La Rosgvardia, garde nationale, bras armé du Président russe largement récompensée à l’heure du durcissement économique



Publié par Paul-Gabriel LANTZ le 16 Décembre 2025

À l’approche de 2026, Moscou ajuste simultanément sa politique budgétaire, fiscale et sécuritaire. Un ordre interne du commandement de la Rosgvardia, obtenu par plusieurs canaux d’investigation russes, révèle l’octroi de primes exceptionnelles au personnel de la Garde nationale pour l’année 2025, dans un contexte pourtant marqué par des appels répétés à la « stabilisation » économique et à la modération salariale.



Des primes sans précédent pour la Garde nationale

Soldiers of the National Guard in the cordon on the FIFA World Cup 2018. Minin and Pozharsky Square, Nizhny Novgorod - Wikimedia Commons
Selon ce document interne, l’ensemble du personnel militaire de la Rosgvardia percevra une prime annuelle de 252 000 roubles en 2025, tandis que les élèves-officiers recevront 50 000 roubles. Les personnels ayant participé à la « deuxième opération militaire » et stationnés dans les régions frontalières bénéficieront d’un complément de 52 000 roubles. À titre de comparaison, les primes versées en 2024 n’avaient jamais été officiellement communiquées ; toutefois, plusieurs témoignages concordants publiés sur des forums professionnels faisaient état de montants avoisinant 45 000 roublesL’augmentation est donc d’un facteur cinq, un saut budgétaire significatif dans un appareil d’État soumis à de fortes tensions financières.

La Rosgvardia est commandée par Viktor Vassilievitch Zolotov

Ancien officier du KGB, puis du FSO (Service fédéral de protection), Viktor Zolotov est surtout connu pour avoir été pendant de nombreuses années le chef de la sécurité personnelle de Vladimir Poutine, dès la période pétersbourgeoise puis au Kremlin. Lors de la création de la Garde nationale russe en avril 2016, il est nommé directeur de la Rosgvardiaet se voit conférer le rang de général d’armée.
À ce titre, Zolotov ne relève pas du ministère de la Défense, mais rend compte directement au président de la Fédération de Russie. Cette chaîne de commandement directe distingue la Rosgvardia des forces armées classiques et souligne sa fonction première : maintien de l’ordre intérieur, contrôle des manifestations, protection des sites stratégiques et appui aux opérations de sécurité intérieure, y compris dans le cadre des opérations liées à l’Ukraine.
La Rosgvardia constitue ainsi un instrument politique et sécuritaire placé sous contrôle présidentiel étroit, et Zolotov en est l’un des piliers personnels et institutionnels depuis sa création.

Un coût budgétaire assumé malgré les signaux d’austérité

Avec un effectif estimé à plus de 340 000 agents, le coût total de ces primes pourrait atteindre près de 80 milliards de roubles sur une seule année. À titre de repère, le budget officiel de la Rosgvardia pour 2025 s’élève à 475 milliards de roubles, ce qui place ces primes à un niveau loin d’être marginal dans l’architecture budgétaire de la sécurité intérieure russe. Ces éléments ont été recoupés par plusieurs plateformes d’investigation, dont Tchéka-OGPU et Rucriminal.info, qui confirment l’ampleur exceptionnelle du dispositif.
 

Stabilisation économique et contrôle politique

Ce choix intervient alors que Kaplan Panesh, vice-président de la commission du budget et des impôts de la Douma d’État, a averti publiquement que la croissance des revenus des Russes en 2026 serait « nettement inférieure » à celle des années précédentes. En novembre, Vladimir Poutine a par ailleurs signé une loi actant une hausse des impôts, renforçant le sentiment d’un resserrement économique à venir. Dans le même temps, une réforme majeure de la gouvernance numérique est engagée : à compter du 1er mars 2026Roskomnadzor sera habilité à centraliser la gestion du segment russe d’Internet, avec la capacité technique d’isoler le RuNet du réseau mondial.
Pris ensemble, ces signaux dessinent une ligne de cohérence : l’appareil coercitif est renforcé et récompensé, tandis que la population est préparée à un effort économique accru et à un contrôle informationnel renforcé. Créée précisément pour contenir et réprimer le mécontentement intérieur, la Rosgvardia apparaît aujourd’hui comme l’un des piliers clairement privilégiés du système. Qui assure l’ordre est rémunéré, qui subit la transition est invité à patienter: un équilibre assumé, à l’approche d’une phase que le pouvoir qualifie de « stabilisation ».

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