Intelligence artificielle : la guerre froide du XXIᵉ siècle a commencé



Publié par La Rédaction le 22 Octobre 2025

L’intelligence artificielle n’est plus seulement une révolution technologique : c’est une arme de puissance. De la maîtrise des données à la souveraineté numérique, l’IA redessine les rapports de force entre États-Unis, Chine, Europe et puissances émergentes. Derrière les modèles de langage et les systèmes autonomes se cache une bataille mondiale pour le contrôle des infrastructures, des normes et des cerveaux. L’IA devient la nouvelle frontière de la guerre économique et stratégique du XXIᵉ siècle.



L’intelligence artificielle est en train de bouleverser la hiérarchie des puissances mondiales. Longtemps perçue comme un enjeu économique ou industriel, elle est désormais au cœur d’une compétition stratégique globale, mêlant technologie, influence et sécurité nationale. La maîtrise de l’IA conditionne non seulement la croissance économique, mais aussi la capacité à dominer l’information, la défense et les perceptions.
 

Depuis 2020, la rivalité sino-américaine s’est déplacée du terrain commercial vers celui des algorithmes. Les États-Unis conservent une avance dans la recherche fondamentale, les grands modèles de langage et les semi-conducteurs, mais la Chine progresse rapidement grâce à un modèle étatique centralisé et une exploitation massive des données. Pékin vise la suprématie technologique d’ici 2030 : une ambition qui effraie Washington et pousse les démocraties à accélérer leurs propres stratégies.
Dans cette course, les infrastructures jouent un rôle déterminant. Les centres de données, les capacités de calcul et l’accès aux puces de pointe sont devenus les nouveaux leviers de puissance. Le contrôle des chaînes d’approvisionnement, notamment celui des semi-conducteurs produits à Taïwan, illustre à quel point la technologie est désormais liée à la géopolitique. L’IA ne peut exister sans souveraineté industrielle.
 

L’Europe, quant à elle, tente d’imposer sa voie : celle de la régulation. Avec l’AI Act, l’Union européenne espère devenir la puissance normative de l’intelligence artificielle, à défaut d’en être la puissance technologique. Cette stratégie « régulatoire » est une forme de soft power : définir les règles du jeu plutôt que le jouer à pleine vitesse. Mais la fragmentation du marché et la dépendance vis-à-vis des technologies américaines et asiatiques limitent encore la portée de cette approche.
Dans le monde, les puissances intermédiaires – Inde, Israël, Corée du Sud, Émirats arabes unis – investissent massivement pour ne pas rester à la périphérie de cette révolution. Même l’Afrique et l’Amérique latine s’affirment, cherchant à tirer parti de leurs ressources humaines et de leurs données. L’intelligence artificielle devient un outil d’indépendance pour les uns, un vecteur d’influence pour les autres.
 

Militairement, les applications de l’IA transforment les doctrines de défense : drones autonomes, systèmes de commandement assistés par algorithmes, analyse prédictive des conflits. Le Pentagone, Moscou et Pékin développent des programmes d’IA militaire qui promettent une guerre « plus rapide, plus intelligente, plus invisible ». Ce glissement vers une automatisation du champ de bataille pose des questions éthiques et stratégiques inédites : qui portera la responsabilité d’une frappe décidée par une machine ?
Dans ce contexte, la France et l’Europe doivent choisir entre dépendance technologique et souveraineté numérique. L’enjeu n’est plus seulement d’utiliser l’intelligence artificielle, mais de la penser politiquement : qui la contrôle, qui la finance, qui en fixe les limites ? L’IA n’est plus un outil neutre ; elle est devenue une arme d’influence, au service des ambitions nationales.


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