Le Service Action (SA) est chargé des opérations clandestines extérieures : sabotage, exfiltration, appui de forces alliées, lutte antiterroriste ou encore préparation du terrain avant une intervention militaire. Il intervient partout où la France veut défendre ses intérêts vitaux sans exposition publique. Si le Commandement des opérations spéciales (COS) agit au grand jour, le SA œuvre sans drapeau, sans signature, mais avec la même rigueur et les mêmes exigences.
Un héritage et une méthode
Les traditions du SA s’ancrent dans la Résistance : discipline, autonomie, discrétion. Dans les années 1950, les premières unités d’action clandestine sont structurées au sein du SDECE, avant d’être intégrées à la DGSE en 1982. Depuis, le service a conservé cette double nature : militaire dans sa forme, mais profondément marquée par la culture du renseignement.
Le recrutement reste extrêmement sélectif. Les candidats proviennent pour beaucoup des forces spéciales, des parachutistes ou des unités de marine, mais le parcours ne s’arrête pas là : il faut apprendre à vivre dans la discrétion, penser comme un agent et agir comme un opérateur. L’entraînement est long, progressif, souvent éprouvant ; il vise autant la maîtrise technique que la stabilité psychologique.
Les écoles de l’ombre
Deux structures forment l’ossature du Service Action :
Le CPIS (Centre parachutiste d’instruction spécialisée) à Perpignan, véritable cœur du dispositif, forme les agents aux techniques de clandestinité, à l’infiltration, à la manipulation d’explosifs, à la cryptologie et à la survie en milieu hostile.
Le CPEOM (Centre parachutiste d’entraînement aux opérations maritimes), implanté à Quélern, spécialise les équipes dans les interventions sous-marines, les approches côtières et les infiltrations discrètes par la mer.
Ces centres fonctionnent selon une logique de compagnonnage. Chaque opérateur apprend à maîtriser un large éventail de compétences : parachutage, tir longue distance, observation, pose de capteurs, démolition contrôlée, premiers secours de combat, et surtout, art de la couverture. L’objectif n’est pas d’être un soldat d’élite parmi d’autres, mais un spécialiste de l’action invisible, capable d’agir seul ou en petite équipe, souvent dans des pays où sa présence n’existe pas officiellement.
Les missions et la discipline du secret
Les opérations du Service Action ne font jamais la une des journaux. Certaines, comme le sabotage du Rainbow Warrior en 1985, ont éclaté au grand jour et laissé une trace embarrassante. Depuis, la DGSE a renforcé son contrôle interne : chaque mission est désormais validée au plus haut niveau de l’État, encadrée par un processus juridique précis.
La plupart des actions restent invisibles : infiltration d’un groupe terroriste, sécurisation d’une source humaine, assistance technique à un service allié, ou élimination discrète d’une menace. Les opérateurs du SA sont tenus par un serment de silence absolu. Même après leur carrière, ils n’évoquent ni les lieux, ni les méthodes, ni les objectifs. Le secret n’est pas une posture : c’est une condition de survie.
Un métier d’ombre et de patience
Contrairement à l’image romanesque de l’espion hollywoodien, le quotidien du Service Action est fait de longues attentes, de préparation minutieuse et de prudence extrême. La plupart des opérations n’impliquent pas de confrontation directe : ce sont des missions d’observation, de logistique, de liaison. Le moindre faux pas peut compromettre des années de travail et mettre en danger les réseaux de la DGSE.
La cohésion est essentielle : les agents apprennent à se faire confiance aveuglément. Dans l’ombre, la fraternité se forge autour d’un devoir silencieux : agir sans reconnaissance, souvent sans retour. La réussite d’une mission se mesure non pas au bruit qu’elle fait, mais à l’absence de traces qu’elle laisse.
Un outil toujours pertinent
À l’heure où les menaces se diversifient — terrorisme, déstabilisation numérique, compétition stratégique —, le Service Action continue d’occuper une place singulière. Ses effectifs, limités mais expérimentés, offrent à la France une capacité de réaction rapide, flexible et autonome. Dans les zones grises où diplomatie et armée ne suffisent plus, c’est souvent le SA qui prend le relais.
Cette unité de l’ombre illustre une constante de la stratégie française : agir sans s’exposer, frapper sans déclarer. Héritier d’une tradition vieille de quatre-vingts ans, le Service Action n’est pas une relique du passé. Il demeure une force de dissuasion silencieuse, adaptée aux guerres de demain — celles que l’on ne verra jamais.