Gaffe diplomatique à Wellington : le patron du FBI offre des armes 3D illégales à ses hôtes néo-zélandais



Publié par La Rédaction le 25 Novembre 2025

En visite officielle en Nouvelle-Zélande, le directeur du FBI Kash Patel a offert à cinq hauts responsables de la sécurité des revolvers imprimés en 3D, inspirés de jouets Nerf. Déclarées illégales au regard de la loi locale, ces armes ont dû être remises à la police puis détruites. Un incident qui résume, en un objet, le choc entre culture américaine des armes, souveraineté néo-zélandaise et technologies émergentes.



Image ENDERI

Selon des documents obtenus par l’Associated Press et détaillés par The Independent, Kash Patel, alors directeur du FBI et plus haut responsable de l’administration Trump à se rendre en Nouvelle-Zélande, était à Wellington fin juillet 2025 pour inaugurer le premier bureau dédié du FBI dans le pays.
 

À cette occasion, il remet à cinq hauts responsables de la sécurité intérieure des cadeaux très particuliers : des pistolets imprimés en 3D, inopérants mais entièrement réalistes, intégrés à des supports de type “challenge coin display”. Ces revolvers, modèle Maverick PG22, sont directement inspirés d’un pistolet Nerf aux couleurs vives et sont bien connus des amateurs de fabrication d’armes 3D. Trois patrons des services de sécurité confirment avoir reçu ces armes le 31 juillet : Richard Chambers, commissaire de police, Andrew Hampton, directeur-général du service de renseignement humain (NZSIS), et Andrew Clark, patron de l’agence de renseignement technique GCSB. Deux ministres complètent la liste des récipiendaires : le ministre de la Police, Mark Mitchell, et Judith Collins, qui supervise l’armée et les services de renseignement. Tous cinq ont volontairement remis les pistolets aux autorités.


La suite se joue dans les arcanes juridiques néo-zélandais. La loi du pays restreint très fortement les pistolets, qui exigent un permis spécifique en plus de la licence classique. Sans ce permis, même des armes de présentation ne peuvent être légalement conservées.


Surtout, en Nouvelle-Zélande, une arme « inopérable » est juridiquement traitée comme fonctionnelle si elle peut être rendue opérationnelle par de simples modifications. Dans un courriel interne d’août 2025, le responsable de l’armurerie de la police, Daniel Millar, explique à sa hiérarchie qu’il suffirait d’« outils basiques de bricolage » – une perceuse sans fil, un foret, une petite vis servant de percuteur – pour transformer ces répliques en pistolets utilisables.


Son équipe demande à conserver un exemplaire pour des tests, mais le commissaire Chambers refuse. Les cinq armes sont détruites le 25 septembre. La police refusera ensuite de publier les photos des pistolets, estimant que leur diffusion « risquerait de porter préjudice aux relations de la Nouvelle-Zélande avec les États-Unis ».



Souveraineté, culture des armes et signaux stratégiques

L’affaire ne se résume pas à un cadeau mal choisi. Elle s’inscrit dans un contexte où la Nouvelle-Zélande a durci radicalement ses lois sur les armes après l’attentat suprémaciste de Christchurch en 2019, où 51 fidèles musulmans ont été abattus par un Australien ayant acquis légalement un arsenal semi-automatique.

Depuis, le pays considère la détention d’armes comme un privilège et non un droit : les pistolets sont strictement encadrés, les fusils d’assaut largement bannis, la culture de l’arme à feu reste marginale en milieu urbain, et la police elle-même patrouille généralement sans arme apparente.

Dans ce contexte, voir le chef du FBI arriver avec des revolvers imprimés en 3D pour les offrir aux patrons de la police et du renseignement ne pouvait qu’être explosif. D’un côté, Washington cherchait à marquer le coup : l’ouverture d’un bureau du FBI à Wellington symbolise un renforcement de la coopération au sein du Five Eyes et une vigilance accrue face aux enjeux stratégiques dans le Pacifique. De l’autre, Wellington rappelle par les faits que sa loi s’applique à tous, y compris à un haut responsable américain.
 

L’épisode illustre aussi le défi posé par les armes imprimées en 3D : ces objets, entre gadget de geek, jouet et arme potentielle, brouillent la frontière entre symbole et capacité létale. Pour les autorités néo-zélandaises, le raisonnement est simple : si un pistolet peut être rendu fonctionnel avec une perceuse et une vis, il doit être traité comme une arme à feu à part entière.
 

Enfin, la décision de ne pas diffuser d’images des revolvers au nom de la relation bilatérale souligne la dimension diplomatique de ce qui pourrait passer pour une anecdote. L’incident devient un cas d’école : comment un simple objet promotionnel, pensé à Washington comme cadeau de camaraderie entre services, se transforme, une fois posé sur un bureau à Wellington, en test grandeur nature de souveraineté juridique, de contrôle des armes et de gestion des symboles entre alliés.


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