Fidélité, obéissance et résistances silencieuses : les dilemmes des gendarmes de Vichy



Publié par La Rédaction le 16 Septembre 2025

Historien de la gendarmerie sous l’Occupation, Luc Demarconnay s’est intéressé à un corps singulier : la Garde personnelle du maréchal Pétain. Dans son ouvrage "Les gendarmes de la garde personnelle du chef de l’État (1940-1944)", il explore les dilemmes vécus par ces hommes, partagés entre fidélité au vainqueur de Verdun, devoir d’obéissance et résistances silencieuses. Dans cet entretien, il revient sur la complexité de leurs parcours et les zones d’ombre de cette histoire.



Vous insistez sur la tension entre obéissance militaire et conscience individuelle. Comment ces dilemmes se sont-ils manifestés au sein de la Garde personnelle ?

Levée des couleurs en présence du maréchal Pétain et des autorités civiles et militaires. Source : Dép. G-SHD 2007 ZM 1/301 106
Comme dans toute la gendarmerie, les gardes ont dû composer entre leur devoir d’obéissance et leurs convictions personnelles. Certains ont suivi Pétain jusqu’au bout, d’autres ont exprimé petit à petit leurs doutes, et une minorité est passée à la Résistance. Cette diversité de parcours illustre la complexité de l’Occupation : il n’y a pas une seule attitude, mais une gamme de comportements. La particularité de la Garde personnelle est malgré tout d’être en grande partie préservée par son implantation auprès du maréchal Pétain et de ne pas être instrumentalisée.

Peut-on réellement parler de fidélité sincère au maréchal Pétain, ou plutôt d’une discipline contrainte par les circonstances ?

C’est difficile à trancher. Beaucoup ont été mus par le sacro-saint devoir d’obéissance. Pour d’autres, en particulier les officiers, le respect dû au vainqueur de Verdun comptait aussi. Mais cette fidélité fut aussi pragmatique : la Garde offrait une relative sécurité matérielle à ses membres, à une époque de grande incertitude. 

Vous évoquez des cas de gardes passés à la Résistance : comment expliquer ces parcours divergents au sein d’un même corps ?

Ils traduisent la diversité des motivations individuelles. Certains se sont contentés d’assurer leur mission, d’autres ont franchi le Rubicon en rejoignant la Résistance, comme le lieutenant Frumin. Leurs choix dépendent d’histoires personnelles, d’opportunités et d’une évolution du contexte entre 1940 et 1944. Il ne faut pas oublier que les gardes sont aux premières loges du théâtre politique que représente l’hôtel du Parc, à la fois résidence du maréchal Pétain et siège du gouvernement.

Le silence des sources et la rareté des témoignages compliquent l’analyse : comment l’historien peut-il contourner ces zones d’ombre ?

En croisant les sources. Les archives de la Garde personnelle, conservées au Service historique de la Défense, sont précieuses mais lacunaires. J’ai donc mobilisé aussi les archives départementales, des témoignages et la presse d’époque. Ce travail de puzzle permet de reconstituer une histoire au plus près de la réalité.

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