exceptionnel de coréalisateurs et de partenaires territoriaux qui s’engagent pleinement auprès de STX. Par ailleurs, l’entreprise a décidé de se diversifier et met le cap sur les marchés prometteurs des énergies marines renouvelables et de la croissance bleue. »

RCCL, ne s’y est pas trompé. Ce contrat confirme le retour à Saint-Nazaire d’un client historique qui a déjà fait construire douze navires par les Chantiers de l’Atlantique. Ces nouvelles commandes s’ajoutent aux deux paquebots de classe « Oasis » commandés par le même armateur américain et ceux de l’italo-suisse MSC Croisières qui avaient rassurés les chantiers au printemps dernier. Reste cependant la question clef de l’actionnariat des chantiers STX.

Boucler l’étape

En effet, la situation reste incertaine pour STX qui a récupéré les anciens actionnaires des ex-Chantiers de l’Atlantique en 2008 en reprenant leur propriétaire, le norvégien Aker (qui les a lui-même hérité d’Alstom). Aujourd’hui l’actionnaire principal de STX est la banque Korea Development Bank (KDB). La KDB a l’an passé pris le contrôle de la maison mère coréenne de STX, alors incapable de lui rembourser ses dettes. Aussi, elle a annoncé en mai dernier sa volonté de vendre ses filiales européennes afin d’obtenir des liquidités et provoquant une certaine confusion dans le Pays de la Loire. Mais « ce carnet de commandes correctement rempli ne doit pas entamer notre vigilance, ni celle de l'État, alors que les chantiers sont à vendre et que son principal concurrent européen « Fincantieri » témoigne d'un intérêt aux allures de menaces » met en garde Yannick Vaugrenard  , sénateur de Loire-Atlantique.

Face à cette situation, une piste se précise en effet : celle de l’entrée de l’Italie au capital de STX. C’est ce qu’a précisé Michel Sapin  le 12 décembre dernier, confirmant ainsi les informations dévoilées plus tôt par la presse italienne. Si aucun nom n’a pour l’heure été confirmé, il s’agirait de constructeur naval Fincantieri, indirectement contrôlé par l’Etat italien. Le ministre a ajouté que la partie italienne « cherche à voir si elle peut prendre la place d'un autre investisseur, qui est coréen », faisant directement allusion à STX. Quoiqu’il en soit, « un feu vert français serait nécessaire à une telle transaction » a-t-il précisé en confiant tout de même que « le sentiment français, c'est qu'il y a de la complémentarité intelligente entre ces deux ensembles ». Affaire à suivre donc.
 

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