France, Belgique : Deux pays toujours mariés par l’Histoire



Publié par Capitaine de Frégate (H) Ortiz le 23 Février 2021

Problématique de l’effort de défense Franco-Belge.

Deux pays imbriqués presque consubstantiellement depuis l’antiquité, la province Belgica de César recouvrant une vaste partie du territoire actuel du nord de la France où les ménapiens, nerviens et autres éduens, celtes, etc. vivaient sous l’étendard de la Pax Romana.



La christianisation sous le royaume franc embrassa le territoire actuel des deux pays.

Deux pays toujours mariés par l’Histoire, mais déjà un rejeton turbulent qui a nom les Flandres, épine éternellement plantée dans le talon des capétiens humiliés par la bataille des éperons d’or, une après-midi de juillet 1302, il est vrai que le prix à payer par les milices flamandes sera très élevé par la suite, la mémoire des peuples est longue et le 11 juillet, jour de la fête nationale flamande est toujours célébré avec la même ferveur.

La France des Grands-Ducs d’Occident plus particulièrement Jean le Bon et Charles le téméraire reste synonyme d’impérialisme, de brutalité destructrice et de domination aux yeux des Flamands lors des tentatives de la dynastie bourguignonne de reconstituer la Lotharingie post Charlemagne.

La Révolution française absorbera et unifiera juridiquement le pays et y imposera sa langue longtemps encore après l’indépendance.

Les deux pays vivront la révolution industrielle et l’épopée coloniale en même temps.

La Première Guerre mondiale verra une armée belge portant la bourguignotte du casque Adrian et équipée de canons Krupp, le roi des belges, Albert premier acceptant de lier l’armée de son pays celle de l’armée française, l’armée belge prêtant à la France un concours essentiel lors des combats en Afrique.

Il est une date essentielle pour comprendre la relation franco-belge en matière de défense, il s’agit de 1920, année de la signature du pacte de défense collective dirigé contre une éventuelle agression allemande. Ledit accord sera en grande partie vidé de son contenu par les nationalistes flamands en plein essor politique qui reprochent déjà à l’accord de mettre la Belgique sous influence française. Ce pacte sera aboli unilatéralement par la Belgique en 1936, le pays choisira la voix de la neutralité, peu convaincu de la capacité de la France à s’opposer à Hitler.

Malgré les défaites et l’occupation, les deux pays se retrouvent dans le camp des vainqueurs et adhèrent comme un seul homme à l’OTAN, à la CECA et au traité de Rome.
On sait que la France du Général cultivera beaucoup la différence, voire la dissonance avec la politique de la chaise vide, l’indépendance nucléaire et la sortie du commandement militaire intégré de l’OTAN alors que la Belgique comptera toujours parmi les enfants sages de l’OTAN.

Les problématiques de défense des deux pays ont autant de différences que de points communs, la défense et les jeux politiques sont indissociables.

Comprendre le fonctionnement de la Belgique tant sur le plan institutionnel que sociétal et politique, mais d’abord historique est un exercice auquel doivent sacrifier tous ceux qui s’expriment sur la question des relations franco-belges en matière de défense, la modestie dans l’approche est essentielle.

La Belgique fut un des tout premiers pays de la révolution industrielle, charbon et hauts fourneaux firent de ce petit pays une des nations les plus riches de la planète, sa base industrielle reste solide, les fabriques FN et Herstal en sont de flagrants exemples, la Belgique pas plus qu’un autre pays ne sacrifie volontiers sa base industrielle sur un hypothétique autel européen ou autre.

La Belgique est également la capitale otanienne de l’Europe après que le siège ait quitté Versailles pour Mons et Bruxelles, aussi, pas question pour ce pays de trop froisser le grand frère américain dont l’OTAN sert de point de vente de son matériel militaire.

Le pays depuis une trentaine d’années est fédéralisé et les équilibres gouvernementaux y sont extrêmement précaires et parfois même impossibles à comprendre pour un français, la frontière linguistique est aussi une frontière sociétale et même civilisationnelle ; Béatrice Delvaux écrivait dans le soir du 28/06/2018 « La Flandre nourrit un rejet quasi instinctif de ce qu’elle considère comme un impérialisme atavique français ». On parle beaucoup de flamandisation de la Belgique et les Flamands, c’est particulièrement vrai avec la NVA, nourrissent un tropisme anglophile et transatlantique autant qu’une méfiance pour la France.

La position de la Belgique est donc à l’image de ses alliances gouvernementales et de ses grands écarts, en 1974 quand on parle d’un marché du siècle on verra le F16 américain l’emporter sur le Mirage F1 de Dassault et la Belgique renforcer sa base industrielle en fabriquant sous licence les appareils tout en vendant aux USA ses mitrailleuses lourdes 12,7, pas question de mécontenter le Président Ford venu faire la retape pour son produit.

Quelques années plus tard dans un cadre trilatéral, la Belgique, La France et les Pays-Bas mettent à flot le CMT (chasseurs de mine tripartite) sans doute le meilleur bateau du monde dans sa catégorie.

Les derniers temps sont symptomatiques de l’évolution de la situation, la France réintègre sous le président Sarkozy le commandement intégré de l’OTAN, cette nouvelle posture favorise-t-elle pour autant les desseins de l’industrie française ?
La Belgique et la France sont sur la même longueur d’onde au sein de l’UE : groupe des 4, QG européen, Initiative européenne d’intervention, etc.

La Belgique continue cette politique de grand écart en préférant le F35 au Rafale et « en même temps » en faisant l’acquisition de 60 véhicules de combats médians et de 417 véhicules de combat légers type Griffon autour du programme français Scorpion, la Belgique intégrant ainsi une vision doctrinale d’utilisation dans le cadre d’un partenariat stratégique avec sa grande voisine.

Que conclure, sinon que la Belgique est à elle seule une petite planète complexe à appréhender, un des piliers de l’UE qui doit toujours jongler avec ses démons politiques, le maintien de sa base industrielle de défense, ses alliances et ses marchés hors cadre UE, son adhésion à la PCSD, sa vieille fidélité à l’OTAN et son lien naturel et historique avec la France.
Quels conseils donner aux militaires et industriels français : apprenez le flamand.

Capitaine de Frégate (H) Ortiz
Président des Officiers Français de Belgique

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