Un projet géopolitique qui dépasse l’Ukraine et vise l’OTAN
Vladimiri Poutine, selon Kasparov, chercherait avant tout à remodeler l’ordre mondial pour effacer l’humiliation ressentie depuis la fin de la guerre froide. L’ancien champion d’échecs explique que le président russe poursuit une revanche historique, et que « son but stratégique est plus large : prendre sa revanche contre l’Occident, pour la défaite de la guerre froide », comme il l’a déclaré dans son entretien publié par Le Figaro. Ce propos, très direct, éclaire une logique de combat idéologique dans laquelle la Russie considère l’OTAN non comme une alliance défensive mais comme un obstacle fondamental à sa puissance retrouvée. De plus, Kasparov affirme que « Poutine mène déjà la quatrième guerre mondiale », selon lui une guerre hybride et permanente, structurée par la coercition et la pression stratégique. Cette affirmation met en lumière une vision où la Russie utiliserait tous les leviers possibles pour affaiblir l’Europe, tandis que l’OTAN tenterait malgré tout de préserver sa capacité de dissuasion. Par conséquent, la menace décrite s’inscrit dans une dynamique où les institutions occidentales deviennent des cibles politiques majeures pour le Kremlin.
Dans cette perspective, Kasparov insiste sur la vulnérabilité structurelle de l’OTAN. Il rappelle que « l’Otan est devenue une fiction, juste quatre lettres », déclaration qu’il attribue à l’effacement progressif du rôle initial de l’alliance. Cette critique illustre l’idée que la passivité des membres affaiblirait la crédibilité militaire de l’organisation. Pourtant, les responsables de l’OTAN continuent d’affirmer leur détermination à défendre l’Europe : le secrétaire général de l’Alliance a réaffirmé début décembre que l’organisation était prête « à faire ce qu’il faut » pour la protection du continent, rapporte The Guardian. Ce contraste montre que, malgré des assurances officielles, certains analystes perçoivent une érosion progressive de la confiance dans l’article 5. Les tensions récurrentes avec la Russie, notamment aviation stratégique, cyberattaques et pressions territoriales, alimentent cette inquiétude durable. Ainsi, la confrontation apparente entre la Russie et l’OTAN constitue un enjeu central de sécurité pour l’Europe entière.
Une Union européenne fragilisée au cœur de la stratégie russe
La stratégie attribuée à Vladimir Poutine ne se limiterait pas à l’OTAN : elle viserait aussi l’Union européenne, cible privilégiée en raison de sa structure politique complexe et de sa dépendance au consensus. Kasparov souligne que « pour cela, il lui faut liquider les institutions internationales », avant d’ajouter qu' « il reste l’Otan et l’UE, et son idée est de les disqualifier dans la conscience des gens ». Ces propos, rapportés dans l’entretien initial, montrent que l’objectif décrit dépasse la sphère militaire et cherche à atteindre le socle même de la cohésion politique européenne. La Russie exploiterait les failles institutionnelles, les divisions internes et les débats sur la souveraineté pour affaiblir l’intégration européenne. De même, Kasparov estime que l’Union européenne, conçue pour la paix et la prospérité, n’est pas préparée à une confrontation prolongée : il rappelle que sa structure politique « était impuissante à riposter » lorsque la menace est apparue, pointant la difficulté de l’UE à se projeter comme puissance stratégique. Cette observation renforce l’idée que la Russie viserait à amplifier les fissures internes de l’Union, en misant sur ses lenteurs et son absence d’outils de coercition.
Les manœuvres politiques évoquées par Kasparov s’inscrivent également dans un contexte électoral européen. Il affirme que certains partis dans plusieurs pays sont « inféodés », selon son expression, et qu’une victoire électorale de ces mouvements changerait immédiatement la posture européenne vis-à-vis de la Russie. Cela illustre combien le Kremlin chercherait selon lui à influencer indirectement les politiques européennes. À l’échelle institutionnelle, cette stratégie s’accompagne de pressions extérieures : Reuters rappelle que le président russe a récemment affirmé que Moscou était « prêt maintenant » à combattre l’Europe si celle-ci décidait d’entrer en guerre. Cette posture militaire agressive renforce les inquiétudes sur une Union européenne encore hésitante face à un adversaire décidé. Ainsi, selon cette analyse combinée, la Russie exploiterait simultanément les vulnérabilités politiques internes et la lenteur décisionnelle de l’Union pour réduire son influence stratégique.
Une dynamique militaire et stratégique qui ouvre la voie à une liquidation politique
L’évolution du front ukrainien constitue un élément déterminant dans la vision que Kasparov attribue au projet du Kremlin. Il estime que l’Ukraine sert aujourd’hui « d’étape importante » dans une séquence où la Russie cherche à recomposer un empire : sans elle, explique-t-il, « il n’y a pas d’empire russe ». La guerre en Ukraine n’est ainsi pas perçue comme une fin stratégique, mais comme un levier géopolitique. Kasparov va plus loin en affirmant que si l’Ukraine venait à céder, « l’Otan est finie », expression qu’il utilise pour indiquer la perte de crédibilité du dispositif de sécurité occidental. Ce raisonnement repose sur l’idée qu’un échec de la résistance ukrainienne révélerait une Europe incapable de se défendre, et une Amérique retirée de son rôle historique. De ce fait, la liquidation institutionnelle évoquée serait facilitée par un effondrement symbolique de la sécurité euro-atlantique. Les propos du président russe relatifs à la capacité de Moscou à affronter directement l’Europe renforcent cette perception de menace directe. Ce climat entretient la possibilité d’un basculement où l’OTAN et l’UE perdraient simultanément leur autorité politique.
En analysant l’ensemble des déclarations récentes et des signaux militaires, Kasparov décrit une trajectoire cohérente : face à une Russie « économiquement faible » mais déterminée, la stratégie occidentale manquerait d’audace et de cohésion. Il évoque la nécessité d’« actions fortes », qu’il associe à des mesures militaires et économiques capables de restaurer la dissuasion. Cependant, malgré cette mise en garde, le secrétaire général de l’OTAN a indiqué que l’Alliance demeurait pleinement engagée pour défendre l’Europe. Ce contraste révèle une tension persistante entre les assurances diplomatiques et les analyses critiques. Ainsi, la liquidation des institutions occidentales décrite par Kasparov ne résulte pas d’un acte unique mais d’un processus graduel : affaiblissement de la dissuasion, divisions politiques, influence stratégique, pression militaire.