Industrie de défense : Airbus sauve la chaîne A400M grâce à un soutien franco-espagnol



Publié par Aurélien Lacroix le 18 Juin 2025

Le 17 juin 2025, au deuxième jour du Paris Air Show du Bourget, la France et l’Espagne ont officialisé un accord industriel majeur : l’anticipation de sept livraisons d’A400M, le transporteur militaire lourd d’Airbus.



L’accord A400M : un mécanisme industriel de stabilisation

Airbus, Paris et Madrid ont convenu d’un rééchelonnement des livraisons prévu entre 2028 et 2029 : quatre avions pour la France, trois pour l’Espagne. Cette anticipation n’est pas anodine. Elle permet à l’avionneur européen de maintenir une cadence de production stable à huit unités par an, seuil technique considéré comme vital pour la pérennité de la ligne d’assemblage de Séville et de son réseau de sous-traitance réparti entre l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l’Espagne.

D’après la presse cette garantie de charge industrielle évite la désagrégation progressive d’une filière déjà affaiblie. La fermeture ou le ralentissement de certains fournisseurs critiques aurait généré des effets en chaîne irréversibles sur les coûts, les délais et la qualité industrielle.

Une chaîne logistique sous pression depuis 2023

Le programme A400M est en effet confronté depuis deux ans à un effet ciseau budgétaire : diminution des commandes fermes post-2026, inflation sur les matières premières critiques, et rareté de certaines compétences industrielles. Le seuil plancher des huit appareils annuels constituait une ligne rouge définie par Airbus dès 2022. Tout passage en dessous aurait forcé l’entreprise à désengager certaines briques industrielles, entraînant des pertes de savoir-faire critiques, notamment en assemblage mécanique lourd et en électronique embarquée.

Le plan annoncé au Bourget s’inscrit dans une stratégie de survie industrielle programmée. Il offre à l’avionneur et à ses partenaires un horizon opérationnel sécurisé jusqu’en 2029, le temps de relancer une nouvelle dynamique de commandes – qu’elles soient européennes ou export.

Soutenir l’outil industriel au nom de l’autonomie stratégique

Cet engagement étatique n’est pas une simple mesure budgétaire ou tactique. Il représente une décision industrielle à portée stratégique. Pour l’Europe de la défense, l’enjeu est clair : conserver une capacité autonome de production d’avions de transport militaire lourds, sans dépendance externe, dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes.

Comme le souligne Airbus dans son communiqué, la flexibilité offerte par la lettre d’intention signée avec l’OCCAR permet non seulement de lisser les commandes, mais aussi de garantir l’industrialisation continue des évolutions futures de l’A400M (block upgrades, capacités multi-missions, interopérabilité OTAN). Le programme mobilise aujourd’hui plus de 10 000 emplois hautement qualifiés en Europe, dont 1 800 en France et plus de 3 000 en Espagne.

Un produit difficilement remplaçable

L’A400M n’est pas un produit standard. Il combine des fonctions de transport stratégique, tactique et logistique en un seul appareil, avec des technologies critiques. Ses quatre turbopropulseurs TP400-D6 — développés par le consortium européen Europrop — constituent déjà une singularité industrielle. Le système de ravitaillement en vol, les configurations multiples de soute, et les nouvelles capacités de guerre électronique en développement en font une plateforme industrielle à très forte valeur ajoutée.

Le coût de reproduction d’une telle filière, selon une étude confidentielle relayée par Les Échos, dépasserait les 6,5 milliards d’euros sur dix ans. C’est pourquoi la fermeture de la chaîne A400M serait non seulement un échec commercial, mais un écroulement stratégique pour l’Europe industrielle et militaire.


 

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